II. Camille

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Le tissu glissa sur la peau nue avec un léger bruit de frottement. Un bruit de froissement se fit entendre lorsque les bras se levèrent pour attacher les cheveux de leur propriétaire en un chignon lâche. La jeune femme posa ses mains sur le bord de l'évier et s'appuya lourdement dessus, soufflant un bon coup. Elle se regarda dans le miroir, vérifiant que sa tenue était impeccable. Pantalon et baskets montantes noirs, débardeur gris chiné, trait d'eye-liner noir, montre noire au cadran argenté, quelques mèches rebelles s'échappant de son chignon... Ça faisait beaucoup de noir, mais avec ses yeux bleu-gris et ses cheveux mi-châtain clair mi-blond foncé, c'était parfait. Et il ne servait à rien de mettre une autre couleur, qui ne se verrait pas dans le noir de la boîte de nuit. Un sourire pincé échappa à la jeune femme, quand elle songea que c'était sa première dans une boîte de nuit. Son portable sonna, et elle tendit la main, regardant la photo et le nom qui s'affichaient : le visage d'un homme brun aux yeux noirs, barbe naissante, sous-titré de « Marcus Ezalova ». Elle décrocha, et la voix de son frère retentit dans son oreille, basse, grave et agacée : « Camille, bouge-toi, on ouvre dans 20 minutes.

-Je sais, je partais justement. »

Si la voix de Marcus était indubitablement celle d'un homme, la sienne, par contre, ne correspondait pas vraiment au standard de la voix d'une femme. Son ton calme la rendait plus grave qu'en réalité ; car, si elle n'était pas aiguë, la voix de Camille n'était pas non plus grave, mais entre les deux. Elle s'accordait parfaitement avec son physique : taille moyenne, muscles noueux et visage fermé. Le grognement dubitatif de Marcus la fit cependant sourire, et elle raccrocha, rangeant son portable dans la poche arrière de son pantalon et descendant. L'homme n'avait aucune raison de lui dire de se presser. En effet, Camille n'eut qu'à traverser la rue puis franchir une porte gardée par un colosse pour pénétrer dans le... la propriété de son frère. Si Marcus était le gérant, elle était une barmaid. Ce soir, pour le première fois depuis leur arrivée à Los Angeles, leur bar/boîte de nuit/restaurant ouvrait. Oui, il faisait tout ça.

La première salle, celle dans laquelle on pénétrait par la porte métallique typique, faisait bar le jour et la nuit. Le meuble en question prenait tout le mur du fond, immense buffet d'ébène protégeant les étagères de bouteilles et de verres accolées contre le mur. Cette salle-là était toute en longueur, la porte étant située tout à droite. Une seconde porte, double, s'ouvrait dans le mur de gauche et donnait sur un couloir dans les murs duquel s'ouvraient d'autres portes – dont les toilettes. Un escalier était interdit à l'accès par un panneau « En travaux ». Il fallait tout traverser – la première salle et le couloir – afin de rejoindre la seconde salle, circulaire, qui faisait office de restaurant huppé le jour, mais se transformait en boîte de nuit à partir de 23h. Camille slaloma entre les tables de la première salle, pour franchir la seconde porte. Deux autres petits bars encadraient la porte, mais aussi une scène sur laquelle était posée la platine d'un DJ. Ce dernier faisait les derniers réglages, et Camille sentait la musique glisser sur sa peau et son cœur battre au diapason du son électro diffusé en sourdine. Marcus donnait ses ordres aux autres barmaids, quand sa sœur cadette les rejoignit, les saluant d'un signe de tête amical. Elle fut affectée au bar de droite de la boîte, et prit vite ses quartiers. Elle connaissait déjà les lieux, mais se remit tout en mémoire et se prépara.

Petit à petit, les clients apparurent. Ils étaient peu nombreux, mais la salle se remplit néanmoins petit à petit tout au long de la soirée, au grand bonheur des employés et employeurs.

Le lendemain matin, à 5h précisément, Marcus fit un debriefing. Première soirée de bonne augure, merci à eux mais s'ils pouvaient dégager vite fait pour que leurs collègues du jour prennent la place ce serait sympa. Aucun ne se fit prier pour déguerpir, le grand brun étant réputé pour son impatience et son impulsivité. Même Camille fila en vitesse. Et, quand bien même elle aimait son boulot, ce fut un plaisir pour elle quand le jet brûlant de sa douche la lava de toutes les effluves de sueur, d'alcool, de vomi qui la faisaient se sentir crade. Ce plaisir du travail dûment accompli fut d'autant plus grand quand elle put se glisser sous sa couette chaude, dans son lit douillet.

DIVISION - DominationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant