Chapitre 12: Le Nouvel an

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Elle vole, bat l'air de ses bras, le plus vite possible. Il faut qu'elle atteigne le portail avant qu'il ne se referme.

« Comment est-il parvenu à m'attraper par la cheville ! Je l'avais ralenti ! »

La jeune femme puisait toute l'énergie qui lui restait dans les tripes pour arriver à temps. C'était son ultime but, et la fenêtre de lumière se rétrécissait un peu plus à chaque instant, et les espoirs de la jeune femme en même temps. Elle s'efforçait de ne pas regarder derrière elle, pour voir si Ghazal la poursuivait de nouveau, ou s'il s'était résigné. S'il était à sa poursuite il aurait de grande chance de rester piégé entre deux espaces-temps, à tourbillonner infiniment dans un néant inconnu. Non, il ne serait pas aussi téméraire, déjà qu'elle n'était pas sûre d'atteindre la sortie à temps. Le trou se resserrait à mesure qu'elle s'approchait, ce qui lui donnait l'impression de faire du sur-place.

Enfin elle commença à distinguer des couleurs dans la lumière éblouissante qui s'échappait du portail, des formes, une souche, de l'herbe, une forêt... Elle commençait à croire qu'elle allait bel et bien arriver à temps, elle accéléra une ultime fois, en épuisant ses dernières forces, et ses efforts récompensés, elle se glissa tout juste dans le portail qui se referma presque immédiatement derrière elle. Elle était allongée, le nez dans l'herbe, crachant, haletant. Elle sentait le feu dans sa gorge, le sang battre à ses tempes, son cœur à l'allure folle ne parvenait pas à se calmer. Une fois l'effort passé, il continuait de battre aussi vite. Elle peina à soulever sa tête qui lui paraissait bien plus lourde qu'à l'ordinaire, ses yeux se posèrent sur une gigantesque souche. Elle plongea sa main dans la petit poche de son veston, en sortit une petit montre à gousset en argent, finement sculptée, et tenta tant bien que mal de voir clair pour lire l'heure. Elle eut beau cligner des yeux maintes fois, se frotter les yeux, sa vision restait floue. Elle se hissa sur la souche, toujours haletante, s'assit en tailleur avec tout de même moins d'assurance qu'il y a peu, lorsqu'elle était encore avec un être cher à ses côtés. Elle se détendit du mieux qu'elle pouvait, contrôla sa respiration pour ralentir sa fréquence cardiaque et effleura la souche sur plusieurs de ses symboles à l'aide de la montre. Elle ferma les yeux, mais cette fois, posa la montre sur la souche, et posa deux doigts sur son front avant de claquer des doigts.

Elle se retrouva instantanément dans un parc à bébé, langée, dans une chambre sombre. Elle commença d'abord à gémir, puis pleura avec plus de conviction. Enfin se produisit la chose escomptée, une silhouette apparu dans l'embrasure de la porte, s'approcha, la prit dans ses bras et la berça avec douceur. Les pleurs de la jeune fille qui était à présent un nouveau-né, se calmèrent presque immédiatement. Elle reconnaissait le visage au-dessus du sien, même si elle ne l'avait pas vu depuis... vingt-deux années. Elle hoqueta de joie. La silhouette caressa le front du bébé et murmura :

— Je t'ai attendue... Sarah...

Sarah se réveilla en sursaut, à son habitude, trempée de sueur et essoufflée. Elle regarda autour d'elle, dans sa chambre flottait la pénombre d'une fin de matinée hivernale, dont les pâles rayons de soleil perçaient péniblement à travers les volets de sa fenêtre. Sa veilleuse en forme d'étoile était éteinte, étrangement. Elle s'essuya le front avec le bas de son t-shirt de pyjama. Elle tira la couette pour se libérer, toujours bouleversée, et eut à peine le temps de poser ses pieds parterre que la porte s'entrouvrit. Son frère Arsène pointa le bout de son nez.

— Qu'est-ce que tu fous ? grogna Sarah, qui n'était pas d'humeur.

— Tu t'es arrêté de couiner alors je me demandais si tu n'étais pas morte...

— T'es bête !

— T'aurais pu t'étouffer, je ne sais pas moi... Oh !

Sarah, en se relevant, eut la tête qui lui tourna violemment et tomba à la renverse. Elle eut l'impression d'être soulevée par les épaules et l'image qu'elle vu en suivant lui était familière. Elle avait devant les yeux le couloir de la... Chaumière. Elle se tenait au niveau de la porte d'entrée mais sa perspective était différente. Elle avait l'impression d'être beaucoup plus petite.

Les Passeurs du TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant