Dans une pièce sombre, les murs de mon coeur s'effritent peu à peu. De longues chaînes se resserrent sur celui-ci tout comme sur mes mains. La sensation froide de ce métal me glace le sang. Puis, cette même sensation se met à se propager dans tout mon être. Haine. Malheur. Terreur. Je suis enfermée. Enfermée dans cette pièce. Enfermée par un funeste destin.
Le corps endolori, j'arrive à me mettre en tailleur. Les secondes, les minutes, les heures, déferlent, s'assemblent, se compilent. De cruel tremblement me pourfende. Mes yeux cherchent à distinguer un élément dans ces ténèbres. Des briques de mémoire me reviennent peu à peu mais la cause de ma situation beaucoup moins. Les murs de mon corps commencent à mourir pour laisser place à une simple âme. Une âme sans corps, sans barrières.
Réduite à cet instinct primitif, tout m'apparaît de façon différente. Réduite à cette peur omniprésente, je vois les choses avec de nouveaux yeux. Chacun de mes sens est en émoi.
Mes oreilles analysent chaque pas, mouvement, étant en dehors de ma cage. Le bruit de ses chaines s'immisce dans mon esprit. Celles-ci me tiennent tête et bafouent ma liberté. J'arrive, avec une volonté folle, à entendre à travers elles, à travers ces murs.
Le toucher m'aide à matérialiser chaque objet, chaque entité. À Droite. Rigide. Solide. Tâcheté de petites bosses. À gauche. Vide. Néant. En bas. Douceur. Souplesse.
Je ne puis même pas dire depuis combien de temps je suis ici. Quels sont ses sentiments qui ont éclaté ? La peur, la rage ou bien une forme difforme, un voile de protection et de terreur. De l'extérieur, ma sérénité habituelle ne me quitte pas. Mais je le sens. Je ne peux pas rester plus longtemps, à me demander ce qui m'attend ou à lister toutes les raisons qu'à la mort de s'acharner sur moi.
Un bruit se fait entendre.
Ma respiration se coupe sous l'attente. Mon corps se paralyse pour éviter tout bruit. Les battements de mon coeur se régularisent en me disant que la chance est peut-être de mon côté. Je m'allonge sur, au vu de la texture, le lit. Un grincement. Un son, puis des cris.
J'ouvre les yeux. Ma vue, pas encore habituée à cette lumière, essaie de distinguer ces individus. Deux silhouettes me font face. Les couleurs reviennent peu à peu. Un espèce de bandeau s'approprie leur front. Une chemise foncée, sûrement noire, cache leur torse assez bombé. Mon regard s'abaisse avec difficulté, la lumière ne plaidant pas ma cause. La course touchant à sa fin, un pantalon très ample cache de longues jambes.
Le plus avancé s'approche de moi. Il agrippe mes cheveux noirs. Mon cuir chevelu crie de douleur, rejoint par un gémissement étouffé.
-Bouge de là, on n'a pas que ça à faire !
Ma tête se force pour ne pas partir en avant. Il décide enfin de passer à l'offensive. Des coups de pieds se répètent dans un rythme ternaire, à chaque fois plus intenses. Mes bras. Mes jambes. Mon visage. Tout y passe. Le dernier coup, plus puissant que les autres, me coupe la respiration. Un liquide rouge salit le sol. Cependant, mon corps reste stoïque. L'homme, exténué de ce défoulement, se retourne pour sûrement laisser la suite à son acolyte.
- Alex ! Viens m'aider ! Il faut qu'on la fasse bouger ! s'égosille-t-il, alors que son interlocuteur se trouve à, à peine un mètre de lui.
Ma raison commence à s'essouffler. Ma vision se teinte d'un noir plus que effrayant. À ce moment, je suis déchirée entre l'idée que mon cerveau ait assombri les environs pour me dire ce que je devais faire ou que, par évidence, j'étais en train de m'évanouir. Néanmoins, je préfère, pour mon aveugle ténacité, choisir la première option. Son cou si découvert m'apparaît alors comme une offrande. Mes chaînes en main, je propulse mon corps en avant. Les yeux de son compère s'entrouvent à ma vue.
- Frinx, derrière-toi !
Avant qu'il n'ait pu se retourner, mon arme s'enroule autour de sa gorge. Une pression incontrôlable s'abat. Mes yeux sont défigurés par le meurtre. Je ne me reconnais plus. Pour me calmer, quelques inspirations s'imposent. Je réfléchis. Si je ne les tue pas, ils me tueront. Un esprit primitif m'enveloppe puis, se bagarre avec ma raison. La noirceur de cette pièce écrase, piétine, abat cette dernière. Je perds pied. Tue-les. Je tire plus fort. Des gémissements m'encerclent. Son cou prend plusieurs couleurs, passant du blanc au rouge puis, lassé de cette routine, prend le sens inverse. Ses mains se déploient sur les miennes. Me griffent. Me frappent. M'arrachent. Comme secoué de convulsions, sa salive surgit. Des mains lâchent. Une respiration irrégulière s'efface. Le corps de son allié tremble, rampe. Puis, plus rien. Ayant enfin compris que la victoire est mienne, je le lâche. Il s'écroule au sol. Son cou, parsemé de stigmates.
Mes yeux plongent dans ceux du survivant. Les yeux ébahis, il me fixe. L'air se fait étouffante. Des séismes parcourent son corps. La posture droite, je marche dans sa direction. Finissons-en. Paniqué, il met du temps à énoncer ne serait-ce qu'une phrase.
- S'il vous plaît...balbute-t-il, les jambes chevrotantes.
Des gouttes de sueur perlent sur ses tempes. Mon regard résolu, il comprend que ses paroles sont vaines. Il m'observe. Non, j'ai l'impression que plutôt que de me voir, il voit à travers moi. Il détaille un monstre ignoble. Une chimère mi-humaine, mi-démone. Derrière moi, je verrai une entité diforme, infâme, bestiale, animale, dénudé de tout sentiment. D'une violence indescriptible, mon esprit assassin me gifle, me retourne et pointe du doigt cette homme. Ah oui, c'est vrai. C'est moi le monstre.
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Les Méandres De Mon Âme
ActionUne âme saine repose dans un corps sain et un esprit sain.