La douleur d'une mère

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   C'était un avertissement et j'aurais dû le prendre à la lettre, mais comme à mon habitude je n'en avais fait qu'à ma tête. C'était normal qu'elle me considère ainsi, mais ma vision à moi était différente. Elle l'est toujours. Si j'avais pu décider, je l'aurais ajusté, mais le destin a voulu que mes sentiments soient différents.


   Les vacances de noël étaient bien avancées. Mes parents avaient appris de la bouche d'Angela ce qui m'était arrivé et je leur avais expliqué que c'était grâce à cette femme que j'étais indemne. Ils l'avaient remercié longuement et moi, aussi bien dans ce même but que la volonté de lui faire plaisir, j'étais partie chez elle afin de lui offrir un cadeau.

   Elle m'avait ouvert directement. Angela se trouvait elle aussi en vacances et nous nous étions convenu d'en profiter comme il se le devait. Arriver dans sa cuisine avec ses éternelles Oreo et jus d'orange bien frais, je lui tendis le paquet que j'avais préparé à son attention.

"Qu'est-ce que c'est ?

-Il n'y a qu'un seul moyen de le savoir.

-Mais il ne fallait pas, tu sais c'était normal pour ce qu'il s'est passé dans la rue.

-Ce n'est pas que pour ça : j'ai offert un cadeau à tous mes amis."

   Je lui avais souris et elle aussi, les yeux grands ouverts. Elle s'était ensuite empressée d'ouvrir le paquet pour voir ce qu'il contenait. Je lui avais enfin dit que je le considérais comme une amie, je me sentais comme plus légère mais surtout plus heureuse, comme si que je venais de confier un secret que j'aurais dû dévoiler depuis longtemps.

   Les yeux d'Angela s'étaient écarquillés de plus belle quand elle avait découvert ce que contenait mon paquet : un pendentif représentant un soleil vert émeraude et une chaîne en argent. Ce bijou pouvait paraître froid mais pour moi, je considérais le vert comme une espérance et Angela comme un soleil, les deux associés donner ce pendentif. Mais je ne m'en étais pas totalement rendu compte, ou du moins, je m'étais convaincu que ce n'était pas cela.

   Mon amie avait souri à la vue de cet objet mais aussi laisser échapper une larme. Je n'avais pas compris pourquoi et je l'avais aussitôt prise dans mes bras.

"Mais ce n'est rien, c'est juste un collier.

-Ce n'est pas ça. C'est que par tes gestes, tes paroles, ta façon d'être et ce cadeau... Tu me l'as rappelles tellement."

   Je l'avais serré d'avantage contre moi avant de m'écarter un peu afin de pouvoir la regarder.

"Je te rappelle qui ?

-Ma fille."


   Nous étions montées à l'étage, dans le couloir. Angela avait posé sa main sur la poignée de la porte fermée, celle qu'elle n'avait pas ouverte durant la visite avec mes parents. Quand ma voisine avait ouvert la porte, la surprise m'avait envahi. J'avais découvert une chambre lumineuse, un lit parfaitement drapé, un bureau très bien rangé et une bibliothèque qui entourait une petite armoire. Angela s'était alors avancé, finissant par s'asseoir sur le lit, créant des plis. Je m'étais permise de la suivre, devinant que cela devait être un lieux sacré pour elle. Les murs étaient recouverts de multiples posters et d'un diplôme. Je n'avais touché à rien, comprenant que la fille sur les photos dans l'entrée était celle d'Angela. J'étais encore loin de me douter l'identité du lourd secret de cette femme devenu mon amie.

"J'ai eu une fille avec Gaïtant quand j'avais 16 ans. Elle s'appelait Isabelle."

   Je n'osais pas l'interrompre, observant son regard rivé à la moquette rose pâle.

"Elle était toujours de bonne humeur, enthousiaste à tout ce qui pouvait se présenter. Nous l'aimions tellement que rien ne pouvait nous séparer : nous étions une famille unis. Mais, quand Isabelle avait déjà atteint l'âge de ses 18 ans, alors que nous étions tous partis en vacances pour fêter sa mention au bac, un accident est arrivé. C'était il y a trois ans."

   Angela fit une pause, et pour lui signifier que j'étais là, j'avais déposé délicatement ma main sur la sienne qu'elle avait pris avec force comme si qu'elle ne voulait pas que je parte.

"Un banal accident : un automobiliste qui n'avait pas freiné à temps. Isabelle est morte dans mes bras, son père juste à côté d'elle. Nous n'avions rien pu faire et elle l'avait tout de suite su. Nous qui nous étions promis de la protéger contre n'importe quel danger, nous avions finalement dû rompre notre promesse, n'ayant pas réussis à la sauver... Mais elle ne nous en voulait pas, elle avait dit que ce n'était pas grave. Ses derniers mots... je ne pourrais jamais les oublier. Ils étaient très exactement : "Ne m'oubliez jamais mais ne venez pas me rejoindre tout de suite, je voudrais entendre plein d'autres souvenirs quand vous viendrez où je serais. Je vous aime, tous les deux. Je vais me cacher, vous ne me trouverez jamais.""

   J'étais resté un moment sans comprendre, avant d'oser demander :

"Je n'ai pas compris sa dernière phrase.

-C'était un jeu entre nous, quelque chose que tout le monde se disait quand il devait partir, m'avait-elle expliqué avec un sourire nostalgique."

   C'était une histoire triste, une histoire qu'Angela ne méritait pas, ni elle ni son mari. J'avais laissé échapper plusieurs larmes silencieuses, laissant au temps le soin de trouver les mots adaptés.

"Je suis désolé.

-Elle était formidable. Et tu me la rappelles un peu."

   De tout cela, j'en avais alors déduis une chose : Angela possédait une force et une dignité inéluctable. Une chose supplémentaire pour laquelle je l'admirais.


   Cela m'avait profondément touché qu'elle m'ai confié son passé, tragique et non mériter. Alors je voulais être là pour elle, me montrer présente. Je ne voulais pas particulièrement comblé ce vide, je voulais juste la voir heureuse. Mais si je m'étais douté un seul instant que cela aurait pu la faire souffrir d'avantage, je ne serais jamais revenu chez elle après le dîner avec mes parents. Cela aurait sûrement été préférable mais il faut que j'assume mes actes. Je savais que ce n'était pas juste envers elle de lui infliger tout cela, mais je savais aussi que ce que je ressentais était trop grand pour le faire taire et l'oublier.


Cœur briséOù les histoires vivent. Découvrez maintenant