Angel et Marie - T. 1 - Prix du meilleur roman indé 2017, catégorie romance

Chapitre 12 (suite et fin) : Trouble-fête

Le pire événement avec Sophie restait à venir.

Le mois de novembre était celui de plusieurs anniversaires : Marie et d'anciens camarades de lycée allaient avoir dix-huit ans. Ceux dont les parents avaient la chance de posséder une maison organisaient une soirée à cette occasion. Marie avait prié Angel de l'accompagner à ces réjouissances, parce que, lui avait-elle dit, c'était avec lui et pour lui qu'elle souhaitait danser, avec lui qu'elle voulait rire et s'amuser. Elle avait besoin de sa présence pour que la fête soit réussie. Elle avait formulé sa demande avec de tels accents de sincérité qu'Angel, qui ne voulait rien tant que la rendre heureuse, avait rapidement cédé.

Ce soir-là, ils se tenaient avec les premiers invités arrivés, dans le garage d'un pavillon des hauts de Suresnes, vidé pour la réception. Ils discutaient avec les uns et les autres. Angel, sans le vouloir, faisait la conquête tant de la gente féminine que masculine. Non pas que son sex-appeal fît des ravages ; il montrait suffisamment qu'il formait un couple avec Marie pour que les choses fussent claires. Mais il avait ce don inné de plaire à tous. Il s'intéressait sincèrement à chacun, il écoutait, il avait toujours quelque propos à échanger sur le sujet de prédilection de la personne, il avait souvent une anecdote passionnante à raconter en retour. Il respectait chacun ; sa bienveillance, sa douceur associées à son autorité naturelle sans forfanterie suscitaient à leur tour le respect. Tout le monde le trouvait sympathique et sa seule présence contribuait à créer une saine ambiance de joyeuse et franche camaraderie.

Marie buvait une coupe de champagne, ce qui suffisait à la griser légèrement. En général, elle ne consommait guère plus d'alcool, car elle détestait perdre le contrôle d'elle-même, et elle avait suffisamment de caractère pour décider de se laisser aller à faire la fête sans qu'elle eût besoin de soutien ou de désinhibiteur artificiels pour y parvenir. Simplement les premières bulles de champagne amplifiaient sa spontanéité et sa franchise naturelles, ce qui la rendait encore plus charmante aux yeux d'Angel. Ce dernier la couvait d'un regard énamouré qui ne laissait aucun doute sur la vérité de leur relation. A voir les gestes tendres qu'ils avaient l'un pour l'autre, les œillades qu'ils échangeaient, les sourires qu'ils s'adressaient, c'était l'évidence même pour n'importe quel participant que ces deux-là étaient profondément amoureux. Ils rayonnaient et il eut fallu être aveugle pour ne pas le voir. De plus, de leur amour, affleurait quelque chose de vivant, de pur, d'absolu même, au point qu'il ne générait pas la jalousie qu'engendre souvent le bonheur des autres, mais une simple et saine envie : chacun se prêtait à rêver de connaître un jour une passion si belle et limpide.

Pourtant quelqu'un, ce soir-là, resta imperméable à ces évidences. Et malheureusement, ce fut Sophie. Elle arriva quand la soirée était déjà bien lancée. Elle s'alcoolisa un peu trop. Elle restait seule dans son coin, un verre à la main, et qui l'eut observé attentivement aurait vu qu'elle n'avait qu'un point de mire : Angel. Tel un prédateur prêt à fondre sur sa proie, elle semblait attendre son heure. Arriva le moment des slows. Angel avait invité Marie et il la menait par la main au milieu de la piste. Sophie s'élança et vint s'interposer. Elle demanda à Marie :

- Tu me le prêtes le temps d'un slow ?

Prise de court, Marie ne sut comment refuser et laissa à regret son cavalier à son amie.

C'est alors que Sophie démarra son étrange entreprise. Elle fit glisser ses mains, qu'elle tenait au début sur chaque épaule d'Angel, jusqu'à les croiser bientôt de chaque côté de la nuque de celui-ci. Ce faisant, elle se rapprocha jusqu'à se coller contre lui. Elle posa sa tête dans son cou.

Angel la repoussa délicatement et lui dit :

- Je ne crois pas que ce soit approprié, Sophie.