29 novembre 1943
Avant de partir à l'école je discute un peu avec ma mère :nous sommes bien évidemment heureuses du message transmis par mon père. Actuellement il se trouve du côté d'Avranches mais il n'a laissé aucune indication sur ses projets. Ma mère est persuadée qu'il va tenter de descendre encore plus vers le Sud mais je ne suis pas convaincue qu'il s'agisse de l'option la plus raisonnable : il n'y a plus de zone libre depuis un peu plus d'un an, mon père ne sera en sécurité nulle part.
A moins qu'il n'ait décidé de quitter la France et de rejoindre l'Angleterre ?
Quoi qu'il choisisse de faire et peu importe sa destination finale, il devra changer régulièrement de moyen de transport en privilégiant la marche, le vélo, le cheval ou l'âne et il devra user de nombreux subterfuges pour ne pas se faire repérer.
Puisque je n'ai reçu aune instruction de sa part je décide d'attendre encore au moins quelques jours avant de faire quoi que ce soit en espérant recevoir un message de sa part très prochainement...
Lorsque j'arrive à l'école je ne suis pas surprise en constatant que Paul n'est pas là. Même si sa présence à mes côtés me manque, je comprends qu'il lui faut du temps pour se remettre de l'exécution de sa tante. Moi-même j'ai beaucoup de mal à ne pas y penser alors que je n'ai perdu aucun proche.
Au village, les officiers de la Milice patrouillent un peu partout : ils arrêtent les passants pour les interroger et ils effectuent des visites impromptues au domicile de certains habitants. Je secoue la tête en avançant dans la cour de l'école : leur présence à Colleville n'est certainement pas une bonne nouvelle.
Lorsque je constate que le soldat allemand qui contrôle notre présence aux cours habituellement n'est pas là aujourd'hui, un sentiment de malaise m'envahit. Puis, je découvre avec effroi que c'est James qui se charge de cette tâche.
Je suis la dernière arrivée et je prends peur en le voyant me fixer avec un peu trop d'insistance. Je m'oblige à soutenir son regard et à ne pas détourner la tête car je n'ai pas envie de me faire remarquer par une conduite déplacée.
- Bonjour Anna...
- Bonjour Monsieur.
- Oh voyons Anna, tu ne me reconnais pas ? Nous étions pourtant amis il y a encore quelques années. N'est-ce plus le cas aujourd'hui ?
Sa voix est différente, plus douce, plus...mesurée et son attitude envers moi me déstabilise totalement.
- Je ne vous comprends pas Monsieur. Vous m'avez demandé de... de ne pas...
Je ne suis pas en mesure de terminer ma phrase tant je redoute de prononcer une parole malheureuse.
- Oh, ça ! C'était juste un petit conseil en fonction du contexte actuel. Mais je te connais Anna, tu n'as bien entendu pas l'intention de faire quoi que ce soit de répréhensible n'est-ce pas ? J'aimerais vraiment que nous soyons à nouveau amis. Qu'en penses-tu ?
Tandis qu'il me parle, il s'approche lentement de moi, attrape une mèche de mes cheveux entre ses doigts et dans ses yeux brille une lueur inquiétante.
- Tu as grandi et...tu es toujours aussi belle...Tu es presque une femme à présent...
James me dévisage à présent comme si j'étais un objet ou une marchandise qu'il convoite et je frissonne de dégoût.
J'aimerais lui coller mon poing dans la figure ou lui donner une gifle dont il se souviendrait longtemps mais je sais que je dois impérativement me retenir au risque de finir dans un cachot. Ou pire...
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Les larmes d'Auschwitz {Tome 1 et 2 publiés chez Poussière de Lune Édition }
Historical FictionAnna a 12 ans lors qu'éclate la seconde guerre mondiale en 1939. Ses parents entrent dans la résistance et Anna leur apporte son aide. Au début de l'année 1944, âgée de 16 ans, elle croise la route d'un jeune soldat polonais dont elle tombe amoureu...