CHAPITRE 10

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Soudain, un homme assez grand rentre dans la pièce. Ses cheveux châtains longent son cou d'un mat léger. Sur son oeil droit orne un cache-oeil seyant avec son oeil gauche noir onyx.

Étonné par notre position, il reste statique pendant quelques secondes. Le regard d'Eric fait de discret vas-et-vient entre l'homme et moi
Des rougeurs s'invitent sur ses joues. Il se lève brusquement. Son regard plonge dans celui de l'individu.

-Euh... Rei, c'est pour quoi ?

- Il a été décidé que la prisonnière viendrait manger avec nous.

- L'équipage a l'air de l'avoir acceptée.

- Puisque le bras droit a décidé de la garder, pour l'instant, ils ne peuvent que l'accepter surtout que cela fait un bout de temps qu'on n'avait pas eu de femmes dans notre équipage.

-Oui t'as pas tord, on arrive.

Le compagnon d'Eric se rapproche pour lui susurrer quelques mots puis lui donne un sachet. Lorsqu'il claque la porte, Eric me fixe quelques secondes.
Ce sachet rentre dans mon champs de vision.

-Ce sont des vêtements de rechange, les autres voudraient que tu les mettes pour le dîner.

- D'accord.

Il est vrai que mes vêtements n'ont rien de très "convenables". Un pantalon marron couvre mes jambes. Mon haut déchiré essaye tant bien que mal de cacher mon corps. Je prends le sachet puis enlève le contenu. Une robe glisse entre mes mains.

Cela fait longtemps que je n'en avais pas mis une. Les robes c'est trop contraignant, ça limite tes mouvements. Cependant il faut le reconnaître, elle est très belle. Cette robe bustier bordeaux doit m'arriver jusqu'aux genoux. Cintrée au début,  elle part rapidement en évasé. Elle est accompagnée de collant opaque.

Ce vêtement reste simple mais efficace. Une broche dorée vient décorer cette tenue. Je regarde Eric puis lui affiche un simple sourire. Mon haut s'écrase rapidement sur le sol. Le blondinet, comprenant la situation, me regarde avec de gros yeux.

-Je...je vais te laisser, dit-il en bégayant.

Il s'avance rapidement vers la sortie. Ses jambes s'arrêtent brusquement.

-Euh...en fait quel est ton nom ? me demande-t-il, tout en étant dos à moi.

Mon nom ? Ah c'est vrai ! Je n'ai même pas eu l'occasion de le leur dire. Je réfléchis alors juste quelques secondes.

-Karine.

-Karine c'est tout ?

-Oui.

Ma voix se veut triste et pleine de désespoir.

-Je vois, je le dirais aux autres. Ah et moi c'est Eric. Bon je te laisse.

Il sort ensuite de la pièce. Je me retrouve ainsi enfin seule. Ça fait du bien. Karine, franchement j'aurai pu trouver mieux ! À cette pensée, un sourire effleure mes lèvres. De ce que j'ai vu pour l'instant, Eric m'a l'air assez honnête. Je pense que je pourrai l'utiliser pour m'enfuir. Les autres ont l'air de tous suivre le bras droit. Quant à celui-ci, il est comment dire...dangereux. Il faut que j'évite de dire n'importe quoi en sa présence.

Je dois aussi penser à m'armer. Je touche avec minutie cette broche, pas assez pointu. Je ne pourrai même pas tuer un rat avec ça. Il faut que j'aille dans la cuisine ou que je prenne un couteau sur l'une des tables. Espérons seulement qu'il soit assez pointu.

Il est hors de question que j'attende patiemment que le capitaine revienne. Ma mort sera seulement consommée. Pour l'instant, faisons la fille mignonne et gentille. Le dire me fatigue d'avance. Soudain, j'entends un bruit, quelqu'un toque.

-Tu es prête ? s'écrit Eric.

-J'arrive tout de suite.

Rapidement, j'enfile ma robe puis mes collants. Ma broche s'insère dans mes cheveux. Je sors ensuite de cette pièce. Eric et l'homme au cache-oeil sont là.

Un sourire prend place sur mon visage. Mon corps s'intercale entre les deux. Pendant la marche, j'essaie de retenir le chemin. Les murs se ressemblent. Un gris foncé orne les murs pendant qu'un noir grisâtre s'approprie le sol. Gauche. Droite. Droite. Tout droit. Gauche. Les couloirs se confondent. On arrive enfin devant une porte. Des bruits font rage. Le partenaire du jeune blondinet me lance un regard qui se veut compatissant. Je le regarde à mon tour,  mon regard plein d'interrogation.

-Bonne chance, me murmure-t-il

À ces mots, il ouvre la porte. À la minute où celle-ci est ouverte, un bout de verre frôle ma joue gauche. Un vent glacial m'enivre à ce moment.

-Faites un peu attention ! s'exclame Eric.

Mon pied entre avec motivation dans cette grande pièce. L'anarchie est omniprésente. J'aperçois quatre tables, très grandes en longueur, où plusieurs hommes sont littéralement en train de se bourrer la gueule. D'autres s'empiffrent comme des porcs : du poulet, du gigot, du boeuf, tous les animaux y sont passés.

Mais le pire est le bruit. Il y a un son assourdissant, une vraie cacophonie. Je remarque dans un côté des personnes se tenant par l'épaule et chantant des chansons bien épiques ; d'autres se battant pour je ne sais quelle raison et certains se sont déjà endormis.

Mon corps se retourne alors vers mes accompagnateurs. Je prends conscience de leur disparition. Les salauds. J'avance pour me trouver une place. Un regard pesant longe mon dos.

Mes yeux le cherchent furtivement. L'homme aux cheveux noirs continue à me fixer puis plisse les yeux l'air de dire "viens t'assoir". Ne voulant pas mourir bientôt, je m'approche rapidement.

Il est à la troisième table, au centre. Je me fraie donc un chemin. Arrivée devant lui. Mes yeux se posent sur les siens quelques secondes. Je m'assoie ensuite en silence. Les bruits se font de plus en plus fort. Cependant, l'ambiance entre nous reste pesante.

J'essaie alors de m'occuper en mangeant. Le dîner reste silencieux. Un silence oppressant. Soudain, un homme s'approche de moi. Sa marche est pleine de maladresse. Ses yeux sont rouge. Son corps manque de stabilité.

- Héee ! T'es vach...ement en beaut...é, la robe te v...as bien ! me complimente-t-il, la bouche empestant l'alcool.

Mon faux sourire apparaît de plus belle. Dès lors, je repart dans ma nourriture. Subitement, une main étrangère se pose sur ma cuisse et remonte avec lenteur. Par réflexe, ma main se tend vers la gauche. Elle bloque au quart.

Au lieu de ça, je m'étire. L'homme bourré continue tranquillement son avancée. Si je le frappe, ils vont se rendre compte que je sais me battre. Les doutes envers moi ne feront qu'augmenter. D'un autre côté, il est hors de question que je me laisse faire. Il faudrait que je le frappe discrètement et si, dans le pire des cas, il me dénonce je nierai en blo...

Brusquement, une voix me coupe dans ma réflexion.

-Tu poses encore ta main sur sa cuisse et je te la coupe.

Je suis surprise de voir que cette voix n'est autre que celle de Mark. Il regarde ensuite en direction de l'homme. Son regard est froid. Il n'y a aucune ironie, aucune pointe d'humour sur son visage. Celui-ci respire la froideur à l'état pur. Un givre agrémenté d'un état sauvage.

L'homme, pris de panique, enlève sa main et part de la table. Je l'observe silencieusement. De quoi se mêle-t-il ? Ma raison retient mon irritation. Je me recentre dans mon rôle. Un petit sourire attendrissant orne mon visage.

-Merci.

- Ne me remercie pas, on n'a juste aucune idée de quoi tu es capable donc, il serait préférable qu'on évite tout contact corporel, si tu vois ce que je veux dire.

L'enflure...

-Et aussi...

Sans me demander mon avis, il prend mon couteau.

- Puisque tu as fini ton repas, tu n'en as plus besoin, non ?

Cet homme. Sa méfiance est démesurée. Comment il a su ? Une chose est certaine. Il est vraiment dangereux.

Les Méandres De Mon ÂmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant