Perdu

Vingt cinq

Trois heures de danse et quatre verres de champagne plus tard, Harry et moi sommes allongés à même le sol au milieu de l'immense pièce qui n'est autre que sa chambre d'hôtel. Comment sommes-nous arrivés là me demanderiez-vous. C'est très simple, Harry a voulu faire une figure de rock acrobatique et nous sommes tout simplement tombés par terre. Après un fou rire incontrôlable, nous sommes finalement restés par terre côte à côte. Ma tête me tourne un peu mais je me sens incroyablement bien. "Worry" de Jack Garratt résonne désormais dans la pièce et je ferme les yeux pour savourer ce moment de plénitude.

- Tu sais, je ne plaisantais pas quand je te proposais de venir avec moi en Angleterre, me sors de mes pensées le brun à mes côtés.

J'ouvre les yeux et tourne ma tête vers lui. Son regard est fixé sur moi, avec une émotion que je ne saurais identifier, en attente d'une réponse de ma part. Je repense alors à notre conversation de la veille au téléphone et ne peux m'empêcher de ressentir un petit pincement au cœur au souvenir de mes paroles cassantes. Je regrette de m'être emportée de la sorte bien que je sois toujours méfiante. Je ne peux m'empêcher de penser qu'il agit par altruisme et pitié. Cette envie de me protéger lui passera et je n'aime vraiment pas attirer l'attention sur mes problèmes. C'était facile par téléphone, je ne le connaissais pas, c'était un étranger avec de bons conseils. Puis, il n'avait pas le choix, il a été inclut contre son gré dans mes problèmes puisqu'il recevait les messages de Marius à ma place. Après tout, nous ne nous connaissons pas. Il a son cercle d'amis, j'ai le mien. Alors oui, il m'a fait confiance en m'avouant lui même ses problèmes mais je met ça sur le compte de ma non connaissance de son identité à ce moment là, au point de vue neutre que je pouvais lui offrir.

Et pourtant, je me sens tellement bien avec lui. Nous n'avons passé que quelques heures ensemble et je me suis déjà tellement attachée à lui. A son air espiègle quand il plaisante avec moi. Cet air qui fait pétiller ses yeux verts avec malice. Mais aussi à la passion présente dans ses yeux quand il me parle de choses qu'il aime. A sa façon d'être en ma présence qui me semble tellement naturelle. A sa grande main dans la mienne. A sa façon de me regarder, à s'intéresser à mes paroles. A sa fossette qui se révèle quand il fait son petit sourire en coin. A sa voix sexy que ce soit quand il chante ou quand il parle. Putain !

- C'est gentil mais de toute façon, je reprend les cours lundi, dis-je d'un ton neutre en me relevant précipitamment.

Ma tête me tourne mais je l'ignore et me dirige vers la salle de bain. J'ai besoin d'être seule quelques secondes. Je m'y enferme sans laisser au brun derrière moi le temps de me suivre.

- Lexiane, ça va, m'interroge le brun derrière la porte.

- Oui oui.

J'ai totalement conscience que j'agis par la fuite. Je ne veux pas me confronter à cette discussion, mes pensées sont trop brouillées et contradictoires et bien que je sois sous l'effet de l'alcool, je sais que je pourrais regretter mes futures paroles. Je souffle un bon coup en posant mes deux mains de part et d'autre du lavabo. Je lève ma tête vers le miroir qui me fait face et observe mon reflet. Mes joues ont repris des couleurs, elles sont un peu plus rosées mais mes yeux reflètent la bataille qui se joue dans mon esprit. Je me suis attachée à lui c'est une évidence, mais je n'arrive pas à lui faire confiance. Il ne me connaît pas, je ne le connais pas. Comment peut-il me proposer de le suivre en Angleterre - encore ! Ce ne fait seulement que quelques heures que je peux mettre un visage sur sa voix. Je ne peux pas supprimer ma méfiance aussi vite. Je suis une inconnue comme il est un inconnu pour moi. Je souffle de frustration. Je n'arrive pas à avoir les idées claires. Puis de toute façon, à quoi nous mènerait notre amitié. Je suis française, il est anglais. Je suis en étude, il fait le tour du monde. Nous ne venons pas du même monde. Je ne dois pas m'attacher à lui. C'est la seule solution. Point.