6 - Une lueur

83 19 16
                                    

Quand j'étais jeune, je me réfugiais souvent dans le lit de ma mère, les nuits d'orages. Je lui tenais la main dans la noirceur sans la réveiller. Cela me rassurait et je me rendormais. Aujourd'hui, quand j'y repense, je suis certain qu'elle veillait sur moi, m'épiant sous ses paupières mi-closes, sans faire de bruit ; me laissant apprivoiser mes peurs avec son aide silencieuse. J'y puise encore ma témérité. Lorsque la nuit ou l'orage m'enveloppe : je plonge et l'obscurité m'accueille.

********************************************************************************

    Le camion slalome sur la route.  Linda, s'agrippant au tableau de bord, crie pour réveiller Noah.  Tomas s'échine à reprendre le contrôle du véhicule.  La tête de Noah donne fortement sur la vitre de la portière.  Étourdi, le jeune homme ouvre les yeux dans ce tourbillon et s'accroche instinctivement à tout ce qu'il peut, oubliant la douleur aux bouts de ses doigts.  Le soleil est presque caché derrière les montagnes, il neige.  Les phares du camion zigzagants éclairent les flocons de neige, lançant leurs faisceaux à gauche et à droite. Difficile de se localiser dans ces conditions.

    Finalement, le moteur vrombit à plein régime, alors que le véhicule quitte la route en un vol plané vers le fossé à gauche du chemin.  Les passagers s'agrippent du mieux qu'ils le peuvent.  Tomas lève son pied de l'accélérateur et se cramponne au volant, espérant que le camion ne fera pas de tonneau.  Noah voit les arbres se rapprocher à toute vitesse et tout à coup c'est le choc, alors que les roues touchent le sol en faisant rebondir le véhicule qui poursuit sa route vers le bas de la pente.

    Surpris de leur atterrissage forcé - et surtout réussi - les passagers se sentent emportés dans une glissade forcenée.  Tomas tente de diriger le véhicule, à coups de frein et de braquages de volant, entre les congères et les arbres afin d'éviter la collision. 

- Accrochez-vous !  crie-t-il les mains crispées sur le volant.

- Eh !  Jeffrey !  Tu sais où tu nous mènes ?  crie Linda.

- Suis-moi ma belle !

    Le camion reprend un autre envol, accompagné des cris des passagers et du vrombissement du moteur.  Dans une gerbe de neige et de branches, l'équipage fait un vol plané et retombe une autre fois sur le sol, en rebondissant violemment sur ces pneus.  Le camion réaccélère de nouveau, continue sa route sur son élan et s'emboutit finalement dans un banc de neige au pied d'une falaise.  Le moteur s'arrête, il y a quelques secondes de silence où les trois passagers ont le temps de se regarder, ne croyant pas à leur chance.  Puis, une détonation retentit et les sacs de sécurité explosent en se gonflant, faisant sursauter Noah et ses compagnons.

- Dire que je venais de modifier la direction assistée pour avoir un meilleur contrôle, déplore doucement Tomas dans le silence qui suit.

- Au moins, tu sais qu'il vole bien ton camion, pouffe Linda.  Tu vas bien ?

- Oui, ça va.  Je crois m'être démis l'épaule gauche lors du premier choc.  Tu auras à me la replacer tantôt. Le sac gonflable m'a grillé la joue aussi... mais ça va.  Et toi ?

- Bien.  Un choc aussi à la tête et un poignet fragile, mais c'est tout.  Encore du sport extrême, hein Noah ?  Ça va ? ajoute-t-elle en se tournant vers le jeune homme qui les regardent, les yeux écarquillés.

- Merci ça va, répond-il d'une voix coassante.  Mais une seule chose : vous êtes cinglés !  Vous ne pouvez pas réagir à de telles choses comme tout le monde !

Le jeune, encore sous le choc, leur lance un regard noir en se passant la main dans les cheveux pour vérifier ses blessures. Une bosse douloureuse dans son cuir chevelu pulse sous ses doigts.

Noah Étolias - Les chroniques de GaïaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant