XXI

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« I will accept any amount of monsters my mind wants to give me but I will not become a monster myself. »

Marissa Meyer, "Stars Above"

Théa

J'aurais aimé passer inaperçu. Pendant un moment, je me dis que ça doit être la robe d'un rouge éclatant que Cléa m'a prêtée qui pousse les gens à se retourner sur moi mais après avoir parcouru quelques mètres à travers la foule des invités, je réalise que ce n'est pas ma tenue qui est le centre de l'attention. Tous ces gens se souviennent de moi, ils ont reconnu le visage de la fille qui s'est effondrée au pied du prêtre il y a quelques jours. J'essaye de ne pas prêter attention aux murmures qui me parviennent et de me concentrer sur ma démarche avec ces talons bien trop hauts pour moi, mais c'est impossible.

—Je ne sais pas ce que tu en penses, me chuchote Cléa à l'oreille, mais je me sens observée.

Avec ses cheveux presque dorés qui retombent en cascade dans son dos et sa petite robe noire, plus courte que ce que je n'oserais jamais porter, c'est elle qui devrait attirer tous les regards.

—Je trouve qu'ils font tous un effort admirable de discrétion, dis-je ironiquement.

Un sourire en coin apparait sur son visage alors que nous atteignons enfin le bar. Cléa me tend un verre que je vide d'une traite.

—Evite de forcer sur l'alcool, je n'ai pas envie de devoir de nouveau te traîner dehors.

—Au point où en est notre réputation, tu sais...

J'accueille avec soulagement la chaleur de l'alcool qui se propage dans ma gorge. Je vais avoir besoin d'un deuxième verre pour supporter tous ces regards en coin et cette soirée en général. En fait, il m'en faudra sûrement bien plus que deux si je ne veux pas partir en hurlant dans l'heure qui suit. J'ai dit un millier de fois à Cléa que venir ici était une mauvaise idée mais elle a insisté sur le fait que nous n'avions pas le choix. Si elle ne venait pas ce soir, ça aurait été un affront direct à sa famille, les gens en auraient parlé pendant des jours et la guerre aurait été déclarée. Autant dire que nous n'avons pas besoin de ce genre de complications supplémentaires en ce moment. Malgré tout, je ne peux pas m'empêcher de penser que nous aurions été plus en sécurité dans le petit appartement de Cléa à Rochester qu'au beau milieu de cette troupe d'invités qui nous dévisagent de haut en bas.

—Il faut qu'on se trouve une table le plus loin possible de ma famille et d'Elias, me dit Cléa.

J'acquiesce et j'ai à peine le temps de prendre un second verre qu'elle m'entraine vers une petite table ronde tout au fond de la salle, juste à côté de la sortie. L'endroit idéal. Je me laisse tomber sur une chaise à côté d'elle, trop heureuse de ne plus sentir les talons de mes escarpins meurtrir mes pieds.

—On va bien survivre pendant quelques heures encore, marmonne-t-elle en vérifiant l'heure sur son téléphone pour la centième fois depuis que nous sommes arrivées.

—Cléa, j'ai pensé à quelque chose, dis-je d'une voix hésitante.

Elle lève le nez de son portable, son visage éclairé par la lumière criarde qui s'en dégage, et m'interroge du regard.

—Quand je touche Elias ou qu'il est dans les parages, j'ai l'impression que tout est plus... fort. Et bruyant aussi.

—T'as eu le coup de foudre ? dit-elle en ricanant.

—Je suis sérieuse ! C'est comme s'il servait de catalyseur à tout ce qui se chuchote dans ma tête. La dernière fois que je l'ai touché, au lac, elles étaient si bruyantes que j'ai failli faire un malaise.

NoxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant