Chapitre 4 (réécrit)

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31 décembre 1942

Mes parents et moi avons convenu de ne parler à personne des événements d'hier soir.

Je suis encore sous le choc : Je réalise que j'ai eu beaucoup de chance et que je l'ai échappée belle.

Je suis soulagée de constater que ma cheville n'est plus que légèrement gonflée et la douleur est nettement plus supportable qu'hier soir.

Ce matin, je discute avec mon père de l'attitude à adopter et aux conséquences possibles de mon geste.

Nous sommes attablés dans la cuisine et prenons notre très maigre petit-déjeuner composé d'une petite tartine presque sèche et d'une demi-tasse par personne de chicorée car cela fait bien longtemps que l'odeur du vrai café ne flotte plus dans la maison le matin...

Pratique, mon père songe déjà aux réponses à fournir aux Allemands si d'aventure ils venaient à nous interroger. Notre souci majeur réside dans le fait que nous ne savons pas dans quel état se trouve mon agresseur, s'il a réussi à retourner au village ou si quelqu'un l'a découvert et lui a porté secours.

Dans le pire des cas, il est vivant : il sait qui je suis et peut donc sans problème indiquer à ses supérieurs qui est la personne qui l'a blessé.

Dans le meilleur des cas il est mort et il emporte avec lui mon secret dans la tombe : je me dégoûte moi-même en me disant qu'il vaut mieux pour moi que cette homme soit mort.

Dans la logique de son raisonnement, mon père estime que je ne dois pas nier le fait d'être passé devant la grange hier soir dans le cas où un interrogatoire serait mis sur pied par les Allemands : je devais être la dernière personne à avoir quitter la Kommandantur hier soir et surtout, le chemin le plus rapide et le plus sûr pour rentrer à la maison passe devant la grange des Duval.

J'espère sincèrement pouvoir éviter les questions et j'espère que personne ne se rappellera m'avoir vue au village hier soir.

Nous terminons notre frugal repas lorsque plusieurs coups violents frappés à notre porte nous font sursauter.

- Jacques, Jacques, tu es là ? C'est François. Ouvre-moi !

Mon père se hâte d'aller ouvrir au père de Paul :

- François ? Que se passe-t-il ? Suzanne va bien j'espère ?

- Suzanne va bien, merci pour elle. Tu n'es pas encore allé au village ce matin ?

- Non. Mathilde est encore souffrante, je reste auprès d'elle le plus possible et je comptais envoyer Anna ce matin à l'épicerie pour aller chercher quelques provisions.

- Tu n'es donc pas au courant : un Boche a été tué cette nuit dans la vieille grange des Duval.

- Quoi ? Qui a fait le coup ?

Je remarque que mon père ne mentionne pas mon déplacement au village et j'écoute attentivement la conversation.

- C'est bien ça le problème, personne ne sait ! Dans la région, nous avons tous pour principe de s'attaquer exclusivement au matériel. Tu sais comme moi, que ce n'est qu'en dernier recours que nous... Enfin bref, nous connaissons le sort qui nous attend si nous tuons un allemand.

Marcel pense que le meurtre a dû avoir lieu quand les patrouilles sont réduites entre minuit et 3 heures.

- Dans ce cas ce serait une sorte d'embuscade ?

- C'est fort plausible : il parait que le gars allait devenir le bras droit du commandant. Tout le monde est au courant des tensions qu'il y avait entre lui et les autres soldats.
En tout cas au village, les gens sont inquiets : s'ils ne trouvent pas le coupable, j'ai peur de ce que les Boches pourraient faire.

Les larmes d'Auschwitz {Tome 1 et 2 publiés  chez Poussière de Lune Édition }Où les histoires vivent. Découvrez maintenant