Nox

Mai 1645

"We don't deal with outsiders very well.

They say newcomers have a certain smell."

—Twenty one pilots, "Heathens"

***

Mon très cher ami, vous avez enfin retrouvé votre chemin jusqu'à moi ! Je suis heureux de vous revoir, vous commenciez presque à me manquer.

Je conçois que nos retrouvailles ne vous réjouissent point, je vous assure. Quel genre d'homme pourrait bien être heureux de me voir ? En quelques millénaires de carrière, je n'en ai jamais rencontré. Peut-être, un jour, serez-vous le premier ?

Vous avez mauvaise mine, je trouve. Votre séjour au côté de vos nouveaux compagnons d'infortune se passe-t-il mal ? Ne soyez pas étonné ! Evidemment, j'ai eu vent des évènements qui secouent le petit village de Clairemont. Je vous l'ai dit, ces rues attirent le malheur depuis des siècles. Oh non, ne demandez pas de vous en dire plus, les clauses de mon contrat me l'interdisent.

Je ne peux vous en révéler plus sur votre avenir mais je peux tenter de vous divertir ! Ce n'est pas dans mes habitudes, mais vous me faites réellement pitié aujourd'hui. Et si vous tentiez de résoudre une petite énigme ? Je vous assure que ce sera amusant et puis, c'est l'occasion rêvée de continuer notre petite escapade au dix-septième siècle. Ne tentez pas de protester, je n'aime pas être contrarié. Je ne voudrais pas vous faire peur mais vraiment, il vaudrait mieux pour vous que vous participiez à mon petit jeu.

Vous êtes d'accord ? Parfait ! Je savais que je pouvais compter sur vous. Voici donc la question : si les murs de l'église de Clairemont pouvaient parler, que diraient-ils ? Quelle voix serait la leur ? Réfléchissez bien ! Si vous répondez correctement, vous gagnez le droit de rester en vie.

Allons, c'est une question simple. Avez-vous donc oublié tout ce que j'ai pu vous raconter ? Vous connaissez cet endroit, vous vous y êtes déjà rendu et, croyez-moi, vous vous y rendrai encore. Faites un petit effort ! Vous ne survivrez pas à Clairemont si vous ne connaissez pas son passé. Ses habitants, eux, se souviennent de tout et demeurent les mêmes. Vous devez donner l'impression que vous êtes l'un d'eux, vous devez vous fondre dans la masse.

Vous n'avez toujours pas trouvé ? Vous me décevez beaucoup. Soit, je vais tout de même tenter de vous mettre sur la bonne piste.

Vous devez savoir que la pierre est comme l'homme, elle se souvient. Tout comme vous, sa mémoire est emplie de violence et de douleur et non de vie et de lumière. Elle aussi est hantée par le souvenir du souffle de la mort et le son de ma voix. Si elle tente de nous échapper, de se laver du sang qui la souille, nous la rattrapons et nous imprégnons plus encore en elle. La vie est injuste, c'est vrai, mais nous le sommes plus encore. Vous voyez, ces murs vous ressemblent plus que vous ne le pensez. Ils sont marqués au fer rouge par l'horreur, obnubilés par la pluie au point d'en avoir oublié la couleur du soleil.

Alors, selon vous, qui a pu souffrir suffisamment que pour graver son timbre de voix dans la pierre ? Qui hante encore les rues de Clairemont à l'heure où je vous parle ? Qui laisse planer son aura sur le village tel un brouillard menaçant depuis des siècles ? Réfléchissez bien, vous jouez tout de même votre vie...

Ne faites pas cette tête-là, je vous en prie ! Je plaisantais, vous n'aurez pas besoin de mon aide pour mourir si j'en crois mes sources. Quelles sont-elles ? Oh, ce genre de chose est sensé rester confidentiel. Cependant je peux vous avouer que le destin et moi sommes de bons amis. Vous n'êtes donc pas mon seul confident... J'espère que vous n'êtes pas trop déçu.

Voilà, le temps imparti est écoulé. Vous savez quoi ? Je vais vous faire une faveur. Je ne vérifierai pas votre réponse pour cette fois. Je suis certain que vous avez répondu correctement car, je l'espère, vous n'avez pas pu oublier notre amie commune aussi rapidement. Mademoiselle Martel est une jeune femme qui s'incruste dans votre mémoire et ne vous lâche plus, croyez-en mon expérience.