Un nouveau jour

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En rangeant mes affaires, je redécouvre le visage de ma mère sur une photo. Bien que j'aie pu passer des heures à la contempler depuis sa disparition, à la seconde présente où je la vois, je ne sais plus ce qu'elle signifie pour moi. L'amour évident que je lui portais, devient une haine que je n'avais ainsi jamais éprouvée. Je préfère alors ranger ce souvenir photographique au fond du tiroir de ma nouvelle table de chevet, en me disant qu'il faudra bien l'oublier, le passé ne reviendra pas, quoi que je puisse faire. Mon destin me paraît désormais entièrement tracé, et Dieu seul sait ce qu'il y aura au bout de ma longue traversée.

Inconsciemment, je m'endors, m'arrêtant sur cette ultime pensée divine. Je ne revois le jour, ou du moins les lumières blanches illuminant la pièce, qu'après de longues heures de sommeil. En ouvrant partiellement les yeux, je redécouvre le goût d'un réveil agréable, qui autrefois m'amenait à ouvrir la fenêtre, laissant le vent et l'odeur de l'herbe fraîchement coupée, s'engouffrer dans ma chambre. Machinalement, je me mets à regarder autour de moi, cherchant la fenêtre de la liberté. Où est-elle passée? Elle était pourtant belle et bien ici, hier encore. Je me lève soudain, tournant sur moi-même, me demandant ce qui est entrain de m'arriver. Suis-je en proie à une folie incontrôlable empêchant une vision lucide des choses? La réponse doit être affirmative. Je savais que cela arriverait après tant de peines endurées! Je me répète que ces effets sont communs à ceux ayant connu une perte, un traumatisme et qu'ainsi, je ne suis pas seule à endurer le poids de la douleur. Je retourne m'asseoir sur le lit, et c'est à cet instant que la pièce se vide de son silence. Des dizaines de voix à la tonalité et au timbre distinct, se propagent et m'atteignent. Ils sont revenus. Les invisibles m'entourent, et je peux le sentir. Depuis la seconde où l'un d'eux m'a frôlée, je devine presque instinctivement leur présence.

_"Bonjour!" déclaré-je, un rictus au coin des lèvres.

Je sens que quelqu'un se rapproche à la chaleur de son corps.

_"Enchanté de faire enfin ta rencontre!" s'enthousiasme un homme à la voix tremblotante, du fait de son vieil âge j'imagine.

Il me serre faiblement contre lui. Je n'ose pas faire de même, car son apparence n'est plus, il est tel un fantôme. Je me contente simplement de lui adresser un "merci" volatile. Après m'être relevée, j'entends les appels soudains de Susan. Elle me demande de la suivre immédiatement. Je presse le pas en empruntant le couloir que j'empruntais pour la première fois, hier. Etrangement, l'atmosphère a changé. Des dizaines de scientifiques vont et viennent, le visage tendu et incliné, cherchant à éviter tout contact visuel avec quiconque. Le docteur Verdin, lui, contemple l'effervescence qui demeure devant ses yeux, exorbités par un taux d'adrénaline conséquent. J'aimerais tant connaître les raisons de cette excitation collective, de ce changement d'ambiance inattendu.

Malgré mon arrivée, il ne dit mot, je me concentre alors sur ce spectacle qui le fascine au plus haut point. Je ne parviens pas à éprouver le même intérêt que lui pour ce que je vois. Il n'y a que des chercheurs réglés comme des machines, agissant uniquement par automatisme et selon des ordres dictés par leur "maître". C'est donc cela, la source de plaisir du docteur: dominer des êtres ayant perdu toute leur humanité et les regarder faire ce qu'il leur aura ordonné. La perversité des hommes me donne le tournis par sa grandeur démesurée. A côté, Susan paraît aussi outrée que moi, cependant elle le cache avec talent. En la regardant, je remarque inopinément, qu'elle ne m'a jamais fixée dans les yeux. "Femme étrange". A mon avis, une vie ne me suffirait même pas pour cerner sa personnalité, et arriver à déceler une trace visible de ses pensées. Je ne m'attarde pas, au risque de perdre mon temps face à une statue de marbre. Je reprends donc la contemplation de la scène précédente. Rien n'a changé, si ce n'est l'attitude du docteur. Sa figure sévère est tournée vers moi et je me sens soudain comme pétrifiée.

_"Il est l'heure pour vous Mademoiselle Hills!"

Au son de sa voix, je relève un ton moqueur à la prononciation de "Hills". Peu importe ce qu'il aura voulu signifier à travers ce jeu de langage, je me concentre davantage sur ce qu'il attend de moi. Un jeune homme renfrogné me prend le bras fébrilement et me tire jusqu'au lit d'oscultation que je n'avais pas remarqué jusqu'à maintenant. Je déglutie difficilement, le stress s'est emparé de mon être tout entier. Je voudrais me débattre et m'enfuir, l'impuissance m'en empêche. Je me laisse faire sans broncher en les regardant accomplir leur tâche dont le but ne m'a toujours pas été transmis. Je vois des seringues de tailles diverses, alignées à ma droite, des tubes à essai vides, des ciseaux... Tout ce matériel va-t-il être utilisé à mon intention? Ma réponse ne va pas tarder à être donnée, un scientifique s'approchant, une seringue à la main. Cette dernière me transperce la peau du bras en une fraction de seconde et aspire une quantité minime de sang. Transféré dans un tube, il s'en va être analysé dans la pièce adjacente à celle où je suis actuellement. Une dizaine de minutes plus tard, l'analyse est terminée. Une des blouses blanches fait signe à Monsieur Verdin. Il acquiesce d'un hochement de tête. Une nouvelle seringue est préparée sous mes yeux, remplie d'un liquide transparent... Un éclair me traverse l'esprit: Quand je suis arrivée, on m'a parlé d'un gel transparent permettant...L'INVISIBILITE! Je commence à m'agiter dans tous les sens afin de stopper l'opération. Il est trop tard, je sens déjà le produit me parcourir le bras. Pendant quelques secondes, un froid à glacer le sang se répand de mon poignet à mon coude, puis plus rien. Une peur insoupçonnée m'envahit l'esprit et le coeur, je tressaille, le noir complet s'installe.

Les uns disparaissent...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant