5

280 22 0
                                    

Puisque nous sommes maintenant meilleures amies, Laura me proposé de me présenter deux garçons qu'elle a rencontré au cours de l'été dans les îles San Juan.

Paul, celui qui lui plaît, et son ami Simon son en terminale sur la côte Est. Ils sont de passage à Portland avec le père de Paul pour se renseigner sur Reed College et d'autres universités de l'Ouest.

Paul et Simon nous ont donné rendez-vous dans le hall du Hilton. Paul est beau et bronzé, avec des cheveux bruns frisés. Il arbore une chemise blanche et un jean bien repassé.

- Désolé, pour la chemise Brooks Brothers, s'excuse-t-il d'emblée. Mon père m'a obligé à l'enfiler – apparement, il fallait s'habiller chic quand on allait visiter des facs en 1982.

Simon, lui, porte un T-shirt par-dessus son jean. Il a des cheveux mi-long, blond foncés. Très poliment, il se lève pour nous saluer, puis se rassoit en même temps que nous.

On parle des études pendant un moment. C'est drôle de constater que les lycéens qui habitent à l'Est veulent étudier à l'Ouest, et vice-versa.

Je débite tout un speech a propos des écoles de l'Est, si vieilles, si réputées et pleines de traditions, en ajoutant que je donnerais n'importe quoi pour être acceptée dans l'une d'elles. Simon et Paul s'esclaffent.

Ce monde est exactement celui auquel ils essaient d'échapper.

Paul, qui la carte de crédit de son père, nous invite dans un resto luxueux. Il engage une grande conversation avec le serveur au sujet des vins locaux – lequel choisir, quelle millésime, quel vignoble, quel château –, tout ça pour que ce dernier finisse par nous demander, avec beaucoup de dignité, nos dates de naissance.

Du coup, pas de vin.

Laura est enchantée, bien sûr. Paul et elle se montrent de plus en plus complices. Au Starbucks, ils ne peuvent s'empêcher de se frôler au comptoir pendant qu'ils se moquent des CD de développement personnel.

En sortant du café, on se balade en ville. Sur Pioneer Square, Paul emprunte un skateboard à un gars confiant et il décale le trottoir avec.

Laura lui court après en hurlant à pleins poumons tandis que Simon et moi, on reste en arrière avec leur tasses de latte en main.

Au bout de la rue, Paul tombe sur les fesses. Laura l'aide à se relever avant de monter sur le skateboard. Elle se casse la figure à son tour mis Paul la rattrape.

Le contact se prolonge et il a l'air d'apprécier. Je dis à Simon :

- J'ai l'impression qu'il y a une étincelle entre eux.

- Une étincelle ? Une flamme, oui !

On les regarde se soutenir mutuellement sur le skate. Et ça se caresse, et ça se pelote, et ça glousse... puis ils s'embrassent.

- Bon, fait Simon. À mon avis, ils en ont pour un moment.

On s'assoit sur un muret en briques. J'en profite pour examiner Simon de plus près. Il est plus beau que je ne croyais.

- Alors tu vas étudier quoi à la fac ?

- La philo, me répond-il.

- Ah bon ? Pourquoi ce choix ?

- J'aime bien cogiter. Et toi ?

- Je ne sais pas. Littérature, peut-être. J'adore lire.

- C'est sympa, la lecture.

- Ça m'intéresse de suivre le fil des pensées d'un auteur.

- Oui, moi aussi. Le mieux, c'est quand tu lis une phrase qui correspond exactement à ce que tu ressens depuis toujours, sauf que tu n'avais jamais réussi à trouver les mots pour l'exprimer.

- Et certaines descriptions dans les romans ? Au début, tu ne comprends pas. Mais après tu te dis : "Ah, mais oui !"

- Ouais, acquiesce-t-il. Rien de tel qu'une bonne métaphore.

On reste assis en silence un moment, a s'observer du coin de l'œil.

J'ai l'intuition que je lui plais. C'est bizarre. D'habitude, les gens normaux ne m'aiment pas.

Addiction [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant