Chapitre 1 : Mia

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En plein mois de février, le vent froid lui giflait la figure avec une force inouïe. Malgré son métabolisme d'Ange, Mia sentit le froid la traverser de toute part et bien qu'elle n'y fût pas extrêmement sensible, elle se rappelait parfaitement l'effet que cela avait eu sur elle avant qu'elle ne se réveille de ce long coma. Non seulement, elle se le rappelait, mais elle le regrettait cruellement. Là, en haut de la falaise du village de l'Houmeau, vêtue de son t-shirt de pyjama et d'un short en coton plus court que court, elle souffrait de ne pas craindre le froid, de ne pas claquer des dents et de ne pas avoir les muscles engourdis. Elle était comme anesthésiée, elle se sentait tout aussi bien que si elle eût été couverte d'une parka, d'un jean par-dessus des collants en laine et d'un bonnet à Pons Pons. D'un mouvement brusque, elle relâcha ses longs cheveux roux qui marquèrent leur désir d'indépendance en partant dans tous les sens. Elle laissa ses bras tomber le long de son corps et laissa ses yeux errer sur la longue étendue d'eau qui lui faisait face. L'eau devait être gelée. Elle s'imagina les sensations de son contact sur sa peau, des picotements, de la chair de poule, des grelottements. De l'impression de se raidir comme une planche de bois. L'envie la prit de se jeter à la découverte des ces sensations. De plonger tête la première dans l'immensité bleue. De se perdre dans cet élément déchaîné qui ne ferait qu'une bouchée de son corps recroquevillé. Puis elle s'imagina ballotée par les vagues, malmenée par le ressac et échouée sur une plage, sans vie. Un petit enfant courait sur le sable et apercevait la masse informe que constituait son corps inerte recroquevillé sur lui-même. Il courait vers elle sans comprendre ce qui l'attendait puis un long hurlement et les larmes roulaient sur le petit visage rebondi. À quoi pensait-elle ? Perdait-elle la tête, là, à penser à se donner la mort ? De toute façon, elle était presque certaine de ne pas succomber à la noyade. Elle était une Ange, après tout. Il en fallait plus que ça pour lui ôter la vie. Et elle n'en voulait pas du tout, de la mort. Elle n'était pas suicidaire. Qu'est-ce qui clochait chez elle ?

Doucement mais fermement, Mia tourna le dos au précipice et regagna le chemin de terre qu'elle avait quitté en un moment d'égarement. Elle avait laissé sa voiture à un quart d'heure d'ici, sur la droite mais elle n'était pas encore prête à rentrer chez elle et se dirigea du côté opposé. Elle se doutait que suite à son départ précipité, sa mère avait dû lire la lettre qu'elle avait abandonnée derrière elle. Et même si elle n'en avait parlé à personne, Mia sentait qu'elle n'aurait pas le courage de revenir sur ses pas, de croiser leurs regards compatissants et d'accepter leurs mots de consolation. Il n'y avait rien qui pût la soulager du terrible poids qui semblait peser sur elle depuis qu'elle avait lu le mot du Révérend Hector. Rien qui pût lui faire oublier la douleur que ces simples mots avaient engendrée dans son cœur. Durant tout ce temps, durant ces deux derniers jours qui avaient semblé s'étirer indéfiniment, elle n'avait eu de cesse de s'inquiéter pour Hugo, de se demander pourquoi il ne lui donnait pas de nouvelles. Toutes sortes de scénarios lui étaient venus à l'esprit, un accident sur la route, un manque de temps, peut-être qu'ils avaient eu des ennuis avec leur installation et ne pouvaient pas encore les contacter. Ou encore, peut-être que Hugo ne parvenait pas à se manifester car trop triste de ne plus être près d'elle. Rien de tout cela n'avait eu lieu, c'était encore pire.

Mia shoota furieusement dans une pierre et poussa un hurlement de douleur en réalisant que ce n'était pas une petite pierre de rien du tout mais plutôt le contraire avec un bout pointu. Les larmes affluèrent au coin de ses yeux mais elle les chassa vivement. Il était hors de question qu'elle pleure. L'autre Mia, celle qui était naïve et se laissait si souvent berner, l'aurait fait, sans aucun doute. Mais elle ne voulait plus être cette fille crédule qui croyait tout ce qu'on lui disait parce qu'elle estimait que si elle était honnête, les autres l'étaient forcément. Le monde ne fonctionnait pas comme ça. Les gens mentaient, disaient des choses sans les penser et manipulaient autrui comme ils l'auraient fait avec un pantin de bois. En fait, elle se donnait l'impression d'être de la même trempe que Pinocchio et elle n'était pas sûre que cela lui fît plaisir. Non, ce n'était décidément pas une bonne chose. Il fallait absolument qu'elle s'endurcisse et apprenne à se méfier des gens un peu trop gentils. Des gens comme Hugo. En pensant à lui, elle obligea son cœur à perdre de la vigueur, elle refusait de ressentir ce qu'elle avait toujours ressenti à son égard depuis les deux derniers mois. Maintenant qu'elle savait ce qu'il en était, que la vérité pure et dure avait éclaté d'une façon des plus violentes, elle refusait de songer à lui avec amour car il ne le méritait pas.

Retour aux Origines (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant