CHAPITRE 11

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Sans me laisser perturber par une telle méfiance, je croise son regard. Un faux sourire vient me titiller la mâchoire.

- Merci, j'aurais très bien pu me couper avec.

Il m'observe d'un regard qui au premier abord reste neutre mais dont se cache une pointe d'irritation. J'affiche alors un imperceptible sourire. Ayant fini son repas, il se lève de la table tout en évitant mon regard.
Il s'éclipse ainsi de la pièce. J'attends qu'il soit bien parti puis regarde toutes les tables pour voir si un couteau ne traînerait pas sur l'une d'elles. Pas de chance, les tables ont déjà été débarrassées.

Mon regard s'oriente vers le dessous de ma table pendant que mon corps le suit. J'y découvre enfin le Graal. Il orne dignement tout au bout de ma table. Je me mets donc à quatre pattes puis avance d'un pas lent pour ne pas me faire repérer. Mon corps essaie tant bien que mal de se frayer un chemin à travers ces jambes enracinées. Arrivé enfin au bout de ce combat, j'attrape ce couteau. Mes jambes commencent à se hisser hors de cette table. Cependant lorsque que je me lève pour sortir, une tête rentre dans mon champ de vision. Je recule sous la surprise.

-Qu'est-ce que tu fais là ? Me dit Eric, plein d'innocence.

Avec une rapidité presque instinctive, mon couteau se retrouve dans le derrière de mon collant.

-Je...cherchai quelque chose.

- Tu cherchai quoi ?

Qu'est-ce que je lui réponds ? Il faut bien que je lui dise quelque chose mais je me vois mal de lui dire, "oh rien j'essayai juste de trouver un couteau qui pourrait me servir à tuer un de tes compagnons ". Mes yeux divaguent au alentour, cherchant quelque chose qui pourrait m'aider.

- Karine ?

-...Il est là ! m'exclamé-je un peu trop violemment au goût Eric, ce qui lui provoque un léger sursaut.

À la seconde où Eric se retourne pour observer l'objet montré, je décroche ma broche, la pose à terre puis la balance loin de nous. Le blondinet me regarde ensuite suspicieusement.

-De quoi tu parles ?

-Je...en fait je cherchai ma broche et j'ai cru que c'était cette cuillère là-bas.

Je lui fais ensuite une mine attristée.
Eric me regarde avec compassion puis se relève pour m'aider dans " ma recherche ". Je me redresse à mon tour. Son regard s'illumine lorsqu'il voit la broche balancée précédemment.

-Elle est là !

J'affiche alors un sourire radieux.

-Merci Eric !
Je m'avance, prends ma broche et la remet vite fait sur ma tête.

- Je vais te ramener dans ta chambre, s'écrit-il. Rei n'est pas en état.

Traduction, il est bourré. Je lui adresse donc un regard compatissant et acquiesce. Il m'accompagne ainsi jusqu'à ma chambre puis repart en me disant qu'il doit surveiller les autres. Je le remercie puis m'infiltre dans ma chambre. Au moment, où je passe la porte, je ressens comme un changement soudain. Un passage dans les ténèbres. Mon si radieux mais si faux sourire se durcit. Mes yeux deviennent inexpressifs.

Je sors mon couteau puis le mets dans un des tiroirs de ma table de chevet. J'enlève ma broche pour laisser retomber mes longs cheveux noirs et m'allonge sur mon lit. Il faut que j'attende encore un peu. L'attente devenant trop longue, mes paupières s'affaissent pendant que ma respiration se fait lente. Dès mon réveil, je me redresse. Je cherche ensuite quelle heure est-il. Mon regard s'oriente vers l'horloge positionnée en haut. Trois heures du matin. Parfait.

Je décide alors de me lever, prends le couteau puis le mets dans mon collant. Je me faufile à travers les couloirs puis, ayant retenu le chemin, me retrouve dans la salle où on a mangé. J'ouvre la porte. Plusieurs personnes sont endormies. Sur les tables. Les chaises. Parterre. Le principal c'est qu'ils ne me dérangeront pas. Étant rassuré de cela, je fais marche arrière. Mes nombreux pas m'emmènent à destination.

Sur sa porte je lis distinctement : chambre du bras droit numéro quarante et un. Sans précipitation, je me faufile dans la chambre. Celle-ci est assez simple. Malgré la pénombre, mes yeux distinguent un lit, une armoire et une table de chevet. Je m'approche du lit, mon couteau dégainé. Sa tignasse noire ressort malgré sa couverture recouvrant presque tout son corps. Il est de profil plutôt vers la gauche, collé au mur.

Le tuer est la meilleure solution. Cela engendrera la panique. Un équipage sans capitaine ni bras droit c'est comme un bateau où il manque un voilier et un gouvernail, ça court droit à la catastrophe. J'en profiterai ainsi pour m'enfuir. Désolé mais tu es mal tombé. Il faut que je te tue. Prenant conscience de ce mot, mon visage s'assombrit. Toute l'animosité cachée depuis refait surface. Peut-être le manque crucial de luminosité y est pour quelque chose. Ou peut-être que j'en ai juste envie. Le tuer. Le tuer. Le tuer. Mon coeur commence à s'emballer.

Cependant les mots de mon grand-père reviennent dans mon esprit. Ne tue pas par envie mais par devoir. Me concentrant sur ses mots, ma respiration se calme peu à peu. L'obscurité ne me réussit vraiment pas. Raison de plus pour en finir vite. Je m'approche de ma proie. Ma main droite se donne de l'amplitude.

Avec toute la force possible, elle lui plante le couteau dans le coeur. Son sang dégouline, cela salit son drap. Mon regard reste fixé sur ma victime. Il commence à ressentir cette souillure. Je respire un bon coup puis pour que mon cerveau n'oublie pas je murmure pour moi-même.

-Il est mort.

Je sens un souffle chaud parcourir mon cou. Telle une flèche, mon bras droit se balance vers la droite avec toute ma force. Cependant une main me retient.

-Bon coup de poing...

Un sourire se dessine sur son visage pendant que mes yeux s'agrandissent.

-Rika.

Ses yeux métallisés m'observent avec avidité. N'ayant pas d'autres choix, je décide de passer à l'offensive. Je me retire de son étreinte puis fais un salto-avant. Je pousse sur mes bras pour lui décrocher la mâchoire.
Un bruit de craquement vient me susurrer à l'oreille, preuve que mon coup ait bien réussi. Cependant, avant que je n'aie pu descendre, je sens des mains m'agripper les jambes. Celles-ci se resserrent peu à peu tel un serpent sur sa proie.

Ses mains me portent puis d'un coup sec me projette à l'autre bout de la pièce. Mon corps se retrouve balayé. La pression de l'air me coupe littéralement la respiration. Mon corps vole puis s'empile sur le mur. Lorsque les deux s'entrechoquent, ma cage thoracique émet quelques réticences et s'avance sans mon autorisation. Ma salive rougeâtre sort de ma bouche. Je m'affaisse au sol puis crache pour retrouver une respiration régulière. Je lève ma tête plus plonge mon regard méprisant dans ses yeux gris. Il ne sourcille pas.

-Comment ? demandé-je assez déboussolé.

-Comment quoi ? me répond-t-il avec dédain.

- Pourquoi n'es-tu pas mort ?

-...

Doucement, il s'avance vers son lit. Sa main enlève sa couverture. Je me lève puis m'avance un peu pour voir le corps tout en me tenant les côtes. Lorsque je l'aperçois, je vois rouge. Mon cerveau a du mal à analyser la situation. Mais qu'est-ce que...Un cadavre. Il y a un cadavre sur le lit.

Les Méandres De Mon ÂmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant