Vingt-cinq

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- Oh mon Dieeuuu!!!!!
Son teint a viré au verdâtre, on dirait qu'elle va s'évanouir.
Quant à moi, mon cerveau ne répond plus et tout mon corps semble s'être mis sur le mode pause.
- Dites-moi que c'est un cauchemar!
Je ne sais pas à qui elle s'adresse, mais personne ne la rassure en lui disant que ce n'est qu'un mauvais rêve.
- Tu es l'un d'eux!
On dirait un mauvais film d'horreur où le personnage principal découvre que sa meilleure amie était en fait un zombie depuis le début.
A cette sentence qui paraît irrévocable, mon cerveau se remet en marche et je réagis. Le problème c'est qu'on ne m'a pas appris comment réagir quand quelqu'un découvre que vous pouvez disparaître.
- Euuh...
Tu pouvais pas trouver mieux?!
-J'en étais sûûûre! Je ne voulais pas avoir raison, mais en fait, j'ai bien raison! C'est affreux! Tu es comme eux!
Les yeux de Marie-Lou se remplissent de larmes.
- Comme qui?!
Ah, c'est bien, tu as retrouvé la parole on dirait!
- Comme... les spéciaux!
La voix de la jeune fille se brise au dernier mot.
Je m'approche d'elle et lui prend gentiment le bras. Elle se dérobe de mon étreinte, comme dégoutée à l'idée que je puisse oser la toucher.
Elle secoue la tête et ses boucles oscillent de droite à gauche:
- Je voulais juste... me réconcilier avec toi!
Se réconcilier avec moi?
Et Allie? Et toute la bande?
Les mots s'entrechoquent avec fracas dans ma tête qui se met à tourner. Je vois un peu flou et des taches noires dansent devant mes yeux comme lorsque l'on se lève trop rapidement.
J'essaye de me raccrocher à quelque chose, mais je ne trouve rien.
J'ai très chaud et mon cœur bat la chamade dans ma poitrine.
Les paroles et les sanglots de Marie-Lou se cognent dans mes tympans et me donnent le tournis.
- Ils sont dangereux! Et tu es comme eux! Oh mon Dieu! Je suis sûre que pendant tout ce temps, tu as profité de moi!
J'essaye de m'appuyer au mur d'en face, mais je trébuche et bascule en avant. Tout est flou à présent, et le monde tourne à toute vitesse.
Je tombe et perds connaissance.

Quand j'entrouvre les yeux, un cri me transperce les oreilles.
- Oh Anna!
Je reconnais immédiatement la voix d'Allie.
Je me redresse péniblement. Je suis allongée sur un matelas très dur dans un minuscule lit. La pièce ressemble beaucoup à une infirmerie scolaire, hormis le fait que d'étranges outils médicaux y sont entreposés et qui, à ma connaissance, n'étaient pas présents dans l'infirmerie de mon ancien lycée. Allie est assise à mon chevet.
Elle me serre dans ses bras.
- Tu te sens bien?
- P-pas vraiment.
J'ai la langue affreusement pâteuse et une horrible migraine.
- On est où, là?
- À l'infirmerie des spéciaux.
Allie s'écarte de moi pour mieux me voir, un grand sourire illuminant son visage.
- Tu verrais ta tête!
Elle me tend un miroir.
Mes cheveux bleus en bataille encadrent un visage de cadavre dont les yeux sont entourés de gigantesques cernes.
Je ris à mon tour.
- J'ai l'air d'une folle.
- Oh oui!
Un fou rire nous prend et je m'amuse à faire quelques horribles grimaces pour la faire rire.
Tout à coup, je sens l'inquiétude et une multitude de questions me retomber brutalement sur les épaules. Je m'arrête de rire et demande:
- Qu'est-ce qu'il s'est passé?
Je regrette aussitôt ma question. Le visage de mon amie se referme et elle perd son sourire. Elle se tord nerveusement les mains et baisse les yeux sur ses genoux.
- Marie-Lou t'a vue en train d'utiliser ton pouvoir... et elle a réagi comme toute personne normale. En hurlant et en pleurant. Du coup, tu as fait une espèce de malaise... une sorte de crise d'angoisse ou de gros coup de stress si tu veux.
Je hoche la tête.
- C'est tout?
- Non.
Un ange passe. Je m'impatiente:
- Et donc?
- Il est très dangereux de montrer sa réelle nature à un humain normal. Tu n'as pas eu le temps d'apprendre cela, mais en même temps, les professeurs n'ont pas jugé utile de te le dire parce qu'ils ne pensaient pas que tes pouvoirs seraient aussi puissants. Gretel les avaient sentis mais ils ne l'ont pas écoutée.
- Sentis?
Allie soupire:
- Gretel, en plus de ses autres capacités spéciales, possède un don qui lui permet de ressentir l'aura surnaturelle de quelqu'un. La première fois qu'elle t'a vue, elle a été subjuguée par ton aura. Elle l'a dit à Mme Leloup mais elle ne l'a pas crue. Bref. Donc, tu n'étais pas au courant à quel point il était dangereux de montrer ses pouvoirs à un humain.
Je l'interrompt:
- Comment va Marie-Lou?
- J'allais y venir. Évidemment, elle a été très choquée... Mais Andrea a réussi à l'hypnotiser pour qu'elle oublie ce qui vient de se passer. Pourtant, j'ai l'impression qu'Andrea était assez bouleversée... Elle n'avait pas l'air de se sentir bien.
Ah oui! Je l'avais vue pleurer.
- Malheureusement, à notre stade d'adolescents, les pouvoirs agissent moins bien lorsque la personne qui les utilise n'est pas au meilleur de sa forme. Du coup, je ne suis pas sûre que Marie-Lou ait tout oublié... Mais bon, elle va être transférée ailleurs, et ça c'était prévu depuis longtemps.
- Ah bon?
Je n'en crois pas mes oreilles.
- Son cas est trop grave. Elle va aller dans un vrai hôpital psychiatrique.
Je suis incapable de formuler la moindre phrase.
Pourtant, je sens qu'Allie ne m'a pas tout dit: sa nervosité ne l'a pas quittée et elle ne sourit toujours pas.
Je murmure:
- Il y a autre chose que tu dois me dire?
Mes mots flottent dans l'espace entre nous deux.
- Oui, souffle mon amie.
- Alors, dis-le, s'il te plaît.
Je m'en veux d'avoir adopté ce ton sec mais c'est, semble-t-il, le seul moyen de la faire parler.
- M. Russel à été très choqué par la puissance de ton pouvoir. Les professeurs se sont aussitôt concertés pour savoir ce qu'il convenait de faire. Lorsque quelques minutes plus tard, ils ont appris ce qu'il s'était passé entre Marie-Lou et toi, ils ont eu très peur...
Je sens l'angoisse me gagner. Mes doigts se crispent sur les draps rêches et les battements de mon cœur s'accélèrent.
- Alors... ils en conclut que, euh...
Mon corps tout entier se tend.
- Que tu étais très dangereuse. Et que tu ne devrais plus jamais utiliser ton pouvoir dans l'enceinte de l'établissement.
Abasourdie, je m'écrie:
- P-pardon?!
Je m'en veux de bégayer ainsi et je me mords l'intérieur de la joue, peut-être pour ne pas hurler ou ne pas pleurer, ou les deux.
Allie est très pâle. Elle se penche vers moi et murmure au creux de mon oreille:
- Et ils te retiennent prisonnière.

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