Chapitre 3 (partie 2).

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Les deux jours qui avaient suivis sa véritable rencontre avec Blake, Elisabeth n'était pas sorti. Mais aujourd'hui elle voulait sortir. Comme toujours, sa mère avait voulu l'accompagner. Elisabeth avait dit à sa mère qu'elle souhaitait aller au cimetière. Elle voulait y aller une fois par semaine minimum tant qu'elle en avait la possibilité. Elisabeth y tenait particulièrement en ce moment car la famille d'Annah était partie au Canada afin que des soins médicaux soient administrés à Maxxi, le jumeau d'Annah. Personne n'était donc là pour être aux côtés de sa meilleure amie. Elle estimait donc que c'était à elle d'être présente. Elisabeth arriva en haut de la butte encore une fois essoufflée. Cette fois-ci elle avait tout de même eu beaucoup moins de peine. Elle maîtrisait de mieux en mieux son fauteuil et ses bras commençaient à se muscler. Elisabeth ne savait pas réellement ce qu'elle devait faire une fois au niveau de la tombe. C'est à ce moment précis que son regard se posa sur une feuille. Elle était à carreaux cette fois. Elisabeth la prit, l'ouvrit et commença à lire.

« Je suis un meurtrier...

Un vieux con, qui a fait souffrir trop de personne. Un vieux con, qui cherche une rédemption mais qui sait qu'il ne mérite pas une telle faveur de la vie. Car le vieux con que je suis a ôté la vie à trop de personnes.

On me dit que je suis le seul à pouvoir libérer mon esprit, d'autres disent que cette culpabilité n'est que de passage. Moi je sens qu'elle est ancrée en moi, elle coule dans mes veines. Parfois même elle me comprime le cœur, me bloque les poumons.

Aujourd'hui je sais parfaitement qu'elle ne me laissera plus une seule seconde. Je vois une voiture et je me mets à penser à cet accident. Je vois une adolescente et je me mets à penser à Annah. Je me vois dans la glace et je me mets à penser au monstre qui vit en moi.

Alors souvent j'aimerai que cette culpabilité qui à certains moments me comprime le cœur et me bloque les poumons devienne interminable.

J'aimerai que cette culpabilité m'achève plutôt que de rester là sur cette Terre comme une âme en peine sans plus de vie.

L. »

Elisabeth resta quelques minutes à survoler les différents mots inscrits sur le papier. Elle mordillait sa lèvre inférieure nerveusement. Elle décida cette fois encore de répondre à cet inconnu, prit un stylo et écrivit les mots sur le bout de papier comme des balles tirées à blanc.

« C'est trop facile aujourd'hui d'avoir des regrets. C'est trop simple aujourd'hui de vouloir partir. J'espère du plus profond de moi-même que tu vivras longtemps avec cela sur ta conscience. Je m'étais promis de faire de mon mieux pour ne pas en vouloir à celui qui m'a fait perdre mon amie et qui m'a fait me retrouver en fauteuil. Une erreur de jeunesse ça arrive. C'est con à dire, c'est chiant à vivre et tout le monde aurait voulu que les choses soient autrement mais personne ne peut rien y changer. Mais en plus de faire des erreurs je vois que tu es faible. Tu choisis la facilité, quitter ce monde. Et comme si cela ne noircissait pas assez ton tableau, je vois en toi un lâche.

Pourquoi n'assumes-tu pas qui tu es ? Plutôt que de mettre un L met ton prénom. Assume ! »

Elle se sentait un peu mieux. Cracher sa colère d'une telle manière lui avait fait du bien, Elisabeth posa la feuille là où elle l'avait trouvée, sous le pot de fleur. Sa main était tremblante. Elle se sentait incapable de rentrer chez elle pour le moment, il lui semblait préférable d'aller se balader. Au parc trois jours auparavant à cette même heure, elle était tombée sur Blake. Elle aurait apprécié que ce hasard se reproduise aujourd'hui. Elle descendit la colline, sortit du cimetière et se dirigea vers le parc qui se trouvait trois kilomètres plus loin.

Elle entra dans le parc et se dirigea vers le banc où elle avait vu Blake la dernière fois. Il y était. En entendant le bruit de ses roues sur le gravier, il tourna la tête dans sa direction. Un sourire se dessina sur le visage du jeune homme jusqu'à présent fermé.

-Tu es venu tous les jours ?

-Je savais bien que tu reviendrais un jour...

-Tu avais raison.

-Alors qu'as-tu fais de beau durant ces deux jours Lizzie ? Ça te dérange si je t'appelle Lizzie ?

-Je dois t'avouer que j'ai eu le droit à Eli, Beth, Elisa et même Lili... Lizzie c'est bien la première fois mais je trouve que ça ne sonne pas si mal... Et puis ça change et je pense que j'ai besoin de changement dans ma vie en ce moment...

-Merci de ton accord... Alors Lizzie, qu'as-tu fais depuis la dernière fois ?

-Pas grand-chose tu sais... J'ai peint, beaucoup peint et j'ai continué ma bande-dessinée aussi...

-Tu peins ?!

-Oui, à la rentrée je vais dans une école d'art à Los Angeles, l'école d'art conçue par Walt Disney lui même, lui répondit Elisabeth avec un large sourire.

-Wow ! Tu me montreras un jour tes œuvres ?

-Euh... Je ne sais pas... fit Elisabeth avec une petite moue.

-S'il te plaît... T'as bien vu mes photos !

-Ouais, mais pour le coup c'est toi qui a choisi de te mettre à nu.

-Et tu ne veux pas ôter toutes ses couches ? Me laisser voir un peu plus qui tu es ?

Blake qui était assis sur le banc à côté du fauteuil d'Elisabeth se fit glisser jusqu'au bord du banc, se pencha vers elle et murmura :

-Me laisser voir une toute petite parcelle supplémentaire de toi... Une toute petite.

Elisabeth avait rougie dû à la situation qu'elle trouvait un peu trop gênante pour elle.

-Peut-être un jour, dit-elle d'une voix encore moins audible que celle de Blake.

Blake se redressa avec un grand sourire, le torse bombé par la fierté.

-Et à part la peinture et les dessins tu fais quoi ?

-Rien d'autre... J'écoute de la musique et je chante aussi parfois mais ça s'arrête là...

-Chante-moi une chanson !

-Non !

-Pourquoi ?!

-Je n'en ai pas envie... Tu vas me saouler longtemps encore entre les peintures et les chansons ?

-Mais c'est pour mieux te connaître...

-Mais qui t'as dit que je voulais qu'on se connaisse plus ? Et si moi, ces discussions sans but dans ce parc me suffisaient !

-Je sais que tu mens... Moi en tout cas ça ne me suffit pas ! J'ai envie d'en savoir plus sur toi... Je vois cette flamme qui s'est éteinte et moi j'ai envie de la rallumer. Cette flamme qui s'est étouffée c'est comme un feu de bois, une fois éteint c'est dur à raviver mais une fois que c'est chose faîte, c'est une dinguerie ! Ça illumine toute une pièce, ça chauffe toute une maison et ça rend les gens heureux. Ravive cette flamme, embrase-là ! Tu verras tout sera différent...

Inconsciemment Blake s'était rapproché d'Elisabeth, avait pris une de mèches brunes de la jeune femme et commença à tortiller la boucle entre ces doigts.

-Et ça te servirait à quoi, toi que je ravive cette flamme ? demanda-t-elle en regardant d'un air douteux la main de Blake.

-Peut-être que je pourrais raviver la mienne par la même occasion.

Le regard d'Elisabeth se posa dans celui de Blake. Il semblait sincère. Mais quel était son secret ? Elisabeth n'avait pas envie d'en savoir plus pour le moment. Mais ce qu'elle ne souhaitait surtout pas, c'est que lui en sache plus sur elle. Elle recula son fauteuil, fit demi-tour et engagea son départ.

-Lizzie, lâcha Blake d'une voix émotive.

-Peut-être à demain, dit-elle afin de boucler la conversation.

Elisabeth avait passé une grande partie de la soirée à réfléchir aux paroles de Blake. Son esprit divaguait entre Blake et ce fameux « L. ».Elle était dans le salon avec ses parents. Sa mère avait choisi de faire un plateau-télé. Elisabeth savait que sa mère avait décidé de faire cela car à l'époque la jeune fille adorait les plateaux télé.  Mais aujourd'hui elle trouvait absurde d'apprécier de manger des cochonneries devant un programme télé niais. Exaspérée par les rires forcés du public de l'émission, elle s'en alla dans sa chambre avant de s'endormir quelques minutes plus tard.

Love and these little secrets. [En réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant