Prologue

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Les coups toqués à la porte sont violents et impatients. Les bruits de pas qui y répondent sont agacés et pressés. La porte qui s'ouvre est lourde et grinçante.

Trois personnes sont derrière la porte. A l'intérieur, il y a une femme. Elle les détaille rapidement, puis leur fait signe d'entrer. Elle les conduit silencieusement dans un salon. Son antre est immense et le chemin y accédant est truffé de pièges... qu'elle a désamorcés afin d'accueillir ses visiteurs. Deux d'entre eux prennent place dans un canapé, tandis qu'un homme s'avance légèrement. Elle, s'assoit sur un fauteuil et croise nonchalamment les jambes. Elle les observe à nouveau.

Sur le canapé, il y a un homme d'une soixantaine d'années. Il est encore vigoureux, malgré son âge. Il a la rudesse caractéristique des russes, avec ses rides profondes et son air méfiant. Il s'appelle Vladimir Ezalova. La femme à ses côtés est plus jeune d'une dizaine d'années, mais ses traits creusés et pâles la font paraître plus âgée. Elle a la grâce caractéristique des italiens, avec son teint café au lait et sa finesse. Elle s'appelle Julianna Ezalova. Il manque leurs enfants. Elle ne pose pas la question de connaître la raison de leur absence, ni celle de savoir où ils sont. Elle ne pose pas de questions auxquelles elle a déjà les réponses.

Elle sait qui ils sont, eux ne savent pas qui elle est. Elle sait pourquoi ils sont là, eux ne savent pas ce qu'elle peut leur apporter. L'homme qui se dresse entre elle et eux fait le lien, lui il sait tout. Lui, c'est son chef, et le chef des NightKnights, les Chevaliers de la Nuit, une organisation secrète de mercenaires. Ils louent leur service au plus offrant, en bons mercenaires, mais restent toujours inconnus... ou au maximum inconnus. Cet homme donc, n'a pas de nom. Tout le monde l'appelle « Chef ». Et c'est ce qu'elle fait : « Chef.

-Monsieur Ezalova, je vous présente Malia Faenris, l'une de nos mentors.

-Que faisons-nous ici ?

-Patience, Monsieur. Malia, ces personnes ont demandé à engager l'un des nôtres. Ils ont pour projet de faire main mise sur le côté obscur de Los Angeles, et ont expressément demandé notre aide afin d'éliminer les obstacles. Cette mission sera probablement très longue et dangereuse, car la police n'aura de cesse non seulement de les arrêter, mais aussi d'arrêter notre envoyé. Cependant, la récompense peut être très importante. 50 000 $ à la signature du contrat. Puis 5 000 à 10 000 $ selon l'importance de la victime.

-Intéressant.

-L'identité de notre envoyé restera secrète, et un agent de liaison se fera passer pour un enfant de Mr et Mme Ezalova. Quelques détails seront à régler à la signature du contrat.

-Intéressant.

-Mr Ezalova, voulez-vous bien répéter à Malia quel type de mercenaire vous souhaitez engager, je vous prie ?

-Le meilleur. Nous voulons votre meilleur élément.

-Très intéressant.

-Malia, présentez-les lui.

-Bien, Chef. Si vous voulez bien me suivre... »

Malia se leva et passa devant eux. Du coin de l'œil, elle vit l'expression de désir subitement apparue dans les yeux de Vladimir Ezalova. Elle cacha adroitement son sourire, et changea de démarche, passant d'une démarche féline à une démarche sensuelle. Ses longs cheveux blonds noués en une tresse lui battant le dos, ses yeux gris ceints dans son visage aux pommettes hautes, sa peau métissée, ses muscles noueux et ses formes faisaient d'elle une belle femme, elle le savait et elle savait surtout comment en jouer.

Tranquillement, elle les mena à travers les couloirs éclairés d'une lumière tamisée. Enfin, ils arrivent sur un balcon surplombant une salle plus longue, plus large, plus haute et plus éclairée que toutes celles aperçues jusqu'à présent. En bas, au milieu de la salle, une forme sombre danse. Elle tient deux lames dans ses mains, une épée simple à une main et à double tranchant, et un poignard à cran d'arrêt. Les reflets de l'acier font naître des mirages d'autres lames, à tel point qu'il semble y en avoir une centaine au lieu de deux. L'artiste continue de danser. Ses mouvements sont fluides et gracieux, et il bouge sur un tempo imaginaire. Ses vêtements confondent sa silhouette et brouillent les perceptions, rendant les spectateurs incapables de deviner si c'est un homme ou une femme. Il ou elle porte de simples baskets, du genre de celles que l'on trouve partout. Son pantalon est un taille basse, en tissu gris, ni moulant ni large. Son haut est un sweat-shirt de la même teinte de gris. La capuche est rabattue sur ses cheveux et tient comme par magie tandis que son propriétaire saute et virevolte. Un foulard tout aussi gris que le reste cache le bas de son visage. Impossible de voir ses yeux, tant les moments où ils apparaissent sont fugaces, mais un éclair blanc éblouit les spectateurs dès que le mercenaire tourne la tête.

Ses gestes changent petit à petit de rythme et de tempo, ils deviennent plus rapides, plus saccadés, plus imprévisibles. On a presque l'impression d'entendre la musique avec laquelle ils sont synchronisés. Elle va crescendo, les tambours battant une cadence endiablée, une folle furie sauvage entraînant tout sur son passage, un tsunami, un raz-de-marée, un ouragan, une tornade de colère, de rage, de haine, de fureur, de folie et, note discordante, de désespoir. Puis les tambours s'arrêtent, et laissent place à un violon, laissant échapper des sons aiguës et plaintifs. Le désespoir prend son envol, balaye la colère et ses sœurs, il devient omniprésent. La musique va decrescendo, puis finit en un fade out total, emmenant avec elle toute émotion, ne laissant place qu'au vide.

Avec les tambours, la danse s'est accélérée, jusqu'à ce que danseur, lames et ombres ne fassent plus qu'un, tourbillon insondable de gris aux légères pointes argentées. Avec le violon, tous se sont lentement séparés les uns des autres, tandis que le danseur ralentissait ses gestes. Quand la musique s'arrêta, l'artiste s'arrêta aussi, avec un frémissement allant de la pointe de ses lames jusqu'à sa tête, baissée et invisible. Puis tout ne fut plus que vide, néant.

Dans un murmure, incertain et hésitant à briser le soudain silence sépulcral qui a envahit la pièce, Vladimir Ezalova demande : « Qui est-ce ?

-Vous vouliez notre meilleur élément. Le voici. Madame, Monsieur, je vous présente Scarletwave, la Lame Écarlate. Votre assassin. »

Le sourire de Malia était fier, quand Scarletwave releva la tête. Un masque entourait ses yeux, un masque couleur os, aux bords dentelés et comme rougis par du sang. Mais même de là où ils étaient, ce n'était pas ce masque qui captivait le couple Ezalova. C'était les yeux de Scarletwave. Des yeux topaze, aux reflets multiples d'émeraude, d'or et d'argent. Diaboliquement captivants, mortellement envoûtants.

Scarletwave était une arme. Le corps tout entier de Scarletwave était une arme. Et cette arme était leur.

DIVISION - DominationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant