Chapitre 13 (suite et fin) : Promesse

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C'était la fin de l'après-midi. Marie faisait ses devoirs dans sa chambre quand elle entendit sa mère qui venait de rentrer l'appeler :

- Marie, viens voir s'il te plaît !

Le ton de sa mère avait quelque chose d'inhabituellement impérieux et impatient. Que lui voulait-elle qui ne pouvait attendre ? Marie se leva de son bureau avec un mauvais pressentiment. Elle rejoignit sa mère dans la cuisine où cette dernière était en train de ranger ses courses.

- C'est quoi cette histoire avec un certain Angel ? attaqua sa mère.

Prise de court, Marie ne put que répondre :

- Comment ça ?

- Il paraît que tu sors avec un certain Angel et que tu couches toutes les nuits avec lui ! lui asséna sa mère.

Marie devina instantanément d'où sa mère tenait pareille information. Elle n'avait révélé qu'à une seule personne qu'Angel la retrouvait toutes les nuits dans sa chambre : Sophie !

- Qui t'a dit ça ? demanda-t-elle.

- Ta grande amie Sophie !

A la façon dont sa mère prononça le prénom de son amie, il lui sembla qu'elle n'avait guère accordé foi aux paroles de Sophie et que son énervement était davantage dirigé contre cette dernière.

- Ecoute maman, ce n'est malheureusement plus mon amie. Elle se comporte très mal avec moi en ce moment. A la dernière soirée, elle a dit des choses horribles.

- Ne t'inquiète pas ma chérie, je ne l'ai pas crue un instant. Elle était très bizarre. Je l'ai croisée au marché ce matin. Elle m'a quasiment sauté dessus pour me demander ce que je pensais d'Angel. Ce que je pensais de qui ? lui ai-je demandé. D'Angel, le copain de votre fille, m'a-t-elle rétorqué. Je lui ai dit que je n'avais pas encore eu le plaisir de faire sa connaissance, mais que comme il s'agissait de ta vie amoureuse, il était normal que je ne sois pas au courant de tous ses détails. Ce à quoi elle a ajouté avec l'air d'une vipère qui déverse son venin : ah oui ? un homme vient toutes les nuits coucher avec votre fille dans sa chambre, sous votre toit et vous ne le connaissez pas ! Je lui ai répliqué que si un homme couchait tous les soirs avec ma fille sous mon toit, effectivement il y aurait de fortes chances que je sois au courant ! J'ai ajouté que je t'en parlerai ce soir même. Et je suis partie.

- T'es géniale, maman ! lui dit-elle en lui sautant au cou.

- Bon, c'est qui cet Angel ? demanda sa mère à voix basse.

- C'est un ange... répondit Marie sachant bien que sa mère ne prendrait pas cette vérité à la lettre.

- Oui, enfin, moi aussi je disais ça de ton père et ça ne l'empêchait pas d'avoir des idées derrière la tête !

- Maman, je ne couche pas avec Angel et ce n'est pas prévu au programme.

- Ma chérie, tu fais ce que tu veux, tu es grande. Réfléchis bien, c'est tout : il n'y a qu'une première fois et tu ne peux l'offrir qu'à un seul homme...

- Maman ! Je sais ! poursuivie Marie un peu excédée ou plutôt gênée de la tournure que prenait la conversation, qui commençait à empiéter sur le territoire de son intimité.

- D'accord... je ne te rappelle donc pas que par ailleurs il faut prendre ses précautions pour éviter une grossesse non désirée et les maladies sexuellement transmissibles, ne put s'empêcher de glisser sa mère.

- Maman ! riposta Marie, mi-fâchée, mi-amusée par sa mère.

Le soir, quand Angel vint la rejoindre dans sa chambre, Marie lui narra la scène avec sa mère. Il s'en alarma aussitôt.

- La situation empire. Sophie s'enfonce du côté sombre. Nous devons l'aider, déclara-t-il.

- Je veux bien, mais comment ? demanda Marie.

- Nous devons lui donner la possibilité de m'oublier. Nous ne devons plus la voir. Ni toi ni moi.

- Cela suffira ?

- Je ne sais pas, mais nous devons essayer. Il faut la préserver de toute occasion de penser à la tentation que je représente, d'envier ce que tu possèdes. C'est pour ça qu'il ne faut plus qu'elle nous voit ensemble, mais il ne faut plus également qu'elle t'aperçoive, même seule. Dans son esprit, tu es désormais trop associée à moi.

- D'accord, dit docilement Marie.

- Tu mesures ce que cela implique ? s'enquit Angel.

- Euh oui... que je ne verrai plus Sophie pendant quelques temps. Mais tu sais, vu son comportement actuel, elle ne va pas me manquer...

- Oui, cela veut également dire que nous ne pourrons aller aux prochains anniversaires où elle est invitée et que tu ne pourras pas faire une fête pour le tien.

- Ce n'est vraiment pas juste : c'est elle qui se conduit mal et c'est moi qui suis punie. Et puis pourquoi je ne pourrais pas faire une fête pour mon anniversaire ? Il suffit que je ne l'invite pas...

- Marie, penses-tu vraiment que de savoir que tu ne l'invites pas - parce qu'elle le saurait par vos amis communs - serait de nature à l'apaiser ? Je crois plutôt que cela risquerait d'accroître son ressentiment à ton égard et d'assombrir un peu plus son aura.

- N'empêche que c'est pas juste ...

- Il n'est pas juste non plus qu'elle soit prise au piège de tentations destinées aux âmes noires.

- Tu sais, fêter mes dix-huit ans était vraiment quelque chose d'important pour moi. Je suis triste de devoir y renoncer.

- Je sais, Marie. Mais tu as un choix à faire : ou continuer comme si de rien n'était, au risque de perdre ton amie et de voir notre relation formellement interdite, ou tenir compte de la situation et tenter de sauver ton amie et notre relation, énonça-t-il sagement.

Il ajouta :

- Et puis, ton anniversaire, je vais te le fêter moi.

Marie, qui était allongée de côté, se redressa sur un coude.

- Comment ? Comment vas-tu me le fêter ? demanda-t-elle impatiente et à nouveau joyeuse.

- Tu veux que la soirée de ton anniversaire te laisse un souvenir impérissable, n'est-ce pas ?

- Oui, je veux m'en souvenir toute ma vie. Pouvoir me dire toute ma vie : c'était le soir de mes dix-huit ans ! Dis-moi ce que tu prépares !

- Eh bien, puisque tu veux une soirée mémorable, ce sera ... une surprise ! dit-il avec espièglerie, laissant Marie s'impatienter.

- Angel ! le gronda-telle gentiment. Allez, dis-m'en plus !

Mais Angel, amusé, resta muet.

Marie ne s'avoua pas vaincue pour autant. Elle avait une petite idée de la façon dont elle pouvait faire sortir Angel de son mutisme.

- Si ça se trouve, tu seras pris par une de tes missions et tu ne pourras même pas venir me voir, avança-t-elle en accentuant un peu sa moue dépitée.

- Marie, je te promets que je serai près de toi le soir de tes dix-huit ans et que nous passerons ensemble un moment qui ne s'effacera jamais de ta mémoire, lui répondit-il solennellement, sans pour autant dévoiler ses projets.

- Promis ? insista-t-elle.

- Promis.

Comme elle savait la parole d'Angel absolument fiable, ce serment l'apaisa et elle s'endormit aussitôt.


Angel et Marie - T. 1 - Prix du meilleur roman indé 2017, catégorie romanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant