Hugo était assis dans un fauteuil de son salon et il s'ennuyait ferme, s'amusant à nouer une cordelette autour de son index et de son majeur. Stéphanie était là, elle aussi, mais elle n'avait pas ouvert la bouche sinon pour quelques futilités d'usage, et se perdait dans la contemplation de la table basse en bois verni. Béa était passée en coup de vent après les cours mais elle était repartie quelques minutes plus tard et Hugo avait senti la présence de Dante à l'extérieur. Que faisait-il là ? Pourquoi tournait-il autour de sa sœur alors qu'il était pratiquement fiancé à une autre ? Si Béa n'était pas déjà furieuse contre lui, il se serait sûrement mêlé de ce qui ne le regardait pas. D'autant plus qu'il avait entendu leurs parents parler d'organiser sa Sélection qui devenait impérative. Des jeunes hommes allaient affluer et bien sûr, Dante ne fera pas partie d'eux.
Hugo poussa un juron et desserra un peu sa cordelette. Il n'aimait pas la tournure que prenait sa vie. Il se sentait seul, désespéré et il passait ses nuits à rêver d'une femme qui devait sûrement le maudire de là où elle était pour que ses rêves deviennent de terribles cauchemars. Puisqu'il n'avait rien de plus censé à faire, Hugo se sentit divaguer dans la direction de la femme qu'il aimait. Il se représenta ses longs cheveux roux qui retombaient en cascade autour de son visage ovale, ses grands yeux dorés toujours malicieux, son petit nez impertinent qui se fronçait à chaque fois qu'il l'embêtait et ses taches de rousseur qui lui donnaient un air lutin. Bien sûr, il se rappelait avec plaisir de l'époque pas si lointaine durant laquelle sa maladresse faisait partie intégrante de sa personnalité. À croire qu'elle ne savait pas commander ses pieds de façon à ce qu'ils ne s'emmêlent pas. Au départ, il l'avait trouvée un peu sotte justement par sa propension à tomber dès qu'un obstacle rencontrait son chemin. Puis il avait trouvé ça très drôle et enfin, irrésistible. Il s'était à plusieurs reprises surpris à rester toujours près d'elle afin d'être là quand elle tomberait et d'être celui qui la rattrapait. Sentir sa paume brûlante contre la sienne, naturellement plus fraîche c'était comme de traverser un désert et de trouver l'unique oasis à des kilomètres à la ronde. Il avait touché Stéphanie, l'avait embrassée et il avait fait avec plus qu'il n'avait jamais eu le temps de faire avec Mia. Mais même si leurs baisers avaient été plus profonds, plus langoureux et plus excitants, il n'y avait pas de comparaison possible, il aimait bien plus les lèvres fraîches et innocentes de Mia de celles sensuelles de Stéphanie. Car ce qui était vrai à toute épreuve chez Mia était faux chez Stéphanie, joué pour lui faire croire qu'elle le désirait comme jamais, qu'elle éprouvait des sentiments pour lui. Comme lorsqu'elle boudait après qu'il a refusé d'aller plus loin lors de leurs étreintes « poussées », quand il refusait de s'approcher ou quand il ne faisait pas exactement ce qu'il faisait. Ou encore, la jalousie qu'il lisait dans son regard quand il parlait avec une autre fille. Ça n'arrivait presque jamais, une fois il avait croisé une fille, Sissy, qui était venue l'enquérir à propos de son séjour sur Terre. Elle lui avait d'ailleurs paru très étrange, ne cessant de lui demander s'il ne regrettait pas quelque chose et quand il disait que certaines choses comme le cinéma ou la liberté plus conséquente lui manquait, elle insistait exactement comme si elle attendait quelque chose de bien précis. Il avait même lu de la colère et du ressentiment dans ses yeux de biche qui n'avaient pourtour pas lieu d'être puisqu'ils ne se connaissaient pas. Bref. Cette seule et unique fois n'avait pas plu à Stéphanie qui passait justement par là. Après cela, il avait appris que Sissy Dimaure était une vieille amie de Stéphanie et qu'elle travaillait à la Bâtisse des Isolés. Il aurait bien voulu en apprendre plus sur cette fameuse femme-prisonnière récemment arrivée là-bas. Bien sûr, Stéphanie avait refusé de s'appesantir sur le sujet, affirmant que Sissy avait refusé de lui dire quoi que ce soit.
Mia lui manquait tellement. Il rêvait d'elle nuit et jour, replongeait dans ses souvenirs d'elle, bons ou mauvais, et se maudissait continuellement de l'avoir abandonnée. Parfois, quand il se perdait vraiment très, très loin dans les spéculations désastreuses, il se disait qu'il aurait pu s'enfuir avec elle très loin, dans une autre ville, dans une autre région, dans un autre département, voire même dans un autre pays et d'y camper jusqu'à ce qu'on les oublie. Ils ne seraient revenus qu'une fois sa famille à lui partie et auraient vécu heureux avec les Marcedo. Ils se seraient mariés comme en rêvait Mia (et lui aussi, bien que secrètement, si on lui demandait, il le nierait catégoriquement) et auraient eu beaucoup d'enfants. Puis la réalité revenait le frapper et il comprenait, plus lucide qu'il ne l'aurait désiré, que ce plan foireux n'aurait jamais fonctionné et n'aurait sûrement eu pour mérite que d'engoncer un peu plus sa famille de le marier de force afin d'endiguer cet esprit rebelle. Ils auraient eu tôt fait de les retrouver. Et Mia aurait eu de gros ennuis.
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Retour aux Origines (Tome 2)
RomanceContraint de se marier afin de redorer l'honneur de sa famille, Hugo quitte la vie française et retourne sur Aggelos. Il y prépare son mariage avec une mauvaise volonté exemplaire et n'essaye pas d'oublier Mia dont il sait avoir brisé le coeur. D...