Le mirage de l'Eldorado

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Chapitre précédent : Les Invisibles quittent le laboratoire et sont en direction d'un nouvel endroit.
Dernière phrase : [ Alors, si en cet instant j'ai besoin de rêver, je le ferai].

Dernière phrase : [ Alors, si en cet instant j'ai besoin de rêver, je le ferai]

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                L'allure de l'hélicoptère diminue. Nous sommes arrivés.

                Je me fraye un chemin à travers les nombreux invisibles, perdus dans cette nature prolifique. Les hautes herbes balayées par le vent, ondulent le long de mes jambes, pendant que je crois entendre le sifflement de quelques-uns de ces volatiles des mers. Tel l'Eldorado, l'île accueille nos âmes condamnées. Nous suivons alors les traces de Monsieur Verdin jusqu'au bord de l'eau.

              _« Voici votre nouveau chez vous ! Suivez ma secrétaire, elle vous guidera jusqu'à vos locaux. »

               Je n'imaginais pas que Susan serait parmi nous. Cela fait si longtemps que je ne l'ai pas vue. Les traits de son visage terriblement affaissés me surprennent. Jamais elle n'avait paru aussi fatiguée et lasse. Malgré ma compassion, je la suis sans l'interrompre.

               Nous arpentons un dernier sentier, fait de sable et de cailloux. Je les sens sous mes pieds nus et encore glacés. Certains m'écorchent pendant que d'autres se frottent délicatement sur ma peau de plus en plus asséchée et bientôt devenue insensible. Nous traversons un petit bosquet garni de fleurs exotiques bien différentes de celles que j'ai l'habitude de voir dans notre pays, le climat n'étant pas propice à la pousse de tels spécimens. Ici, l'air est frais et humide, la température y est chaude, et le vent a quelque chose de particulier. Il n'apporte aucune odeur marine. En réalité, il n'a aucune identité olfactive. M'interrogeant jusqu'à l'arrivée à nos dortoirs, je finis par réunir quelques idées quant à ce vent unique en son genre.

              _ « Voici vos locaux. Ici, tout diffère du laboratoire. Tout d'abord, nous préservons l'intimité et avons aménagé des chambres individuelles... »

              Un homme dont je n'avais jamais entendu la voix, interrompt Susan en ricanant :

              _ « Quelle intimité préserver ? Nous n'avons aucun regard sur l'autre et puis jusqu'à maintenant dormir tous ensemble ne nous a pas causé problème ! »

               Susan paraît perdue et ne semblait pas penser que son discours pourrait être interrompu. Elle préfère ne pas répondre et continue son explication :

            _ « Voici les badges de vos chambres. Durant tout votre séjour, vous n'en posséderez qu'un alors je vous conseille de ne pas le perdre. Et surtout...euh... ». Les mots lui échappent comme si elle avait peur de dire quelque chose. « ...Surtout pensez à vous reposer. »

                 Elle nous tend les clés magnétiques et repart d'un pas rapide au fond des bois. Tout le monde s'exclame, ne sachant pas du tout ce que chacun doit faire.

                 _ « Et bien si personne ne nous a donnés de directives, pourquoi ne pas découvrir l'île ? » déclare Eleanor enjouée.

               C'est à ce moment qu'un « non » résonne derrière nous. Monsieur Verdin s'approche un sourire carnassier aux lèvres :

              _ « Allez dormir ! Un peu de repos vous fera le plus grand bien ! Regardez le soleil se lève, il est donc temps de vous revigorer. Et je ne le répéterai pas deux fois. Tout individu qui ne sera pas rentré dans sa chambre dans quinze minutes aura un traitement spécial. Croyez-moi, personne ne veut connaître ce dont je parle. »

              Cette menace nous fait presser le pas. Le badge à la main, je rentre dans le bâtiment.

              Au premier abord, ces murs de béton au milieu d'une nature si préservée dénotent complètement, mais lorsque vous entrez, c'est un intérieur chaleureux et atypique que l'on rencontre : des tableaux représentant des tahitiennes nues et parées d'orchidées sauvages de mille et une couleurs trônent telles des déesses sur les cloisons d'un vert apaisant. Des bambous d'une hauteur vertigineuse forment un faux-plafond, laissant tomber les quelques feuilles les ornant. Et, dans des vases d'un verre fin et arrondi, s'exaltent des compositions florales, aux parfums enivrants et sucrés. La surprise surpasse mon appréciation du décor pendant quelques instants, puis je finis par me laisser emporter par la beauté des lieux. Espérons qu'il en sera de même pour nos chambres pensé-je.

             Avançant tranquillement jusqu'à la porte de l'appartement 8, je me retrouve la main mêlée à celle d'un autre invisible, sans comprendre comment ni pourquoi.

            _ « Je ne pensais pas qu'une simple poignée de main te rendrait moite... » Le silence demeure sans raison. « Tu sais Anne, je voulais te dire que tu es une personne unique et enviable. J'aimerais vraiment te ressembler, avoir ton courage, toute cette force qui te fait avancer selon tes idéaux. Sur ce, à bientôt. »

              Je me contente d'une étreinte pour remercier Eleanor, car parfois les mots me fuient.

              Sa main me lâche pendant que nous ouvrons simultanément nos portes, situées l'une en face de l'autre.

              En pénétrant la pièce, un sourire parvient à s'esquisser sur mon visage. Je ne m'attendais pas à un agencement aussi drôle et dépaysant. Dans une chambre sur le thème de la jungle, je me laisse aller au milieu de statuettes représentant des gorilles, des toucans et toutes sortes d'animaux majestueux. Des lianes s'entremêlent dans les meubles faits de bambous ravivant davantage le côté sauvage des lieux. La stupéfaction m'habite. Pourtant quelque chose noircit le décor. C'est vrai que tout cela est merveilleux par rapport à ce que nous avons vécu au laboratoire de la Noman's Street, cependant je ne peux retenir ma méfiance. Monsieur Verdin, cet homme en qui je n'ai jamais eu confiance, n'a pas pu bâtir un aussi innocent endroit sans mauvaise volonté. Quelque chose d'étrange se cache dans ce paradis miraculeux. Et je sais que mon esprit avide de curiosité ne restera pas inactif face à tant de mystères.

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⏰ Dernière mise à jour : Nov 06, 2017 ⏰

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