Chapitre X: La forteresse immaculée -Partie 2-

635 49 25
                                    

Notes des auteures: Certains échappent à l'horreur en s'évadant dans un autre monde, faite que la force de Blanche puisse réchauffer le cœur meurtrit des français. 

Chapitre X : La forteresse immaculée

Marcellus comprend vite où je veux me rendre et ne pipe plus un mot jusqu'à ce que nous y soyons. Les rues s'élargissent en avenues commerciales à mesure que nous atteignons le centre et de nombreux édifices sont bientôt proches de l'effondrement mais je sais que nous n'avons rien à craindre : pour la première fois, je fais exactement ce qu'on attend de moi.

Le soleil disparaît presque à l'horizon quand soudain je le vois et une boule se forme dans ma gorge, boule que je m'efforce de réprimer aussitôt.

L'imposant manoir des Snow se dresse devant nous exactement au centre de Panem.

Ma maison.

Un pan de mur entier manque sur la façade est, exposant les couloirs et certaines pièces à ciel ouvert comme les entrailles froides d'un cadavre qu'on aurait omis de recoudre. Toutefois, lorsque je regarde la haute tour, envahie par les plantes grimpantes émergeant des nombreuses fissures et qui se dresse le long de sa façade ouest, j'en oublie presque qu'elle a été rasée par un missile dans la réalité. Les révoltés des districts ont l'air de s'être amusés à tout reconstituer comme avant, dans les moindres détails.

De là où Marcellus et moi nous nous trouvons, on peut voir l'allée principale du jardin traverser la pelouse enneigée jusqu'aux portes aux lourds battants. Tout autour, les barreaux des grilles noires sont presque incrustés dans les épines des sapins qui longent la propriété et qui ont grandi comme du chiendent depuis que mon grand-père a renvoyé le jardinier. Partout se dresse des buis aux formes abracadabrantes qui rappellent les décorations des chars lors des moissons ou tout simplement des formes humaines, principalement féminines, vêtues de longues robes d'épines et de couronnes de fleurs. Je ne prends la mesure du temps qui s'est écoulé qu'en remarquant les imperfections des sculptures qui se sont accumulées ça et là au fil du temps. Là, un massif d'épines invasives masque complètement les roues d'un char, là bas, une femme végétale a vu sa robe élégante se transformer en un épais manteau de feuilles. Mon grand-père était trop à cheval sur les détails pour laisser passer ce genre de choses du temps où nous vivions ici. Il faut dire qu'il a renvoyé le jardinier simplement parce qu'il avait oublié de ranger une pelle.

Bien que le jardin soit à lui seul impressionnant, rien n'arrive à la mesure de la serre extérieure qui s'étend sur le coté droit de la maison. Il y en a deux mais celle-ci, plus imposante, restera toujours ma préférée. Elle est immense et entièrement faite de verre mais les vitres sont sales et nous ne pouvons pas distinguer avec netteté l'intérieur. C'est dans cette direction, et non vers l'entrée principale, que je me dirige.

- On n'entre pas par la grande porte ? S'étonne Marcellus dont la voix est vaseuse, comme si chaque mot était difficile à prononcer.

-Non, on attirerait l'attention de la ou des personnes qui sont là haut.

- Quoi ? Il y a des gens chez toi ?

Je n'ai pas le courage de lui faire remarquer que cette maison n'est pas la mienne mais seulement une réplique. À la place, je lui montre du doigt une fenêtre au deuxième étage. Dans la semi-obscurité naissante, la lueur vacillante d'un foyer de cheminée derrière la vitre n'est pas difficile à reconnaître et même avant d'arriver, j'avais déjà remarqué le mince filet de fumée qui s'échappait du toit. On reste là immobiles dans le jardin à fixer la fenêtre jusqu'à ce qu'une ombre massive passe devant, le faisant sursauter et provoquant un frisson glacé le long de ma colonne vertébrale. Ça aussi, je l'avais déjà vu, et même bien avant ça, lorsque Liam et moi sommes sortis des sous terrains. Des ombres semblables passaient devant les fenêtres éclairées partout dans la ville.

Les Enfants du CapitoleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant