Book of Love

Chapitre 6

- Oh ce n'est pas un ami, c'est mon frère.

Elle me lance un regard de connivence afin de me rappeler qu'il n'est pas informé de l'objet de ma venue. Je suis  bien évidemment en état de choc et le fait que mon visage se vide de tout son sang, en est la preuve. Le connard avec qui j'ai déjà eu deux altercations, se trouve être son frère. Je n'en étais pas sûre jusque-là, mais maintenant c'est officiel, je suis maudite. Être dans la merde est un doux euphémisme dans mon cas, là, j'en suis complètement englouti. Malgré ce petit imprévu gênant, je me dois de garder bonne figure.

- Eh bien, je ne vais pas vous déranger plus longtemps. Je vais aller prendre un plat à emporter et rentrais ensuite sagement à mon hôtel.

- Ne dis pas de sottise, tu ne nous déranges pas du tout. Et puis je n'accepterai pas de te savoir enfermé dans une chambre étriquée alors que tu pourrais être là avec nous à t'amuser. Joint toi à nous, tu ne vas pas le regretter.

J'allais pour refuser son offre, mais son frère me devançe en prenant précipitement la parole.

- Laisse donc ton amie tranquille, on ne va tout de même pas la forcer à rester avec des gens sans intérêt et dépourvu de toute instruction comme nous. Une femme comme elle doit avoir des milliers de choses à faire. Soigner le cancer, trouver une solution au réchauffement climatique, abolir l'esclavage... Ah non merde, ça c'est déjà fait.

Génial, en plus d'être con, il a un humour de merde, je sens que je vais m'éclater ces prochains jours.

Sydney me regarde sans comprendre, et je sais que c'est maintenant ou jamais pour remonter ma côte.

- En faite, tu as raison. Cette soirée est fantastique et ça serait vraiment dommage que je rate ça. La fonte polaire ne devrait pas se désagréger en une soirée. J'accepte donc avec grand plaisir Sydney.

Un immense sourire s'affiche sur son visage, et je sens que je vais vite regretter ma dernière décision.

- Suivez-moi tous les deux, j'ai réservé une table à Angela.

Elle s'élance alors dans la foule et je lui emboîte le pas sans grande conviction. Son frère se tient derrière moi et je peux sentir son regard réprobateur peser lourdement sur mon dos. Il n'a apparemment pas apprécié que je me joigne finalement à eux.

- Vous n'avez pas peur de trop régraisser intellectuellement en vous mélangeant ainsi à la populace?

Je prends le parti de ne pas lui répondre pour ne pas davantage aggraver mon cas. Je continue donc d'avancer, jusqu'à arriver devant une tablée des plus conséquentes. Toutes les tables sont à mon plus grand désarroi accolé, ce qui signifie qu'effectivement je vais devoir me mélanger à la populace.

Sydney m'indique une place de libre et je me retrouve assise entre elle et un vieux monsieur à la barbe gigantesque. Barbe, qui pourrait nourrir à elle toute seule le continent du soleil levant, tant elle est remplie de nourriture en tous genres. J'essaye au mieux de faire abstraction de ce détail des plus dégoûtants, et détourne le plus possible mon regard de celui-ci.

Seulement, il en décide autrement en me saluant d'un généreux coup d'épaule qui me propulse sur ma voisine de tablé. Je le menace immédiatement du regard afin de lui faire comprendre qu'il ne vaut mieux pas pour lui qu'il réitère son geste.
Les sourcils froncés, il feinte de ne pas comprendre mon agacement. Et pour mon plus grand malheur, il se met à me parler, faisant par la même occasion tomber des miettes de son garde-mangé sur moi.

- Excusez-moi ma petite dame, mais ici c'est comme ça que l'on se dit bonjour.

Je respire un grand coup, et essaye tant bien que moi de retenir la bile qui remonte dans ma gorge. Cet énergumène n'en vaut certainement pas la peine, mais je prends tout de même le temps de lui répondre.