Chapitre 13 : Elle a l'air d'une souillon.

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Gabrielle


À peine eurent-ils franchi la porte que les parents inquiets de Gabrielle vinrent à leur rencontre, Justine et Violette dans leur sillage. Ils avaient dû lutter pour ne pas les attendre dans le couloir ou même sortir sous le perron en dépit de l'orage.

— Mon Dieu ! s'exclama la baronne en portant une main à sa poitrine à la vue de sa fille trempée.

Gustave s'empressa de soutenir sa femme, dont la respiration s'était emballée. Comme, déjà, elle commençait à défaillir, il tenta de la rassurer :

— Ce n'est rien ma chère, juste un peu d'eau. Tout le monde se porte bien !

— Elle a l'air d'une souillon, murmura Eugénie dont le malaise était tel qu'elle ne maîtrisa pas le son de sa voix et fut entendue de tous. Seigneur, n'ai-je donc pas assez prié ?

— Mais si ma chère, vous avez tout bien fait...Respirez, voulez-vous ? Qu'on apporte de l'eau ! ordonna le baron. Et qu'on fasse venir le médecin !

Justine fit volte-face et courut en direction de la cuisine. La culpabilité déploya ses ailes sombres dans la poitrine de Gabrielle et projeta son ombre sur son cœur.

Que venait-elle de commettre ? Le corps de sa mère semblait en proie à la tétanie, raide comme un bâton, et son souffle refusait de sa calmer. Terrorisée à l'idée qu'Eugénie ne soit emportée par la crise, Gaby glissa discrètement l'anneau d'or autour de son doigt puis se précipita vers elle. Son père, quant à lui, était occupé à chercher de sa main libre le flacon de sels de pâmoison que sa femme conservait sur elle.

— Ma petite maman, remettez-vous, regardez, regardez ! s'exclama Gabrielle, parvenue à sa hauteur.

Elle plaça son annulaire devant les prunelles figées de la baronne pour lui exposer la bague.

— Tenez, intervint Violette en lui tendant un éventail.

Gabrielle s'en saisit de son autre main et l'agita devant la pâle figure de sa mère. Tout le corps de la jeune femme tremblait de peur, son souffle, saccadé par la panique, enflait à l'intérieur de ses oreilles. Dans le même temps, Gustave trouva le flacon de sels, le déboucha du pouce et de l'index puis le porta aux narines de son épouse.

— Respirez, ma chère... Voilà...

Tandis qu'Eugénie inhalait les vapeurs de la fiole, le baron tourna la tête vers sa fille. Le regard de son père ne lui cacha rien de sa réprobation. Gabrielle se sentit tout à la fois monstrueuse, égoïste et immature.

Le verre d'eau arriva ; elle s'écarta pour laisser passer Simone, la femme de chambre de sa mère. Le baron remit les sels à la domestique, s'empara du verre qu'elle lui tendait, puis l'appuya avec précaution contre la bouche inerte de son épouse qui demeura inexpressive.

— Eugénie... Eugénie... murmura Gustave à plusieurs reprises afin de l'aider à retrouver ses esprits.

Elle cligna une fois des yeux, puis ses lèvres s'entrouvrirent. Tant bien que mal, elle parvint à avaler une minuscule gorgée d'eau.

— Ma chère, vous m'entendez ?

Le temps sembla cesser sa fuite. Tout le monde attendait, suspendu aux moindres réactions d'Eugénie. Puis soudain, ses paupières papillonnèrent et d'une voix cassée, elle demanda mollement :

— Montrez-moi voir cette bague...

Une vague de soulagement parcourut l'ensemble des convives. Gustave sourit à son épouse et les traits graves de son visage se détendirent un peu.

— Gabrielle ! appela-t-il.

La jeune femme sortit de la torpeur qui l'avait saisie et s'écria :

— Tout de suite !

Elle se précipita à nouveau aux côtés de sa mère et brandit sa main tremblante devant le regard vitreux de la baronne.

— Voyez !

— Elle...Elle est splendide...

— Oui, répondit Gaby qui n'avait pas même jeté un coup d'œil à l'anneau.

— Bien, maintenant je vais vous conduire dans votre boudoir, reprit Gustave. Vous vous y allongerez un moment...

Il redonna le verre à Simone, puis joignant le geste à la parole, cueillit son épouse dans ses bras comme un preux chevalier. Après quoi, il se dirigea vers le sanctuaire de la baronne.

Simone et Bertrand, le valet de pied de Gustave, se hâtèrent à sa suite avant de le dépasser pour lui ouvrir la porte.

— André est allé chercher le médecin, annonça Bertrand.

— Parfait.

— Il me semble être remise... bredouilla Eugénie juste avant de disparaître à l'intérieur du boudoir.

À présent qu'il ne restait plus qu'Iris, Violette, Justine et Gabrielle au milieu du couloir, le silence retomba.

La jeune femme, le rouge aux joues, brûlait de honte. Plus que jamais, elle prenait conscience de son immaturité et de combien les siens pouvaient en pâtir.

Elle garda la tête baissée afin de ne pas croiser les expressions accusatrices qui ne manqueraient pas de l'assaillir. À raison, de surcroît. Ses yeux se posèrent sur la bague dorée autour de son doigt. Deux pierres d'un bleu très pâle brillaient de tout leur éclat. D'un bleu identique à la couleur de ses iris. Ce détail la troubla.

Relevant le menton, elle dévisagea le vicomte d'un air étonné, lequel l'observait non pas avec mépris, mais avec compassion. Il hocha la tête et, par ce simple geste, lui signifia qu'il n'avait rien laissé au hasard. 

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