14 janvier 1944
Ce n'est pas bien, je le sais mais j'ai subtilisé quelques cahiers à l'école : j'en ai absolument besoin pour noter toutes mes observation car en une semaine, j'ai déjà réussi à récolter des informations très intéressantes.
Cela m'a permis de me rendre compte à quel point les gens sont routiniers et désormais je connais pratiquement les habitudes de chacun des habitants de Colleville, ainsi que des officiers de la Kommandantur. J'ai dû ruser et trouver de nombreuses astuces pour rester au village plus souvent mais pour le moment ça passe, personne n'a remarqué mon petit manège.
Mon plan se met petit à petit en place mais à mon grand désappointement je n'ai toujours aucune information sur les six personnes les plus détestables de Colleville : James et ses acolytes. Cet affreux personnage semble avoir totalement quitté la région bien qu'au fond de moi, je suis certaine qu'il se cache non loin d'ici.
J'ai très vite compris, malgré le silence d'Antoine et de ma mère que c'est James qui est responsable de la mort de Paul et de ses parents. Je m'en suis doutée dès l'instant où Antoine m'a fait comprendre que je ne devais pas m'en mêler et j'en ai eu la confirmation lorsque je me suis trouvée involontairement sur le lieu de rendez-vous des Allemands et du porte-parole de la Milice.
Je ne pensais quand même pas qu'un jour je serai capable de ressentir autant de haine, de dégoût et de rancœur envers des personnes de mon propre village, des personnes que je croyais apprécier et connaître. Je réalise que la guerre peut décidément changer les mentalités, en bien ou en mal.
Esther et sa famille étaient des gens comme tout le monde avant le début du conflit mais ensuite une partie des habitants du village les ont considéré comme des pestiférés, simplement parce qu'ils étaient juifs.
Moi-même je suis désormais prête à tuer des Allemands s'il le faut à cause des horreurs et des privations que nous subissons par leur faute. Jamais, jamais je n'aurais pensé cela il y a 5 ans.
Tout comme je n'arrive toujours pas à assimiler que James...James le fanfaron, James le garçon le plus adulé du village, James qui était incapable de tuer un lapin et de le préparer pour le diner, James, ce garçon pour qui je croyais avoir des sentiments, est devenu un officier de la Milice, un criminel qui n'hésite pas à tuer des personnes qui l'ont vu grandir et qui l'ont aidé à de nombreuses reprises.
Mon désir de vengeance, à cette évocation, augmente encore et encore. Ma main serre avec hargne mon crayon et je suis proche de donner un bon coup de pied dans mon cartable quand le professeur Duhamel me tire de mes réflexions en m'appelant au tableau.
J'avoue que j'admire ce monsieur : malgré le meurtre de sa femme, malgré le fait que son ou ses assassins sont ici au village, il est toujours là pour assurer la classe.Cependant je le soupçonne à présent de préparer quelque chose contre les Allemands car avant et surtout après la classe ses habitudes ont changé. Il arrive tous les matins de la direction opposée à sa maison et le soir, ce n'est jamais vers elle qu'il retourne.
Je suis certaine que ce changement est récent car je ne me rappelle pas l'avoir remarqué avant les vacances scolaires. Oui, mais...à ce moment-là, je n'y faisais pas attention comme maintenant.
J'espère seulement que les Allemands ne se posent pas les mêmes questions que moi car ce qui m'inquiète fortement c'est qu'à ma connaissance, il ne fait pas partie de la Résistance et cela m'étonnerait fort qu'il existe deux groupes distincts qui opèrent sur le même territoire. Non, le professeur Duhamel doit certainement agir seul et je vais devoir m'en assurer dans tous les cas.
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Les larmes d'Auschwitz {Tome 1 et 2 publiés chez Poussière de Lune Édition }
Historical FictionAnna a 12 ans lors qu'éclate la seconde guerre mondiale en 1939. Ses parents entrent dans la résistance et Anna leur apporte son aide. Au début de l'année 1944, âgée de 16 ans, elle croise la route d'un jeune soldat polonais dont elle tombe amoureu...