Water Lily : l'éclosion.

On arrête de danser ? Oui, s'entre-tuer c'est plus sympa, voyons.

- Pourquoi ai-je soudainement l'impression d'être le mouton que les loups veulent dévorer ? Demandai-je avec un dépit profond.

- Peut-être parce que c'est un peu ce que tu es, souligna Kenan dans un rictus.

Je le fusillai du regard et il ne prit même pas la peine de me regarder. Mais je compris qu'il ne le fasse pas, une toute autre chose le préoccupait bien plus après tout. Ses immenses ailes noires déployées ne laissaient rien présager de bon. Maël passa un bras devant moi, me forçant à reculer de quelques pas derrière lui. Protecteurs, les deux frères se tenaient droits devant moi en m'agaçant cependant je n'avais pas le temps de défendre le fait que j'étais apte à me battre à leurs côtés. Tamara serrait déjà ma main pour attirer mon attention, sa joie transpirant sur son visage mais ce qui m'alarma réellement fut la pâleur cadavérique d'Andrew.

La situation avait changé en quelques secondes. Tout avait basculé alors que Maël me faisait danser. Pendant de longues minutes j'avais virevolté dans ses bras, enlacée fermement contre son torse chaud. Tout aurait pu disparaître autour de moi. Il y avait juste Maël. Du moins jusqu'à ce qu'on m'attrape brutalement par l'épaule. En quelques secondes j'avais été projetée en arrière et comme la première fois, mon corps avaient volé en l'air avec une facilité déconcertante, mais surtout on m'avait rattrapée. Kenan l'avait fait. Ses bras solides s'étaient refermés sur ma taille et il avait stoppé la chute. Il m'avait sauvée. Encore une fois. Comme toujours.

Mais je n'avais pas le temps de le considérer. Ni même de le remercier. J'avais eu raison. Cette horde de loups-garous présents ce soir n'était pas anodine. Ils étaient là pour une bonne raison et si je ne comprenais pas encore les détails, je comprenais la raison de leur présence : s'en prendre à moi. Dans une ronde de grognements menaçants, tous prenaient place de façon à nous encercler et si Tamara semblait impatiente de se jeter dans la bataille, je l'étais beaucoup moins. Nous étions bien inférieurs en nombre.

- Faîtes revenir les autres, ordonna Andrew. Dites-leur qu'on a un problème !

- C'est déjà fait, gronda vaguement Kenan. Nous ne sommes pas stupides, nous n'avons aucune chance sans eux.

- Je doute déjà que nous en ayons une d'attendre qu'ils reviennent, souligna Jena en se collant dans mon dos.

- Vous êtes tellement rabat-joie, rétorqua Tamara dans un large sourire.

- Et toi une suceuse de sang à qui il manque clairement une case, souffla Kenan dans un regard sombre. La dernière fois ne t'a pas servi de leçon ? Dois-je te rappeler que tu as passé des mois dans le coma ?

- J'ai pas besoin de ton avis, le démon, répondit la belle rousse avec un mépris certain. Si tu as la trouille de te battre, ce n'est pas mon cas. On apprend de ses échecs. Je ne compte pas faire les mêmes erreurs. Aucun de ces loups ne me blessera.

- Tu es bien sûre de toi et c'est un de tes défauts, soupira Andrew. A être trop sur de soi on finit blessé. Soit plus prudente et réfléchis avant de te lancer à corps perdu dans une bataille perdue d'avance.

- Je suis une guerrière, rétorqua-t-elle aussitôt en tournant son attention sur le métamorphe. Tu es un stratège, mais moi mon unique stratégie est de tuer le plus de monde possible.

- Ne vous disputez pas, lançai-je en tirant sur la main de Tamara pour attirer son regard sur moi. Andrew a raison, essayons pour le moment de gagner du temps.

- Et comment comptes-tu faire cela, jeune Keylinda ?

Cette voix me fit frissonner. Le mépris. La froideur. Rien que sa voix aiguë et hautaine suffisait à exprimer tout ce qui constituait cette personne. Isabelle Ogme s'avançait sereinement parmi les loups, se frayant un chemin jusqu'à se placer devant nous. Fière, elle ne courbait aucunement le regard face à la colère qui m'animait. Pourquoi s'en prenait-elle à nous ? Un fin sourire se dessina même sur ses lèvres. Elle était satisfaite de voir ma réaction. Satisfaite de sentir mon désarroi et ma crainte. Satisfaite de voir que nous étions piégés.