Trente-six

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Ce soir-là, je ne parviens pas à trouver le sommeil. Je suis recroquevillée dans un coin de la banquette, la joue contre la fenêtre, collée contre Allie qui ronfle doucement.

Je suis à bout de forces, et pourtant je n'arrive pas à m'endormir. Alors ce sera comme ça tous les soirs maintenant ? Trop peur de l'inconnu pour pouvoir dormir, trop bouleversée par la mort d'Harry, trop triste d'être loin de sa grande sœur et de son petit frère.

Nous approchons de Paris, et Violette n'a pas voulu s'arrêter dormir sur une aire d'autoroute. Timothée a pris sa place et elle dort, profondément.

Le lourd silence qui règne dans la voiture contraste avec l'ambiance euphorique de tout à l'heure. J'observe Timothée. Ses doigts serrent le volant tellement fort, que ses jointures en sont blanches, il fixe la route avec concentration. Mon regard s'attarde sur sa nuque sur laquelle je découvre un minuscule grain de beauté. Mes yeux descendent sur ses épaules. Elles sont carrées, mais ce soir, elles tombent un peu, comme s'il était fatigué de tout, las.

Soudain, j'aperçois un panneau par la fenêtre qui brille presque dans la nuit. Je colle mon nez à la vitre.

On arrive !

J'ai envie de secouer Allie, de tous les réveiller, mais cette fois, j'ai envie d'être égoïste et de découvrir Paris la première. La voiture quitte enfin l'autoroute et pénètre dans la capitale.

Je baisse la vitre et me penche par la fenêtre. La ville est très animée, malgré l'heure tardive, et de nombreux magasins sont encore ouverts. Les lumières des lampadaires, les phares des voitures et les devantures éclairées des boutiques illuminent la ville.

J'admire les célèbres immeubles haussmanniens, les magnifiques ponts de la Seine que nous longeons, les grands boulevards. De loin, je peux même apercevoir l'antenne de la Tour Eiffel qui brille dans le ciel noir.

- C'est beau, hein ? murmure Timothée.

Il a remarqué que je ne dormais pas. Je hoche la tête, perdue dans la contemplation de cette incroyable ville.

- Il va falloir les réveiller, sourit Timothée, si on veut trouver un endroit où dormir.

Je secoue le bras de Baltazar, qui ouvre un œil en grognant.

- On est arrivés, dis-je d'une voix un peu enrouée du fait que je n'ai pas parlé depuis longtemps.

Il se redresse, s'étire et baille.

- Bien.

Allie se réveille à son tour, légèrement agacée par le bruit que nous faisons.

- Qu'est-ce que...

Elle s'interrompt en découvrant Paris par la fenêtre.

- Réveillez-vous ! s'écrie-t-elle en sautillant sur son siège. On y est ! On est à Paris !

Elle secoue Andrea et Violette en riant. Timothée sourit et caresse la joue de sa petite amie ensommeillée. Une fois que tout le monde est bien éveillé, je prends la parole :

- On va où maintenant ?

Ma voix tremble un peu, la peur me tord à nouveau l'estomac.

- Retrouver le groupe de Surnaturels, annonce Baltazar d'une voix neutre.

- Sans blague, rétorque Violette, en levant les yeux au ciel.

Ça faisait longtemps qu'on n'avait pas entendu son ton sarcastique !

- C'est où ?

- Dans une certaine rue Mouffetard, je crois... Près d'une fontaine.

Andrea déroule son plan de Paris sur le tableau de bord, dans un bruit de papier froissé.

- C'est... juste là, dit-elle en appuyant son index sur un point de la carte.

Timothée hoche la tête et accélère. Au bout d'une dizaine de minutes, nous parvenons à ladite rue. C'est une ruelle piétonne et pavée, où s'alignent de nombreux magasins.

- On devrait descendre de voiture, propose Allie, en se penchant pour ouvrir la portière.

Nous approuvons et sortons de l'habitacle. L'air du soir est frais, et me fait du bien.

D'un accord tacite, nous nous mettons à marcher. Je peux enfin me dégourdir les jambes, et d'ailleurs cette rue est plutôt escarpée. Les boutiques sont pour la plupart fermées, seuls quelques lampadaires diffusant une lumière jaunâtre éclairent la ruelle plutôt sombre. Nous marchons en silence, les mains dans les poches.

Andrea est agrippée au bras de Timothée, qui lui enlace tendrement les épaules. Je détourne le regard et en profite pour observer l'endroit où nous nous trouvons.

Je me rappelle cette histoire que j'avais lue en CE2, La Sorcière de la rue Mouffetard... Est-ce une coïncidence qu'un groupe de Surnaturels se cache ici ? Une bien triste coïncidence alors...

Nous finissons par déboucher sur la fameuse place où nous découvrons une fontaine imposante. Baltazar sort un bout de papier de sa poche, le déchiffre rapidement et le froisse dans son poing. Il pointe un immeuble du doigt.

- C'est là.

C'est une bâtisse décrépie, aux murs d'un blanc sale virant au gris. L'une des vitres est brisée et la sonnette ne fonctionne plus. Timothée frappe donc contre la porte, qui s'ouvre au bout de quelques instants.

- C'est pour ? marmonne un homme tapis dans l'ombre, une capuche rabattue sur la tête.

- Nous souhaitons parler à Julius Travis.

- Il est occupé, rétorque notre interlocuteur en refermant la porte.

- Attendez ! s'écrie Allie. Nous sommes des Surnaturels.



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