Cette histoire est celle d'une jeune anglaise de 17 ans, Anne. Entre la perte de sa mère, qu'elle aimait plus que tout au monde, et un père ignorant, Anne va tenter de revivre, seule, face à un monde qu'elle ne connaît pas. Ce voyage fait de rencont...
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Troublée par cette image étrange, je continue ma route. Bientôt, le village se transforme en un point noir à l'horizon, je suis si loin maintenant. Les scènes défilent dans mon esprit de manière chronologique, me rendant compte de la multitude d'éléments qui apparaissent dans nos journées. Si nous ne prenons pas le temps de regarder autour de nous, il est fort probable que nous évitions une opportunité, quelque chose d'unique et de beau. Grâce à ma fuite, j'ai certainement une chance à portée de mains, celle de décortiquer les différentes facettes de notre univers. Selon moi, peu de gens savent vraiment où ils vivent, ce qu'ils aiment, qui sont les autres; mon père fait d'ailleurs partie de ces ignares. Il ne voit pas, il s'aveugle inopinément par peur que la réalité lui fasse défaut. Finalement, lui et moi, sommes deux êtres opposés, que rien ne pourra jamais rattacher, pas même les liens du sang.
Malheureuse, telle je me sens à travers la campagne de ma terre natale. Perdre quelqu'un auquel l'on tient plus que tout autre être vivant, entraine la perte de ses repères, d'autant plus lorsque ce traumatisme survient sans prévenir.
_ " Maman, si jamais tu m'entends, je veux que tu saches que le mal me ronge depuis que tu es partie. Les minutes s'écoulent sans remède pour arrêter mes larmes. J'aurais aimé te voir partir autrement... Et si seulement il y avait un moyen de te faire revenir."
Que je prie, ou que j'implore, l'impossibilité de revenir dans le passé demeure. Seul le souvenir m'offre une possibilité inespérée de répéter un moment de mon enfance avec elle. En jetant un regard sur les années qui viennent de finir, je peux retracer des impressions que nous avons partagées, des plaisirs que nous avons goûtés, des peines que nous avons supportées ensemble. A un âge où une partie de la Terre est encore inexplorée, ma mère s'est éteinte des suites d'une crise cardiaque. La veille de sa mort, elle m'avait pourtant parue bien plus enthousiaste qu'à son habitude, pleine de projets, dont celui de parcourir à pied l'Australie. Certes, elle aurait vécu au jour le jour, de façon précaire, mais c'était là, l'objectif ultime de son voyage.
Distante par rapport aux conventions, elle tenait des propos bien éloignés de ceux que possédait mon père, pur défenseur du matérialisme. Comment donc leurs âmes ont-elles pu s'enchaîner l'une à l'autre? La relation qu'ils ont entretenue durant vingt longues années reste une énigme, mes parents étant en plus très secrets à ce sujet. Je sais seulement que leur mariage fut un drame pour mes grands-parents paternels. Il produisit un effet qu'il n'était pas difficile de prévoir. Ma mère perdit en un instant le fruit de deux années de dévouement et de constance avec mon père: on la confondit avec les femmes d'une catégorie sociale médiocre et peu enviable. L'abandon de ses études la fit regarder comme une jeune dénaturée et instable, sans ambition. Blâmée pendant toutes ces années, elle ne reçut aucun soutien de celui qu'elle venait d'épouser, et qui bientôt allait devenir le père de son enfant. Au total, ma mère aura passé 7300 jours de sa vie, à attendre, avec l'espoir de partir et de toucher du bout des doigts, son rêve. Je crois qu'au fond elle souffrait constamment, elle n'osait pas confier ses peines, par peur de le froisser, lui.
