Ombres

Chapitre 8

Je n'avais pas raté une miette de la conversation. Le prof avait bafouillé quelques mots inintelligibles avant de tourner les talons. Fort heureusement, Emma n'avait rien entendu. Imaginez qu'elle ai eu une ouïe surdéveloppée comme moi ! Elle m'aurait tué juste pour apprendre de quoi étaient mort les parents de Zehlia Iyali.

En attendant moi, je ne comptais pas en rester là. J'avoue que moi aussi, je commençais à être intriguée par cette fille. Bon peut-être pas au point d'aller la suivre ou ce genre de choses mais je peux être assez curieuse quand je veux. De toute manière, Emma partait ce soir. Elle allait à la mer pour le week-end. Quant à moi, j'allais probablement dormir deux jours de suite rien que pour le fun. Mais non je rigole. Connaissant mes deux frères, je suis sûr qu'ils avaient déjà plein de projets. S'il y en avait un pas trop dangereux, et oui même un vampire peut avoir peur de l'inventivité de ses deux frères, je m'y joindrais comme la plupart du temps. Bien que c'était souvent eux qui me forçais à participer à leurs expériences douteuses.

Je venais de rentrer et de m'enfoncer dans le canapé du salon, une main sur la télécommande de la télé lorsque ma mère m'appela :

- Nelly !

- Oui ?

- Tu peux aller me chercher des oeufs s'il te plaît ? Yann a oublié de les acheter.

Je reposai la télécommande sur la table.

- J'y vais.

- Merci beaucoup ma chérie.

J'enfilai rapidement une paire de tennis noires et je sortis. Je me dirigeai vers la supérette la plus proche et pris une boîte d'oeufs au-hasard. Puis me ravisai aussitôt. Ma mère était une folle du bio. Elle n'achetait plus que ça alors que des oeufs c'est des oeufs non ? Bref, je vérifie bien que la boîte comporte les mots "élevées en plein air" et "issus de l'agriculture biologique" avant de les payer en caisse.

Vous vous en fichez non de tout ça ? Pourtant, je suis pratiquement sûr que vous lisez ces lignes avec beaucoup d'attention. Pourquoi je dis ça ? Tout simplement parce que je parle d'un événement inintéressant, l'achat d'oeufs bio ça n'attire pas grand monde hein ? Mais alors vous vous dîtes, là il va se passer un truc, c'est obligé. Ben dans ce cas vous ne vous êtes pas trompés. Ou alors vous aviez pas fait le rapprochement et je vous ai détruit tout le suspens. Sorry ! Même si je le suis pas du tout... C'est par où la sortie ? Ok je m'en vais.

Bref, je sortis et fis le chemin inverse pour rentrer. C'est alors que je la sentis. Une odeur de sang qui me pris le nez avec violence. Mon sens trop développé de l'odorat pouvait se révéler pas très pratique des fois. Il n'y avait pas qu'une seule odeur. Plusieurs personnes devaient... enfin vous voyez quoi. Je me dirigea en me bouchant le nez vers la source de la forte odeur. Techniquement, j'aurais fait demi-tour. Mais le problème c'est que dès que je vois de près ou de loin du sang, je perds en partie le contrôle de mon corps. La plupart du temps, je parviens à faire abstraction. Tant que je me nourris bien le soir, je suis assez forte pour le faire. Mais là j'ai pas encore mangé, ou bu si vous préférez, alors je vous laisse imaginer le résultat. Une folle qui marche avec des allures d'ivrogne dans la rue en se tenant la bouche, prête à bondir sur sa proie. Telle une bête.

La trace me mena devant une petite ruelle sombre. Je repris le contrôle de mes pensées. S'il y avait du sang, il y avait probablement une victime et un agresseur qui pouvait se révéler potentiellement dangereux. Sinon on pouvait rejouer la scène de "la fille qui a vu quelque chose qu'elle aurait jamais dû voir et qu'elle regrettera toute sa vie". Mais la tentation était trop forte. Je passai la tête discrètement de l'autre côté. La ruelle semblait avoir été repeinte par le sang. Juste devant moi se tenait un corps d'homme, les yeux révulsés. J'eu un mouvement de recul. J'ai beau boire du sang tous les jours, je reste une fille de 15 ans. Je commençai à trembler et la peur éclipsa peu à peu la faim. Il y avait beaucoup d'autre corps. Une dizaine environ. Et tous mort. Je trouvai le courage de lever les yeux. Deux personnes étaient en vie. Un homme et une femme. L'homme avait l'air terrifié. Il respirait bruyamment et tremblait. Il courut dans ma direction pour sortir de la ruelle. Mais soudain, une épée transperça sa poitrine. Une tâche rouge auréola son t-shirt et le sang éclaboussa le sol. L'épée fut retirée et l'homme s'effondra, laissant apparaître derrière lui une fille aux longs cheveux blonds et aux yeux bleus-verts. Le sang avait éclaboussé sa joue. Et elle avait un visage impassible et indifférent. Et puis je la reconnut.

Zehlia Iyali.