Et le piano le sauva de sa folie.

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(Écoutez la musique en média)
Il tapait harmonieusement les touches noires et blanches qui formaient son piano. Un son mélodieux sortait de cet instrument si distingué, vous faisant voyager. Vous emportant loin, loin du monde où nous nous trouvions, dans une toute autre dimension. Dans la dimension de la beauté fanée, de l'art dramatique, où tout n'est qu'objectif, où tout ce qu'on y voit est d'une beauté sans égale. Et éphémère. La musique résonnait dans son appartement, emplissant l'air, d'une tristesse. Il tapait, ses doigts gracieux frappant les touches, avec une aisance presque parfaite. Il avait les yeux fermés, pour mieux sentir cette musique, pour mieux la vivre. Pour mieux la comprendre. Chaque mouvement était parfaitement calculé, créant une parfaite harmonie. Cette musique, qu'il jouait, reflétait son état d'âme, son désespoir. Tout ce quoi il avait du faire face. La musique le liberait, le soignait de tout ses maux. Il voyageait, à travers son piano. Il inspirait à un monde meilleur, à un monde où, les personnes qui l'avaient fait souffrir n'étaient plus. Où, il pouvait danser au clair de lune, observer le paysage.

Dès qu'il ouvrit les yeux, il se trouva dans une forêt. Dans cette forêt, se trouvait un lac gelé. Une personne y patinait. D'une grâce, d'une élégance, elle tourbillonnait, la lune l'eclairant, elle levait ses mains, comme un beau cygne, et d'un coup, sauta de la glace. Elle leva ses deux mains, les déplaçant sur son visage. Une fois retombée, elle s'accroupit à terre, comme dévastée de ce qu'elle avait vu la haut. Il n'avait qu'une envie, c'était de la voir pour la protéger, mais, il trouvait ce spectacle si beau qu'il ne fit rien.

Elle était si belle, si majestueuse. Elle était si envoûtante... Il était sous son charme dès le premier regard. Sa belle robe pâle scintillait sous le clair de lune et se reflétait sur le lac gelé. Elle bougeait ses mains délicates , mettant en avant sa légèreté, elle bougeait, gracieusement, comme un cygne sur l'eau claire. La précision avec laquelle elle effectuait ses mouvement la rendait unique, une beauté dans un monde hostile, un ange dans un monde dévasté. Elle bougeait, dansait, tourbillonnait. Elle était dans son monde, comme déconnectée, déconnectée de toute réalité. De tout sur quoi le monde avait été fondé. Elle était dans un autre monde. Dans un monde plus beau, plus grand, plus pacifique. Dans un monde où tout était possible. Ou toute les limites qui avaient été fixées avaient disparues. Ou tout semblait possible. Elle était à sa place, à travers cette danse, elle montrait sa peine, ses tristesses, ses malheurs. Elle exprimait ses émotions. Elle les faisait partager à tout le monde, elle était sans barrières, sans frontières, sans protections. Elle était translucide, on pouvait voir à travers elle. On pouvait voir son âme, aussi pure que la blanche neige. Mais, malgré sa pureté apparente, quelque chose n'allait pas. Dans ses mouvements, dans sa précision, tout s'accelerait. Elle semblait comme apeurée, apeurée par ce qu'elle sentait. Elle sentait que quelque chose n'allait pas, et que quelque chose de maléfique était présent. Quelque chose, dans les bois, rodait. Son âme, aussi noire que l'ebène, se dispersait dans la forêt et laissait apparaître une appréhension à tout les êtres vivants présents dans les bois.

Elle pouvait sentir la souffrance dans cette présence. La souffrance que cette personne avait endurée. Et que cela l'avait détruit, brisé. Il ne restait plus rien de bon. Plus une seule pointe d'espoir, plus une seule once de bonté. Tout ce qui était bon en lui avait disparu.

Ses gestes devenaient maladroits, cours, rapides. La grâce qui était présente il y avait encore quelques temps s'était mué en peur, et en méfiance.

Après encore quelques pas de danse, la belle danseuse s'arrêta. Elle regarda autour d'elle, comme étant à la recherche de quelqu'un. Il fallait que quelqu'un aille la protéger. Cette petite poupée en porcelaine était seule à présent. Seule, face aux danger de la nuit. Face aux démons qui rodaient dans l'obscurité .

Petit à petit, la ballerine commença à disparaître. Un bout de main s'effaca, puis le bras, puis la jambe, jusqu'à ne rester plus rien. Il se retrouvait alors à contempler le lac gelé, sous la lune scintillante, la où la nature, qui sublimait il y a encore quelques instants la belle jeune fille, semblait figé.
(Arrêter d'écouter la musique)
Soudainement, le décor s'evapora quand un craquement se fit entendre. Le temps qu'il immerge de son esprit, sa main, qui était repliée sur elle même, était, ensanglantée.

Il jura, balanca sa main pour enlever le sang qui y était et se leva brusquement. La bulle qui le protégeait, le protégeait de ses démons intérieurs avait éclaté, laissant libre arbitre à ses plus sombres désirs. Bien sûr, il lui restait une part de lucidité. Mais, cette part, aussi infime soit elle, était bouffée par la rage, la violence et la folie. Voilà ce qui avait ravagé son âme. Il ne pouvait pas guérir. Il ne pouvait pas redevenir sain. Pas après tout cela.

Un Véritable EchecOù les histoires vivent. Découvrez maintenant