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Une autre semaine passe. Puis, un soir, au dîné, mon père me tend une boite enveloppée dans du papier cadeau. J'ouvre l'emballage et je découvre un nouveau téléphone. Un iPhone 5s. Je trouve que mes parents prennent des risques, car je suis connue pour perdre mes portables. Ou pour les lâcher dans les toilettes. Parfois même, pour les balancer à la figure des flics.

Papa et maman en font des tonnes ; ils tiennent à me féliciter pour ma réussite. Mon père prétend que je me débrouille très bien, que tout le monde est fier de moi. Il a l'impression de retrouver sa bonne vieille Kaylee.

Je me demande bien ce que cela signifie, étant donné que je me traîne dans un brouillard suicidaire à longueur de journée. Mais je les remercie poliment et, dès que l'occasion se présente, je fuis par l'escalier pour me réfugier dans ma chambre. Je ne sais pas qui appeler. Je ne peux pas téléphoner à Jake ni à Raj. Bref, je sèche.
Et puis, j'ai une illumination.

Je fouille mon bureau à la recherche d'un certain bout de papier. Le numéro d'Emily. Je ne l'ai pas contactée, depuis qu'elle a quittée Spring Meadow. Il faut croire que je n'étais pas assez désespérée, jusqu'à présent. Maintenant, si.
J'enregistre son numéro et je le compose.

- Allô ? Dit une voix endormie.

- Allô ? Emily ?

- C'est qui ?

- Kaylee.

- Kaylee ?? (Elle semble se réveiller d'un coup). Kaylee de Spring Meadow ?

- Oui ! Emily ! C'est moi !

- Oh putain. C'est toi ? T'es où ??

- Chez moi !

- Non ?? T'es sortie quand ?? Me demande-t-elle toute excitée. Tu fous quoi ??

- Je vis avec mes parents. J'ai repris le lycée.

- Tu vas au lycée ? C'est trop bizarre. Tu le vis comment ? Ça craint ?

- Tu plaisantes ? C'est nul à chier ! Ça craint à mort !

- Oh là là ! Tu es retournée au lycée ! Le délire !

- Ouais, la bonne blague.

- Je suis trop contente que tu m'appelles !

- Moi aussi !

- C'est génial d'entendre ta voix !

- Et toi, qu'est-ce que tu fais, depuis que t'es sortie ?

- Je postule pour des jobs. Ma mère me force. J'ai déposé un CV pour être comptable dans une entreprise de plomberie. T'imagines ? Moi ? Travaillant dans une entreprise de plomberie ?!

- C'est excellent !

- C'est n'importe quoi, tu veux dire !

- Il faut qu'on sorte.

- Carrément.

- Oh, j'ai hâte qu'on se retrouve !

- T'as prévu un truc demain ?

- Oui : je viens te voir.

Le lendemain, je prend le métro Express pour aller en ville, et je me rends au Metro Café, un Bad branché du centre.

En entrant, j'aperçois Emily assise dans un coin, toute seule. On se fait coucou et je me dépêche de la rejoindre en me frayant un chemin entre les tables. On saute au cou et on se tient les mains comme deux neuneus, pendant un moment. Ensuite on commande un café latte et on s'installe tranquillement.

Elle a changé. Ça me frappe d'emblée. Elle a pris du poids et elle se maquille différemment. Sa nouvelle coupe de cheveux, qui a dû lui coûter une fortune, me fait un drôles d'effet. J'ai l'impression qu'elle cherche à se donner l'allure d'une banquière de cinquante ans. Et puis, elle semble un peu endormie. Ou bouffie. Elle a pris des médocs, c'est évident. Et à des doses plutôt élevées, à en juger par sa tête.

Mais tout ça ne compte pas. Sitôt qu'on commence à bavarder, c'est comme si on était de retour en cure. Comme au bon vieux temps. Elle a le béguin pour un million de garçons différents. Un ancien camarade de lycée qui lui plaisait l'a appelée la semaine précédente.

Elle est allée à une réunion des Alcooliques Anonymes où elle a rencontré plusieurs skaters mignons. Elle flirte aussi avec le caissier de l'épicerie, à côté de chez sa mère.

Moi, je lui parle du lycée. Je lui raconte comment je me nourris de mini-carottes à longueur de journée, pour pouvoir passer ma pause déjeuner à la bibliothèque, à remplir des grilles de mots croisés.

- Oh, on est graves toutes les deux !!! S'esclaffe Emily. Tu crois qu'il y a pire que nous ?

Après le café, on se promène dans le centre-ville. Cela fait des semaines que je ne m'étais pas autant amusée. On rit pour rien. On plaisante à propos des petits boulots et du lycée. On marche bras dessus, bras dessous, en interpellant des garçons au hasard.

Addiction [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant