Une quinte de toux violente suivie d'une douleur aiguë dans la poitrine. Comme d'habitude. Camille se plia en deux de douleur.
Elle se redressa et se reposa contre son oreiller qui lui semblait désormais si moelleux. Elle avait posé son livre. Elle ne voulait rien faire.
La jeune fille saisit son ordinateur et ouvrit un document texte. Elle tapa deux phrases, s'arrêta un instant puis finalement les effaça. Écrire ses mémoires c'est dur, surtout quand on est censé être à l'aube de sa vie...
Elle soupira longuement et referma son ordinateur. Elle regarda la photo qu'elle avait scotchée dessus. Doucement, elle commença à pleurer. Sur cette photo on les voyait, elle et son père, sur deux planches de surf, au milieu de l'eau, en pleine crise de fou rire.
Mais tout cela était loin.
Cette photo datait de quatre ans auparavant, avant que tout ne bascule. Elle avait encore ses jambes, elle avait encore sa famille, elle avait encore des espoirs de vie...
Elle éternua lorsqu'un petit museau vint chatouiller son nez. Elle rouvrit les yeux et les plongea dans ceux mordorés de Praline. La belle chatte dorée lui lécha ses larmes et Camille lui entoura le cou pour la serrer contre elle. Praline colla sa tête contre le menton de l'adolescente pour l'aider à la relever.
Camille releva la tête et son regard se ficha sur le mur immaculé en face d'elle sur lequel pendouillaient sans convictions quelques posters. Elle avait essayé de décorer un peu la pièce blanche, puisque de toute façon elle ne retournerait jamais chez elle, dans sa vraie maison.
Elle se pencha sur le côté et rouvrit la fenêtre pour permettre à Praline de repartir. Les animaux étaient interdits et Maria n'allait pas tarder à arriver pour apporter son repas du soir à Camille.
La chatte regarda une dernière fois sa maîtresse avant de se couler gracieusement dehors. Elle n'était pas jalouse, mais elle aurait tellement aimé être ce chat qui pouvait aller où il voulait, marchait comme il voulait, et surtout était libre.
Elle, elle était collée dans un lit d'hôpital, dont elle ne pouvait sortir que lorsqu'elle devait se doucher ou aller aux toilettes. Et même si elle quittait son lit de temps de temps, ce n'était que pour rester assise dans un fauteuil roulant, incapable de se débrouiller seule, son respirateur artificiel contenu dans un sac toujours accroché à côté d'elle.
Maria l'aidait du mieux qu'elle pouvait mais elle ne pouvait pas remplacer tout ce que Camille avait perdu.
La vie s'était acharnée sur la jeune fille, qui maintenant était perdue.
Sa mère, disparue sans qu'elle ait un seul souvenir d'elle...
Son père, mort dans un accident, le même que celui dans lequel elle avait perdu ses jambes...
Et le pire, même après que la vie lui ai tout prit, on lui avait diagnostiqué un cancer du poumon.
Très avancé. Et de la pire sorte qui soit. Le cancer du poumon à petites cellules.
Aucune chance de survie à plus de trois ou quatre ans avec le traitement. Sans la chimio-thérapie seulement deux. Elle ne pouvait se déplacer seule, elle ne pouvait respirer seule. Elle n'avait plus qu'à attendre la mort, sans famille, dans la douleur.
La seule chose qui lui faisait du bien était les visites secrètes de cette belle chatte qu'elle avait surnommée Praline. Si elle avait pu, comment elle aurait aimé devenir un chat, pouvoir être enfin chef de sa vie ! Être libre !
Passer sa vie à courir, à chasser, à être parfaitement indépendante.
Vivre.
Elle passait ses nuits à rêvasser, à imaginer ce qu'elle serait si elle-même était un chat. Elle aurait des yeux verts, puisqu'elle en avait dans la vraie vie et un pelage blanc ou argenté, puisqu'elle trouvait ces couleurs de pelage magnifiques.
On frappa à la porte. Aussitôt elle referma la fenêtre restée ouverte le plus vite possible.
« Entrez ! »
Maria passa sa tête aux cheveux bruns frisés et sourit de ses dents parfaitement blanches. Son teint était mat et ses yeux noirs mais brillants. Elle s'occupait bien de Camille mais ne pouvait lier de vrais liens avec elle, s'occupant aussi des autres enfants malades mais aussi parce que Camille allait mourir, quoi qu'on fasse, et que s'attacher ne provoquerait que de la souffrance.
Elle posa doucement un plateau sur la mini table accrochée au lit de Camille qui poussa sur ses mains pour se redresser.
« Tu as de la chance, aujourd'hui on mange des frites. As-tu besoin d'aller aux toilettes ?
- Non merci. C'est quoi comme viande avec ?
- Oh... Ce n'est pas de la viande mais du poisson...
- Me dis pas que c'est du hoki !?
- Euh... si.
- Oh... Je suis obligée de tout manger ?
- Si tu veux supporter ton traitement tu dois correctement te nourrir. »
Camille bouda en grommelant. Elle détestait vraiment le poisson. Elle n'était pas très difficile mais ce qu'elle aimait était la viande. Maria soupira et pointa le plateau de Camille du doigt.
« Tu as intérêt à manger toute ta nourriture, je demanderais à Claudine de vérifier. »
Elle tourna le dos à sa patiente et partit en fermant la porte. Camille soupira en ouvrant sa barquette de nourriture. Si les frites avaient une odeur alléchante, le poisson était écœurant. Dans sa sauce blanche flottaient de petits morceaux verts non identifiés. Elle allait être obligée de le manger, Claudine était intransigeante.
Elle en découpa un coin du bout des dents de sa fourchette et l'avala difficilement en buvant beaucoup d'eau par dessus. C'était tellement loin des poissons qu'elle aimait, tellement loin des truites qu'elle et son père se faisaient griller après les avoir pêchées ou encore du bar à la croûte de gros sel qu'elle avait prit l'habitude de manger lorsqu'elle était chez Nany.
Elle lui manquait beaucoup, cette nourrice qui avait prit soin d'elle de la mort de son père jusqu'au diagnostic de son cancer, deux ans plus tôt.
Toute sa vie d'avant lui manquait. Elle voulait tout recommencer.
Depuis le début.
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La Guerre des Clans : A la découverte d'un nouvel univers...
FanfictionQuand la vie t'a tout prit et que maintenant elle te quitte, tu n'as plus d'espoir. Eh bien cet espoir perdu, c'est celui qui a quitté le cœur de Camille. Orpheline et paraplégique, une fois qu'on lui diagnostique un cancer du poumon avec peu de ch...