2
La chambre de Sarah était un bazar incommensurable. Des sous-vêtements traînaient, par-ci par-là, et des vêtements également. Il y avait gros tas à côté de son bureau, c'était son linge sale. Et il y en avait un moins important à côté de son lit, sa tenue de la veille qu'elle avait ôtée rapidement avant de se coucher. Elle n'avait pas pris le temps de l'ajouter au tas 'linge-sale' le lendemain matin, le matin de ce jour même. Et de toute façon elle n'aurait pas pu prendre le temps de le faire, étant donné qu'elle n'avait pas eu le temps. Ce matin-là elle s'était rendormie après la violente secousse occasionnée par le déclenchement de son réveil réglé beaucoup plus fort qu'à l'ordinaire. Elle l'avait donc éteint puis s'était tranquillement rendormie ne se souciant guère de la raison pour laquelle le réveil s'était déchaîné sur ses tympans. Puis réveillée à nouveau, probablement par une secousse de conscience inconsciente, elle avait regardé son réveil, horrifié de voir qu'il ne lui restait que quinze minutes pour se préparer. C'était la raison pour laquelle Sarah n'avait pas eu le temps qu'elle aurait dû prendre, pour mettre le petit tas dans le gros tas. Elle ne le fit pas non plus à ce moment-là. Elle posa... non, elle laissa tomber son sac de son épaule à côté de son bureau, dans un bruit sourd, elle jeta son blouson par terre et son écharpe par-dessus. Elle parcouru sa chambre du regard :
- Je ferai ça tout à l'heure.
Elle sortit de sa chambre en faisant grincer le plancher, descendit les escaliers et parcouru l'entrée pour poser ses clés dans le bol prédestiné à les accueillir.
- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-elle une fois au bas des escaliers.
Sa mère ne répondit pas. Sarah se sentit immédiatement agacé par l'attitude de sa mère : elle savait que sa fille lui avait parlé, elle l'avait entendu mais elle l'ignorait consciencieusement, attendant qu'elle s'approche d'elle pour ne pas avoir à crier. Sarah alla dans la salle-à-manger où se trouvait sa mère.
- Qu'est-ce qu'il y a ? répéta Sarah, absente.
La mère de Sarah, Hélène Kairos, était une femme au corps sec, aux joues creuses et aux pommettes hautes qui faisait ressortir ses yeux vert émeraude et ses grandes dents, jaunies par la cigarette. Elle portait les cheveux courts à la garçonne, d'un brun roux foncé dont Sarah avait hérité les rougeurs. Elle avait un petit front caché sous sa frange, et un regard perçant. Elle avait une silhouette fine et longue régulièrement perchée sur des talons. C'était une femme seule. Ni veuve, ni divorcée, ni partie. Abandonnée, c'est ainsi que la voyait Sarah. Celle-ci a grandi sans père qui est parti alors qu'elle n'avait qu'un an et demi. Depuis toute petite, Sarah entend que son père est en 'déplacement prolongé d'une durée indéterminé', mais cela fait un moment maintenant qu'elle a bien compris qu'il ne reviendrait pas, jamais. Seulement sa mère ne perdait pas espoir, jamais. Elle disait qu'elle avait des nouvelles de lui par lettre mais Sarah était persuadée que c'était son frère, Arsène, qui les écrivait ces lettres. La seule chose que Sarah savait de son père était que lui seul avait choisi ses prénoms. « Ça me fait une belle jambe ! Sarah, Turine... Merci papa, vraiment ! »
- Dimanche soir je suis invitée au pantalon, j'y retrouverai ma collègue.
- Où ça ? demanda Sarah interrogée.
- Pourquoi ? Qu'est-ce que j'ai dit ?
- Au pantalon...
- Mais non au restaurant voyons ! dit Hélène avec un ton de réprimande, comme si c'était Sarah qui avait fait l'erreur.
- Comment veux-tu que je sache si tu te trompes de mot ! répliqua Sarah agacée.
- C'est parce que je fais autre chose en même temps que je me trompe ! expliqua Hélène qui sentait elle aussi la colère venir.
VOUS LISEZ
Les Passeurs du Temps
FantastikSarah est en seconde. Elle vit avec sa mère, sa grande sœur et son petit frère. Elle n'a pas de père. Jusqu'à présent, sa vie est on ne peut plus normale, mais bon ça va changer quoi... comme dans toutes les histoires de ce genre. ...