Cœur brisé

La confiance en ses amis

   Pour moi, pour les véritables amis, la confiance peut régner. Si notre confiance est bien placée, alors c'est que nous avons vu juste. Je savais d'avance que j'avais bien regardé, j'aurais juste dû observer plus de choses.

   Cela faisait plus d'une semaine qu'Angela était partie et je devais bien me l'avouer : une tristesse maintenant compréhensible naissait en moi. Mes amis le voyaient bien et mes parents également, mais je ne me voyais pas encore leur en dire la raison, alors j'essayais de prouver le contraire par de vains sourires mais c'était perdu d'avance : je n'étais pas arrivé à jouer la comédie. Mon sentiment était tellement fort qu'il m'empêchait de mentir.

   J'étais sortie toute une journée avec Clément et Eloïse et même si j'avais passé des moments inoubliables avec eux, le sourire finissait toujours par s'échapper, même malgré moi. C'était quand nous venions de finir de manger que la jeune fille avait fini par me demander :

"Qu'est-ce qu'il y a Lili ?

-Quoi ? Mais rien.

-Tu es une très mauvaise menteuse, m'avait fait remarquer Clément."

   Je lui avais tiré et la langue et, fixant le sol, il avait ajouté plus pour lui-même que pour nous :

"C'est bien un de tes seuls défauts..."

   J'avais ignoré cette remarque, n'ayant pas su quoi répondre.

"Sérieusement Lili, dis-nous ce qui ne va pas.

-Mais il n'y a rien !

-Tu peux nous faire confiance, on est tes amis quand même."

   C'était cette phrase qui m'avait décidé. J'avais éprouvé comme le besoin de le partager, de dire ce que je ressentais. Et c'est ce que j'avais fini par faire.

"Il faut que vous vous asseyez."

   Clément et Eloïse s'étaient assis côte à côte sur un des nombreux bancs du parc dans lequel nous nous étions arrêtés. Quand j'avais remarqué leur mine déconfite, je m'étais empressée de les rassurer :

"Ce n'est rien de grave, hein !"

   L'adolescent avait laissé échapper un souffle de soulagement mais Eloïse avait continué à scruter la moindre faille dans les expressions de mon visage.

"C'est que... Je crois que..."

   Ce n'était pas si facile à avouer, mais étrangement ce n'était pas les préjugés que j'avais craints le plus.

"Je suis certaine de ce que j'éprouve.

-Tu es amoureuse ? , m'avait aussitôt demandé Eloïse.

-Ouais."

   Je l'avais regardé bizarrement et Clément n'avait pas pu empêcher un petit rire de sortir de sa gorge en expliquant :

"Elle sait toujours tout avant les autres.

-Je ne sais pas de qui, protesta-t-elle."

   C'était à ce moment précis que j'avais regardé mes chaussures. Ils voulaient savoir qui avait donné un sens primordial à ma vie et je pensais au fond de moi qu'ils méritaient la réponse.

"Angela."

   Le prénom avait volé de ma bouche comme s'il avait voulu sortir depuis longtemps. Mon regard était allé de mes deux amis à la fois, guettant leur réaction. Eloïse n'avait d'abord pas compris, puis ses yeux s'étaient écarquillés et enfin elle m'avait regardé, finissant par sourire gentiment. Clément, quant à lui, m'avait observé, semblant vouloir lire dans mes yeux si je disais la vérité. Mon ami avait ensuite rivé son regard sur ses traces de pas dans la terre, ainsi je n'avais pas pu voir son visage.

"Depuis combien de temps ? , m'avait demandé mon amie.

-Je ne sais pas trop.

-Mais, tu es sûr de ce que tu ressens ?

-Affirmatif."

   L'adolescent avait gardé le silence.

"Tu lui as dit ?

-Non pas encore.

-Mais tu veux le faire ?

-J'aimerais bien, avais-je confié.

-Tu en as parlé à tes parents ?"

   Eloïse, qui devinait tout, avait lu dans mon regard que ce n'était pas le cas.

"Il faut que tu leur dises !"

   J'avais approuvé d'un hochement de tête pendant que Clément s'excusait en disant qu'il devait partir. Je m'étais posé des questions mais Eloïse ne m'avait pas laissé le temps d'y réfléchir plus longtemps, m'engloutissant de stratégie pour l'avouer aux personnes qui m'avaient donné le jour.

   Mes sentiments étaient sûrs, et Eloïse m'avait donné confiance en moi pour avoir le courage de l'avouer. Mais le comportement de Clément m'était resté en tête, je ne savais pas encore que j'allais bientôt découvrir le sens de tout ceci.