Shadows

I- J'ai l'air de vouloir ta photo ?

*Je suis dans une voiture bleue, assise sur un siège à l'arrière. Je regarde devant moi pour savoir avec qui je suis. C'est là que je les vois. Ils sont beaux tous les deux. Le garçon brun et la fille rousse. Ils rient tous les deux. Mais quelque chose ne va pas, quelque chose va arriver, je le sais. Le garçon se tourne vers moi.

« Joyeux anniversaire, Ava. » me dit-il en souriant. *

Puis, tout autour de nous devient noir et je me réveille en sursaut. Foutu cauchemar à la con.

Je vais dans ma salle de bain et prends une douche qui me fait un bien fou, malgré la douleur que j'éprouve lorsque l'eau chaude rencontre les cicatrices sur mon poignet gauche. Elles remontent à quelques jours mais elles me font toujours mal.

Après m'être lavée et habillée, j'empoigne mon sac de cours, je prends les escaliers et descends de mon immeuble complètement vide. A part la concierge, je suis la seule à habiter là-dedans. C'est pas par manque de place, il y'a cinq appartements libres autres que le mien, tous spacieux. Mais ils sont inhabités depuis plusieurs mois. Aux deux étages du dessous, c'est des bureaux désaffectés.

J'avoue que je ne sais pas si j'aurais choisi d'habiter là, si j'avais pu choisir où j'habitais. C'est un peu éloigné de la ville, il me faut presque vingt minutes pour aller à mon lycée à pied. Mais c'est discret, et à l'abri des regards. Je suis loin de mon ancienne maison, et ça me plait. Penser à mon ancienne vie, ça me fait du mal. Je lève la tête. Je suis devant mon lycée.

J'entre dans la cour, me dirige devant mon casier. Personne ne me remarque, je suis invisible, comme d'habitude. Parfait. Je déteste me faire remarquer. En deux ans de lycée, je crois que quatre personnes en tout ont daigné m'adresser la parole. Et c'est tant mieux. Je laisse tomber mon sac dans mon casier, attrape une trousse et un cahier, le referme et je vais m'asseoir sur un banc. J'ouvre mon cahier. C'est mon cahier de dessin.

Enfin, un de mes cahiers de dessin. Je dois en avoir une cinquantaine, sans rire, depuis que je suis petite, je dessine. Je me sens pas particulièrement douée, mais c'est ce que j'aime faire. Je regarde autour de moi. Il y'a peu de personnes dans ce lycée que je n'ai pas déjà dessinées. Et je n'en ai rien à faire de passer pour une folle, puisque comme personne ne s'intéresse à a vie, personne ne sera jamais au courant.

Attention, quand je dis que personne ne s'intéresse à moi, n'allez pas croire que je me plains, ou que je fais ma victime. J'aime que personne dans ce lycée ne s'intéresse à moi, car je ne m'intéresse à personne moi non plus.

Prenons la première personne qui me passe sous les yeux. Lucy. Parfait exemple. Elle est belle. Ses cheveux à la décoloration parfaite ondulent légèrement sur ses épaules, elle a de jolis yeux, une belle bouche, un beau corps. Elle est bien foutue. Je m'étais éclatée à la dessiner, c'est super d'avoir un joli modèle. Mais ça s'arrête là. Je n'essaye pas de lui parler ou de devenir son amie, parce-que, à part à l'extérieur, elle n'a aucun intérêt. Elle est hypocrite, méchante, et pire que tout, conne, mais conne à un point ! Je suis méchante, me direz-vous. Ouais. Je suis méchante. Mais je suis franche. Je n'ai pas peur de dire ce que je pense. C'est dans ma nature.

Avec tout ça, je n'ai toujours pas pensé à qui j'allais dessiner, moi. Je réfléchis quelques secondes. Je pense à un manga que j'adore, que j'ai lu et vu des dizaines de fois : Death Note. Parfait. J'entame alors un portrait de Mello, qui n'est pas mon personnage préféré mais que je trouve très intéressant, et je me concentre. Il est simple à dessiner. Il ne me prend que quelques minutes à faire. Quand je regarde mon résultat en prenant un peu de recul, je ne peux empêcher une bouffée d'orgueil inutile de m'envahir. Il est vraiment bien fait.