Wasn't Expecting That.

Vous savez, je crois qu'on ne se détache jamais complètement de ce qu'on lit dans les journaux. On a beau se dire que ça nous passe au dessus, qu'on est plus fort, on a beau nous répéter que ce ne sont que des conneries, on oublie jamais vraiment.

Jamais.

Et c'est ce qui est arrivé sur le terrain, en plein match. C'est ce qui est arrivé quand j'ai intercepté le ballon et que je me suis mis à courir. J'avais le champ libre, personne en face ; je n'avais qu'à courir et marquer.

C'était simple, non ? Quelque chose que j'avais déjà fait des milliers de fois. Parfois même dans des situations beaucoup plus difficiles.

Mais les paroles, vos conneries, elles sont revenues. Rapides et vives, comme un coup. Un coup de tonnerre ou un coup de massue, je n'ai pas encore décidé.

« Il ne sait pas jouer. »

J'ai continué de courir bien sûr, je ne me suis pas arrêté, mais je n'ai pas vu l'attaquant adverse arriver vers moi. Pour tout dire, je n'ai rien vu du tout. Il a glissé à mes pieds en récupérant la balle, et je suis tombé comme une merde parce que j'ai été pris de surprise et je n'ai pas réussi à reprendre mon équilibre.
Pardon. Merde n'était pas voulu.

J'ai chuté, la tête la première sur le gazon, et j'ai senti mon corps rouler sur plusieurs mètres... mais je n'ai pas besoin de vous décrire la scène, vous vous en souvenez. Elle aussi elle était placardée en gros sur les journaux. Vous l'avez même fait passer au bêtisier de l'année tant elle vous faisait rire.

Pour être franc, ce n'est même pas le fait de l'avoir médiatisé à ce point qui m'a dérangé le plus. J'aurai pu en rire de cette chute, je vous assure, j'aurais pu en rire si ça n'avait pas été pour tous vos commentaires haineux en dessous.

J'étais soudainement devenu celui qui avait fait perdre le match parce qu'il était sorti à cause d'une blessure superficielle. Mais si j'étais si nul comme vous le clamiez deux jours avant, pourquoi cela nous avait-il fait perdre ? Vous voyez, vous n'étiez même pas logique et cohérents dans vos propos.

Quand je me suis redressé un peu, après m'être concentré pour vérifier que je ne m'étais rien cassé et que j'allais bien, toute l'équipe de secours était déjà là, autour de moi, à s'affairer comme des petites fourmis. Mais je n'avais rien. Rien du tout. J'ai simplement levé les yeux vers les gradins, où je savais qu'Harry serait.

Seulement il n'était plus là, il avait dévalé les escaliers et il sautait la barrière de sécurité en ignorant royalement les vigils qui lui criaient de revenir. J'ai entendu mon prénom, en entier, et là j'ai su qu'il était vraiment inquiet.

Alors je me suis relevé, juste à temps pour le voir écarté tout le personnel médical et se jeter dans mes bras. J'ai reculé sous le poids de l'impact tant j'étais encore chancelant, mais ça allait.

_Tu m'as fait peur, crétin, il a murmuré contre mon oreille en enfouissant son visage dans ma nuque en sueur.

_Monsieur, a aussitôt appelé quelqu'un dans notre dos.

Il a saisi Harry par l'épaule pour le faire reculer mais je me suis accroché à lui et j'ai secoué la tête. Je lui ai expliqué que je le connaissais, que c'était OK. Il m'a donc aidé à revenir aux vestiaires, parce que ma cheville s'était malgré tout légèrement foulée et que je boitais un peu, et on s'est assis sur un banc pendant qu'on amenait de la glace et des bandages.

Quand on a été seuls, il a posé la tête sur mon épaule et j'ai soupiré. Il n'a rien dit, il s'est contenté de fermer les yeux et de tracer des cercles apaisant contre la paume de ma main.