Une magicienne

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   J'aurais dû fermer les yeux pour ne pas voir cette lumière, cet ange, mais je ne regrette rien. Je préfère endurer cette souffrance que de n'avoir rien vécu de cet épisode de ma vie. 


   Ce moment de mon existence s'était déroulé juste avant les vacances de noël. J'avais été heureuse pour plusieurs raisons : très peu de devoir, des parents heureux, des amis géniaux et une Angela en pleine forme et toujours aussi souriante. De quoi me faire plus plaisir ?

   J'étais sortie du lycée avec Clément et Eloïse. Tous les deux se lançaient des regards dont je n'avais pas compris le sens. Ce n'était pas la seule chose d'étrange que j'avais remarqué : beaucoup de personnes de ma classe m'avait demandé si Clément allait bien, même si celui-ci se trouvait à mes côtés, et Eloïse m'avait souvent posé des questions sur notre ami et notre amitié, plus sur ce que je pouvais ressentir que ce qu'il se passait entre nous. Mais ce que j'avais trouvé d'autant plus bizarre n'était autre que les regards discrets de mon ami que j'avais évité de surprendre, faisant semblant de ne pas les voir. 

   Je leur avais dit au revoir, partant dans la direction opposé à la leur, promettant que l'on se reverrait durant ces vacances. J'avais continué mon chemin seule, comme à mon habitude depuis ma rentrée. Mais à un tournant, il se trouvait qu'un groupe d'adolescents, plus vieux que moi, s'était rassemblé. J'étais passé près d'eux, la tête baissé et les pas rapides, mais un d'entre eux m'avait interpellé :

"Hé mademoiselle !"

   Je l'avais bien évidemment ignoré mais il avait insisté. Mon corps s'était finalement retourné vers lui quand sa main s'était posé sur mon épaule.

"Oui ?

-Tu pourrais me passer ton portable s'te plaît ? J'aimerais passer un coup de fil."

   J'avais déjà su ce que j'allais faire et j'avais donc expliqué d'une voix claire et froide :

"Je suis désolé, je n'ai pas de portable.

-Mais tout le monde en a un.

-Je dois le partager avec ma mère, et il est plus à elle qu'à moi."

   J'avais espéré que mon cellulaire dans ma poche ne soit pas trop visible, mais ils n'avaient pas tous étaient aveugle à ma supercherie dans ce groupe, si bien qu'un des leur s'était écrié :

"C'est pour ça que tu l'as dans ta poche ?"

   Ma main s'était automatiquement diriger dessus, en geste protecteur, et le garçon qui s'était trouvé face à moi m'avait demandé :

"Tu ne veux pas me le prêter ?

-Je n'ai pas le droit."

   J'avais répondu du tac au tac mais j'avais bien remarqué que cela l'énervait. Il s'était rapproché de plus en plus de moi et mes pieds avaient pris l'initiative de reculer d'eux même. J'avais failli tomber à cause du trottoir mais l'équilibre était revenu alors que mes Converses prenaient l'eau dans une flaque. Le garçon continuait d'avancer alors que j'étais sur la route. Une peur horrible s'était emparée de moi, je n'avais pas su quoi faire et j'étais resté tétanisé devant son regard de feu. Alors que je pensais que tout était fini, que je m'étais déjà imaginé la tête au sol, le nez en sang, mon jean de nouveau troué et mon portable volé, rien de tout cela ne c'était passé grâce à une seule chose, une seule personne : Angela. 

   Sa voix m'était parvenue ferme et prévenante. J'avais, comme le groupe d'adolescent, discerné la menace dans ses paroles :

"Je vous conseille de la laisser tranquille, sinon ce n'est pas un portable que vous obtiendrez mais mon poing dans votre gueule." 

   Le garçon avait levé son visage vers cette femme, droite, traversant la route sans même regarder le passage des véhicules. Elle l'avait fixé avec une telle intensité que moi-même j'avais dû baisser le regard. L'adolescent avait soudainement été moins rassuré mais avait tout de même tenté :

"Pourquoi je vous écouterais ? Vous n'êtes qu'une vieille qui..."

   J'avais serré les poings mais n'avais eu le temps de rien lui rétorquer car Angela avait déjà répliqué :

"Une vieille qui te mettra au trou car elle connaît bien les flics de la région pour la simple et bonne raison que leur patron est son frère. Dégagez et vite."

   Je m'étais retenu de ne pas partir aussi. Tout le groupe s'était exécuter et Angela s'était tourné vers moi, le regard soudainement plus chaleureux.

"Oh ma petite, tu vas bien ?"

   Elle avait replacé une mèche de mes cheveux derrière mon oreille, comme elle l'avait fait elle-même quand elle m'avait soigné le jour de notre rencontre, dans sa salle de bain. Je n'avais pu m'empêcher de mettre en contact sa main avec ma joue, penchant légèrement la tête. Elle avait souri, pensant qu'elle me rassurait ainsi, et même si c'était le cas, c'était aussi parce que la voir ici, tel un ange gardien, une magicienne, une formidable femme, me procurait une immense joie indéfinissable. 


   Je ne m'étais pas rendue compte à quel point j'avais eu de la chance par sa présence, j'avais été trop accaparé par sa beauté, son assurance et le cran dont elle faisait preuve. C'était une perle.


Cœur briséOù les histoires vivent. Découvrez maintenant