Chapitre 12 (réécrit)

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18 décembre 1943

Ce matin je suis passée chez Paul : il m'a appris qu'après quatre jours d'intenses recherches menées par des membres de notre réseau le corps d'Emile a finalement été retrouvé atrocement mutilé abandonné dans un fossé à un peu plus d'un kilomètre de la batterie de la Pointe du Hoc.
Selon les hommes qui ont ramené sa dépouille à sa famille, Emile a été tué de plusieurs balles dans la tête.  Il serait donc mort sur le coup et n'aurait pas souffert. Quant aux autres blessures, elles semblent avoir été infligées post-mortem.

Lors de ma visite, j'ai demandé à François si cette expédition valait le coup tant je suis choquée par le sort réservé à Emile. Le père de Paul, l'air très las, m'a répondu que chaque action était importante tant qu'elle causait du tort au Boches.

Peut-être...mais le prix à payer est tellement élevé. Nous n'avons pas simplement perdu Emile, François m'a également appris que depuis la création de notre réseau, une quinzaine de membres ont été tués et une dizaine d'autre arrêtés.

Si au moins nous avions le soutien des armées alliées...

J'ai parfois le sentiment que nous sommes abandonnés à notre triste sort et que les autres pays qui ont eu la chance d'éviter l'invasion allemande se préoccupent surtout de préserver leur liberté au lieu de réfléchir à une solution pour faire plier l'Allemagne.

Je suis perdue, je ne sais plus quoi penser...

Et puis il y a cette nouvelle mission : ce soir, nous devons saboter une batterie allemande qui se situe à l'intérieur des terres, à Longueville, à 10 kilomètres de chez moi. Cette batterie est composée de quatre obusiers et nous devons en détruire au moins deux.

Cinq jours seulement après la Pointe du Hoc, nous voilà déjà de retour sur le terrain et cela m'interpelle : dois-je y voir le signe annonciateur de ce débarquement que nous attendons tous ? Sinon, pourquoi tous ces sabotages à intervalle aussi rapproché ?

Je pense tout à coup à ces actions qui ont eu lieu sur toute la côté, de Sainte Mère Eglise à Arromanches, le mois dernier : ce débarquement qui pourrait enfin nous libérer de l'occupation allemande, ce débarquement,...pourrait-il avoir lieu ici en Normandie ?

Je frissonne à cette pensée puis je réalise que toutes ces actions peuvent également être un leurre pour faire croire justement que la Normandie est une région stratégique aux yeux des Alliés et pour amener ainsi plus de troupes allemandes chez nous au détriment d'une autre région.

Cela me semble un peu tiré par les cheveux mais...pourquoi pas ?Je médite cette théorie tout en marchant à une allure soutenue pour rejoindre Paul et François en haut de la colline. A mi-chemin, un homme déboule de celle-ci et manque de me faire tomber en me bousculant.

- Anna !

- Docteur Maréchal ?

- L'opération est annulée. Rentre immédiatement ! James et les autres gars de la Milice, ils viennent chez toi !

- Oh mon Dieu !

Je remercie vivement le docteur et retourne à toute vitesse chez moi.

Essoufflée par cette course brève mais intense, j'explique rapidement à ma mère que nous allons avoir la visite de James et me dépêche de gagner mon lit puisqu'à cette heure tardive à mon âge c'est là et nulle part ailleurs que je dois être.

Moins de cinq minutes plus tard, trois puissants coups sont frappés à notre porte. J'entends ma mère ouvrir lentement la porte et je reconnais immédiatement la voix de James.

Les larmes d'Auschwitz {Tome 1 et 2 publiés  chez Poussière de Lune Édition }Où les histoires vivent. Découvrez maintenant