Janvier 1645

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" I Promise that one day I'll be around
I'll keep you safe, I'll keep you sound."

-Shawn Mendes, Never be alone

Ah, le dix-septième siècle ! Cela fait bien longtemps que je n'y suis plus revenu. C'est pourtant une époque passionnante, vous ne trouvez pas ? Toutes ces robes, ces bals éblouissants et cette élégance. Mais ne cherchez rien de tout cela ici, à Clairemont, vous ne le trouverez pas.

L'Histoire me ramène souvent dans les rues de ce petit village. J'y ai vécu de nombreux moments forts, j'y ai croisé de nombreuses âmes en peine. Quelque chose dans les briques de ces maisons semble attirer la désolation et la douleur.

Ce fut une époque bien éprouvante pour les gens du peuple. Partout, des femmes et des hommes étaient offerts en offrandes à mon amie la Faucheuse. En étais-je attristé ? Mon cher ami, je ne peux pas me morfondre sur chaque meurtre perpétré par l'humanité, ce serait tout bonnement insupportable. Vous avez une telle tendance à l'autodestruction ! Cela fait bien longtemps que je tente de rester stoïque face aux humains. Cependant, je l'avoue,  il m'arrive d'échouer.

Mais trêve de bavardage ! Je suis venu vous présenter de vieux amis. Deux jeunes gens que j'ai rencontré ici même, il y a bien longtemps. Je pense que vous avez déjà entendu parler d'eux : la condamnée et le bourreau. Cela fait tellement dramatique...

Justement, la jeune fille aux cheveux d'ébène descend la rue. Sa cape blanche flotte dans son sillage et les flocons s'emmêlent dans sa chevelure. Elle se rend au marché, sur la place du village. Dans quelques instants un jeune homme va la rejoindre et marchera à ses côtés. Ils tenteront d'être discrets, mais ne le seront pas suffisamment.

Le voilà ! Il porte une chemise bleue et une veste grise. Vous le voyez ?

Maintenant, ne faites plus un bruit. Les choses vont commencer à devenir intéressantes.

« Henri, vous n'auriez pas dû venir. »

Regardez comme elle rabat le capuchon de sa cape. Je vous avais dit qu'ils devaient être prudents. Pourquoi ? Parce que les murs peuvent les entendre. Parce que l'être humain est de nature envieuse et qu'elle veut éviter l'inévitable.

« Eléonore, je vous en prie. Cela fait une éternité. »

Une éternité qu'il n'a pas pu passer sa main dans ses cheveux,  qu'il n'a plus pu la regarder librement. Une éternité qu'elle lui manque.

« Partez. Je ne veux pas vous attirer d'ennuis. »

J'ai toujours admiré la force de cette jeune femme. Si jeune et pourtant si réaliste. Se sait-elle, à cet instant précis, déjà condamnée ? Certainement, et pourtant comment peut-on seulement s'imaginer mourir à cet âge-là ?

« Je me fiche d'avoir des ennuis. »

Je parie que vous craquez pour la façon dont il la regarde ? Pour la flamme qui brillent dans leurs yeux ? Evidemment, vous êtes tellement prévisibles.

« Moi non. Ne prétendez pas ne pas avoir eu vent des rumeurs à mon sujet. »

J'aime penser que l'amour humain est aveugle, sourd mais pas muet. Vous pouvez refuser d'entendre ou de voir vos sentiments. Mais, vous finirez toujours pas les exprimer, même à votre insu. Un simple mot, une phrase anodine finit toujours par vous trahir. Bien sûr, mademoiselle Eléonore ne déroge pas à la règle.

« Nous savons tous les deux, qu'ils ont tort. »

« Allez-vous-en. Pour l'amour du ciel, laissez moi vous protéger. »

Et voilà, elle est partie. Encore une fois, elle s'est évanouie dans la foule. Elle l'a laissé seul sur le bord du chemin.

Ce garçon, Henri, me fait pitié. Je ne peux pas m'en empêcher. Est-ce parce qu'il devra torturer celle dont il rêve chaque nuit ? Ou est-ce parce que je ressens sa douleur comme si elle était mienne ? Je ne sais pas, mais il me brise le cœur.

Que dites-vous ? Vous désirez savoir pourquoi je partage tout cela avec vous ? Simplement parce que l'immortalité est longue et solitaire et qu'il y a des centaines d'histoires que je rêve de relater !

Vous portez tous une part de moi en vous, depuis votre premier cri à votre dernier souffle.  La façon dont vos vies s'entrelacent me fascine depuis toujours. Je passe l'éternité à vous observer, à vous accompagner et cela peu importe où vous vous rendez. J'aime l'idée de vous conter le destin de certaines âmes qui m'ont touché. Ainsi, je vous livre une part de moi-même. C'est une maigre compensation à la vue de tout ce que je peux apprendre sur vous en un regard, mais je me plais à penser que c'est la meilleure chose dont je sois capable. La seule chose dont je sois capable.

NoxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant