Elle ~ une obsession dévorante ~

Chapitre 34 : pensée trouble

Le silence de l'appartement de Megan était pesant. Chaque recoin semblait murmurer ses doutes, ses erreurs, et ses choix non assumés.

Assise sur le sol de son salon, elle fixait une boîte en bois posée devant elle. Elle hésita, ses doigts glissant sur le couvercle poli. Cette boîte contenait des souvenirs des fragments de deux vies entremêlées.

En l'ouvrant, elle tomba sur une photo d'elle et de Tara, prise il y a quelques années. Elles riaient, le soleil illuminant leurs visages. Tara tenait une fleur dans ses mains, qu'elle avait glissée dans les cheveux de Megan juste avant que l'image ne soit capturée. Megan sentit un sourire mélancolique se dessiner sur ses lèvres.

Elle posa la photo sur le côté, son regard se perdant dans les souvenirs.

Sous la photo, un bracelet argenté. Simple, élégant, il avait été un cadeau d'Éris lors d'une de leur sortie. Elle se rappelait encore la manière dont Éris l'avait attaché à son poignet, murmurant : « C'est pour que tu penses à moi chaque fois que tu regarderas ton poignet. » Une promesse, une chaîne qu'elle ne pouvait ignorer.

Megan laissa échapper un soupir tremblant. Entre ses mains, ces deux objets semblaient représenter les deux chemins qui s'offraient à elle : l'amour intense mais troublant avec Éris ou la complicité rassurante mais complexe avec Tara.

Ne sachant comment apaiser le tumulte en elle, Megan se leva brusquement et sortit une toile et des pinceaux. La peinture était devenue sa manière de traduire ce qu'elle ne pouvait pas dire. Elle mélangea des couleurs — des teintes vives pour représenter Éris, des nuances douces pour Tara.

Au fur et à mesure que les traits prenaient forme, une scène émergea : deux silhouettes, face à face, séparées par un abîme profond. L'une tendait une main, hésitante, tandis que l'autre regardait ailleurs, dissimulant une lueur sombre.

Alors que ses pinceaux dansaient sur la toile, Megan sentit les larmes monter. Chaque coup de pinceau semblait graver ses doutes dans la peinture. Son cœur se serra lorsqu'elle se rendit compte que la silhouette qui tendait la main était la sienne. Elle était coincée entre deux réalités, incapable de se décider, incapable d'avancer.

Le temps s'écoula sans qu'elle le réalise. Lorsque la toile fut terminée, Megan recula, contemplant son œuvre. Elle avait traduit son chaos intérieur en une image, mais cela n'apportait aucune réponse. Son téléphone vibra sur la table, la ramenant à la réalité. Elle le saisit avec hésitation, découvrant un message d'Éris.

"Comment s'est passée ta journée ? Je pense à toi."

Megan ferma les yeux, son souffle tremblant. Elle posa le téléphone sans répondre, puis se recroquevilla sur le canapé, ses pensées l'assaillant à nouveau. Elle savait que ce moment de réflexion n'était que le début. Les choix qu'elle avait évités jusqu'à présent étaient là, exigeant des réponses qu'elle ne se sentait pas prête à donner.

Dans l'appartement spacieux d'Éris, la lumière tamisée projetait des ombres dansantes sur les murs, créant une atmosphère à la fois intime et oppressante. Serena était adossée à la baie vitrée, un verre de vin à la main, son regard scrutant la silhouette d'Éris, qui semblait perdue dans ses pensées. Sa sœur, habituellement si sûre d'elle, paraissait pour une fois déstabilisée.

— Alors ? murmura Serena en brisant le silence. Qu'est-ce que tu comptes faire maintenant ?

Éris, assise sur le canapé, leva les yeux vers sa sœur. Elle semblait plus tendue qu'elle ne voulait l'admettre.

— Megan hésite, répondit-elle enfin. Mais elle finira par comprendre que je suis pas une option. Je suis la bonne.

Serena hocha légèrement la tête, mais son regard restait empreint de scepticisme. Elle posa son verre sur une table basse et s'avança vers Éris.

— Et si elle ne le fait pas ? demanda-t-elle doucement, son ton plus grave qu'à l'accoutumée. Tu sais que tu ne peux pas forcer quelqu'un à rester avec toi.

Le visage d'Éris s'assombrit, ses mâchoires se contractant légèrement.

— Elle le fera. Je connais Megan mieux qu'elle ne se connaît elle-même. Elle a peur, mais je peux lui montrer qu'avec moi, elle n'a rien à craindre.

Serena fronça les sourcils. Elle connaissait ce ton déterminé, presque glacial. Elle l'avait entendu bien trop souvent dans le passé, et cela ne présageait jamais rien de bon.

— Éris, commence Serena, il faut que tu sois honnête avec toi-même. Est-ce que tu veux vraiment Megan, ou est-ce que tu veux juste prouver que tu as raison ? Parce que si c'est la deuxième option, tu es en train de jouer à un jeu dangereux. Pas seulement pour elle, mais aussi pour toi.

Éris se leva brusquement, coupant la distance entre elles. Son regard était intense, presque perçant.

— Ce n'est pas un jeu, Serena. Je l'aime. Et je refuse de la laisser gâcher sa vie avec quelqu'un comme Tara. Cette femme est faible. Elle n'a rien à offrir à Megan.

Un silence tendu s'installa. Serena croisa les bras, ses yeux fouillant ceux de sa sœur. Elle voyait l'obsession grandir, et cela l'effrayait.

— Tu es sûre que c'est de l'amour, Éris ? Ou juste une manière de contrôler ce que tu ne peux pas accepter de perdre ?

Éris détourna le regard, mais sa posture restait rigide. Elle ne répondit pas. Serena s'approcha, posant une main sur son épaule.

— Écoute, je suis là pour toi. Mais si tu continues comme ça, tu risques de tout perdre. Pas seulement Megan, mais aussi toi-même...

Après quelque seconde de silence elle ajouta.

— Je refuse de te revoir dans l'état où on t'a retrouvé ce soir là.

Éris haussa les épaules, se dégageant doucement de la main de Serena. Elle se dirigea vers la fenêtre, regardant les lumières de la ville scintiller dans la nuit.

— Elle comprendra, murmura-t-elle, plus pour elle-même que pour Serena. Elle n'a juste pas encore réalisé à quel point elle m'appartient.

Serena sentit un frisson lui parcourir l'échine. Elle connaissait bien cette facette d'Éris, cette partie sombre qu'elle avait toujours essayé d'ignorer. Mais cette fois, c'était différent.

Megan n'était pas une simple conquête. Elle était devenue une obsession, et Serena ne savait pas si elle pouvait arrêter sa sœur avant qu'il ne soit trop tard.