J'avance vers la direction menant au pont. J'emprunte ensuite un long escalier en bois. La luminosité s'estompe de plus en plus. Non. Mes jambes courent d'un rythme effréné. Cependant, je constate que je suis au bout. Les escaliers s'arrêtent ici.
La lumière ne revient pas. Je commence peu à peu à paniquer. Ma raison revient au galop. Ma main vient tâter les alentours. Je constate qu'il y a quelque chose au-dessus. Ma main touche avec minutie la zone trouvée. Rigide. Rêche. Solide. Du bois. Un gros bout de bois et, au vu de sa largeur et de sa longueur, carré bouche la sortie. Si je tape dessus, je pourrais sûrement le défoncer mais cela ferait trop de bruit. Soudain, une idée effleure mon esprit.
Je sors alors ma dague puis commence à couper ce bois en commençant par ce qui devrait être le milieu. Ma main trace une ligne droite. Quelques bouts de bois s'enfoncent dans ma chair. Ils s'accrochent telles des épines. Je continue. La douleur n'est qu'une illusion. C'est elle qui montre notre limite humaine. Le sang coule. Je continue. Après avoir fini de couper en longueur, je me mets à faire la même chose mais cette fois-ci avec la largeur.
Ayant fini, Ma vue se bloque sur mes mains. De nombreuses échardes de bois ornent ces dernières. Ma bouche les arrache une par une puis les recrache sur le sol. Je lèche ensuite mes mains pour aider mes blessures à cicatriser. Au moins, cela me permet d'éviter que ça ne s'infecte.
Enfin, je décide de passer à l'action. Mon corps se recule prenant ainsi le maximum d'élan. D'un coup, je fonce sur ce bout de bois. Celui-ci vole littéralement en éclats. Ce bois se divise en des dizaines de petit. Je m'avance vers cet amas de lumière. Ma respiration s'approprie une grande bouffée d'air frais. Je suis enfin sortie. Un gros bruit m'irrite les oreilles. Qu'est-ce-que c'est encore ?
En tout cas, leur bateau est gigantesque. De mon côté se trouve une superstructure. Ceux étant sur le pont doivent être à l'avant. Je suis plutôt à l'arrière du bateau ce qui me permet de ne pas rester visible.Ayant pu constater l'importance de ce bateau je me retourne pour voir la rive. Rive qui... s'éloigne de plus en plus ! Je m'avance alors vers les extrémités du bateau. Si je saute dans les minutes qui suivent ça devrait le faire enfin... En toute logique. Des sons viennent m'alerter. Ma dague déjà dégainée, j'attends que ces pas se rapprochent.
-J'ai entendu du bruit.
Ils arrivent. Ils sont là. Je m'élance alors avec rapidité. Je n'ai pas de temps à perdre, si le bateau s'éloigne trop, j'aurai du mal à nager jusqu'à la rive. Ils prennent en main leur épée. Leur visage change d'un coup. Ils deviennent froids, crispés et énervés. Je m'avance vers eux. Un puissant coup de pied vient frapper la tête de l'un. Mon corps pivote pour préparer mon prochain coup.
J'ai juste le temps de voir le visage de mon ennemi rempli d'interrogation. Je me retrouve donc de dos. J'entends des bruits derrière moi. Une attaque surprise. J'enchaîne ensuite avec un autre coup de pied dans le ventre. Surpris, il reste les yeux ébahis. Un liquide rougeâtre sort de sa bouche. Son corps tombe au sol. Deux de moins. Les autres arrivent de tous les côtés.
-Elle est là !
Ils sont trop nombreux. Dix-neuf. Non. Je dirais vingt-deux. Deux se jettent littéralement sur moi. Pour répondre à leur attaque, mon corps fait un salto arrière. Mes pieds pulvérisent leur mâchoire. Leur sourire confiant disparaît pour laisser place à une expression de stupeur. Étant tous les deux au sol, je continue sur ma lancée. Un coup de pied latéral s'abat sur un assaillant. Un coup de coude joue avec le ventre d'un autre. Son sang gicle sur mon haut. Merde.
Un coup de poing projette mon adversaire. Il joue ainsi au domino avec ses congénères. Ils en viennent de plus en plus. Mes yeux virevoltent dans tous les sens. Ces dernières se bloquent à la vue d'un pistolet par terre, le propriétaire étant sûrement une de mes victimes. Mon corps s'incline pour le ramasser. Soudain, il se crispe sous le bruit d'une détonation.
- Tu fais ça et je te tue sur-le-champ.
Un homme me parle. Je me relève alors avec lenteur. Les mains levées. Des corps arrivent. Ils m'encerclent. Pour éviter de montrer mon désespoir, j'opte pour le sarcasme.
- Vous n'avez pas l'impression qu'il y a une inégalité. Une dizaine contre une personne je trouve ça un peu injuste.
L'homme, étant sûrement leur capitaine, m'annonce la couleur. Sa voix me glace d'un givre hivernal.
- Je la voulais de base vivante. Morte, son corps ne nous vaudra rien. Mais nous sommes les mercenaires de Rox. Lorsqu'on perd des membres de notre équipage nous n'avons qu'un devoir : rendre ses morts au camp ennemi.
Un bruit mocifère allié à ce visage froid, je comprends mieux que quiconque la situation périlleuse dans laquelle je suis.
- Tuez-la.
Des voix retentissent.
-Attrapez-la !
Mince. Des personnes se jettent sur moi. Des mains, des jambes m'attaquent. Le bord se rapproche avec dangerosité. D'un coup de pied latéral, je les repousse. Je vivrai. Même si je dois tous les tuer.
-Ahhh ! Crié-je pour me donner de la force.
Je m'élance sur ceux de derrière. Mon pied vient contrecarrer leur plan à l'aide d'un croche-patte. Mon poing frappe des visages. Mon pied s'occupe du ventre. Mon coude, de la mâchoire. Les attaques s'enchaînent. Une masse se relève puis recommence. Il faut que je saute. Profitant d'un moment de répit, Je me prépare. Un bruit grisant s'élève. Un silence de mort m'entoure. Une voix rauque s'entend. Je me retourne avec vivacité. Un sourire éclaire son visage.
- Au revoir Rika.
Une douleur se faufile au niveau de ma poitrine. La balle s'est déjà infiltrée dans mes côtes. Les gémissements se font plus prononcés. Non pas encore. La paralysie de mon corps a pour effet de me faire basculer. Mes pieds lâchent le bord. Mon corps perd son équilibre.
Je sens le vent m'envahir tout entière. La froideur de l'océan se ressent à chaque parcelle de mon corps. Mes cheveux me giflent le visage. La seule image que j'ai le temps de voir est l'horizon. Un soleil se lève doucement sous cette brume épaisse. Soudain, Un violent fouet frappe avec mon corps. Je me sens aspiré par l'océan. Alors c'est ainsi que je vais mourir. Noyée.
Des voix me susurrent à l'oreille. Des souvenirs. Oui, ma vie défile et se bloque à ce moment. Cette voix. C'est mon grand-père. Sa voix rauque mais affectueuse, sa posture droite. Ce vieil homme va me manquer.
Ma famille adoptive a aussi été très gentille avec moi. Cependant, je sentais bien, malgré mon jeune âge, l'atmosphère lorsque j'étais présente et surtout le regard de mes "frères". Mon grand-père biologique était le seul qui me comprenait et pour moi je n'avais qu'un seul grand-père.
Ma mémoire s'empile avec rapidité. La mort de mes parents. Le choix de devenir une meurtrière. L'entraînement intensif de grand-père pour devenir un assassin professionnel. Ma séparation avec ma famille adoptive. Puis, mon kidnapping près de la baie de Kleiw.
Pourquoi j'avais décidé de devenir un assassin ? Sûrement, parce que je n'étais bonne qu'à ça. N'être bonne qu'à tuer. N'est-ce pas triste ?
Ou peut-être parce que je souhaitais me rapprocher de mes parents. Ressentir ce que avait été ces vingt années de sang, de peur, de terreur.Une voix m'appelle. Grand-père. Vis, vis, Rika. Tu as raison. Mon corps se met à se débattre. Je bouge mes pieds, essayant de nager.
Si je ne peux vivre pour moi alors je dois vivre pour mon grand-père et surtout mes parents. Ne jamais oublier leur mort en gardant la trace de leur vie sur cette terre, à travers moi. Trop tard. Je suis trop enfoncée. Tout ce que j'ai réussi à faire c'est de me fatiguer.
Ma vue commence peu à peu à se brouiller. Mes yeux commencent à me brûler. Mon corps devient inerte. Ma respiration ralentit tout comme mes battements. Oui. N'ayant que pour mouvement encore disponible ma mâchoire, je m'efforce de bouger mes lèvres bien que l'eau ne me soit d'aucune aide. Des bulles sortent de ma bouche. Je m'étouffe. Je réussis à articuler un mot, un seul tout en tendant la main vers la surface.
"Adieu."
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Les Méandres De Mon Âme
AksiyonUne âme saine repose dans un corps sain et un esprit sain.