Quatorze

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Le lendemain, je me réveille à l'heure. Pas question de faire mauvaise impression au reste de mes professeurs.
Je me lève, me coiffe et m'habille rapidement.
- Coucou!
Je sursaute et découvre Marie-Lou qui passe la tête par la porte de la salle de bain.
Son visage est frais et reposé, toutes traces de larmes ont disparu de ses joues. Ses cernes sont habilement cachés sous un peu de maquillage, et elle a maquillé ses yeux bleus de noir ce qui les fait ressortir. Elle me sourit.
- On va manger?
Le réfectoire est moins bruyant qu'au déjeuner de la veille. La plupart des élèves que nous croisons sont à moitié endormis et somnolent dans leur chocolat chaud.
Nous choisissons une table à l'écart et Marie-Lou commence à bavarder gaiement. Même si je peine à placer le moindre mot, je préfère largement cette attitude à celle de la veille.
- C'est bien toi, Anna Carlson?
Je sursaute et me retourne.
Une fille à l'air angélique me fait face. Ses cheveux blonds sont rassemblés en une longue tresse qui lui arrive à la taille et ses grands yeux sont mis en valeur par une peau d'albâtre. Elle est petite et fine, mais son regard affirme qu'elle n'est pas si frêle qu'elle n'en a l'air.
Je hoche la tête et répond:
- Euh, oui, pourquoi?
Mon interlocutrice soupire en secouant la tête.
- Je vois. Vraiment...
- Et toi, c'est comment?
Elle fronce les sourcils en voyant que je l'ai interrompue.
- Tss. Et insolente, en plus.
Elle jette un coup d'œil à son vernis à ongle nacré et lâche un soupir.
Je m'impatiente.
-Écoute, je n'aime pas particulièrement que l'on interrompe ainsi mon petit-déjeuner, alors si tu veux bien répondre à ma question ce serait déjà pas mal. Au mieux, tu peux partir.
Étrangement, un petit sourire se dessine sur les lèvres roses de la jolie blonde.
- C'est donc toi qui as renversé un plateau sur les pieds de Tim...
- Les nouvelles vont vite.
Elle glousse. Je lève les yeux au ciel et me retourne vers mon bol de céréales.
Elle pose une main parfaitement manucurée sur mon épaule.
- Donc, c'est bien toi. Andrea ne m'a pas menti... pour une fois. Intéressant.
Je la vois qui s'apprête à tourner les talons. Au dernier moment, elle déclare:
- Au fait, moi c'est Gretel.
Et elle s'en va.
Marie-Lou a le visage extrêmement pâle.
- J'arrive pas à y croire!, s'exclame-t-elle dans un murmure.
- Quoi?
- Tu as tenu tête à une spéciale!
Je hausse les épaules.
- Je vois pas ce qu'elle a de si spéciale.
Mais Marie-Lou continue à secouer la tête, incrédule.

Lorsque la sonnerie retentit, nous nous dirigeons vers nos cours différents.
Je croise Andrea dans le couloir qui m'ignore royalement. Elle me fait tellement penser à ma sœur... Mon cœur se serre à cette pensée. Elle me manque tellement!
Je n'ai même pas pu lui dire au revoir. Malgré nos disputes quotidiennes, je l'aimais beaucoup et je savais que je pouvais me confier à elle.
C'est le moral au plus bas que je rejoins le cours de français.
La prof m'accueille avec un grand sourire. Son visage joyeux et sympathique me met aussitôt en confiance. Elle porte une bonne dizaine de bagues en toc, et d'énormes boucles d'oreilles rouges en plastique.
Elle me sourit de toutes ses dents:
- Alors, ma chérie, tu dois être Anna, non? Heureuse de t'accueillir.
Bizarrement le fait qu'elle m'ait appelé ma chérie me réchauffe le cœur.
- Oui, c'est bien moi.
- Alors assieds-toi mon cœur.
Je prends place au deuxième rang. Je suis la première arrivée, et le silence de la classe vide m'apaise.
La prof s'assoit sur la table en face de moi.
- Je suis Mme Theillot, tu vas voir, avec moi, on va faire beaucoup de littérature. Tiens, à ce propos, on est en train de lire Le Horla de Maupassant. Il faudra que tu te le procures.
J'acquiesce.
- J'espère que tu vas te plaire ici. On est dans un endroit un peu spécial, je sais, mais tout devrait se passer pour le mieux.
Elle hoche vigoureusement la tête, comme pour s'en convaincre.
Puis elle me sourit et ajoute:
- Tous les élèves sont là pour une raison...
Elle soupire, elle a perdu son sourire.
- Fais très attention, Anna, conclut-elle, en me fixant à travers les verres de ses lunettes rouges, assorties à ses bijoux.
Sur ces paroles glaçantes, la sonnerie retentit, la porte s'ouvre et un flot d'adolescents bruyants pénètre dans la classe.
A quoi dois-je bien pouvoir faire attention?

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