XV : The third man

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Au détour d'une rue, alors que nous rejoignions Sunset Strip pour regagner la voiture, je reconnus Rick à la sortie d'une épicerie et ce malgré son bonnet et ses lunettes noires. Je marquai un temps d'arrêt, c'était la première fois que je le croisais « dans le monde réel » pour ainsi dire car en dehors des répétitions et des soirées au Rainbow, je ne le connaissais pas.

- Hey Rick ! lançai-je à son encontre en agitant le bras.

Il se retourna vers moi, probablement très étonné, je ne pourrais pas l'affirmer car je ne voyais pas ses yeux mais après un moment d'hésitation, il vint à notre rencontre.

- Cheyenne ! Charlie ! Comment ça va ? demanda-t-il.

- Bien bien. Hey, Charlie a une bonne nouvelle ! répondis-je joyeusement.

- Ah oui ? fit-il en se tournant vers le manager.

- Oui vous allez jouer au Troubadour dans deux semaines.

- Bien joué ! s'exclama le bassiste. Vous voulez passer boire un verre pour fêter ça ?

- Il est à peine 13h, lui fit remarquer Charlie. Et j'ai d'autres choses à faire...

- Cheyenne ?

- Peut-être pas un verre mais je mangerais bien un truc, dis-je en fixant la pizza qui dépassait d'un des deux sacs en papier qu'il tenait à la main.

- Bien sûr ! s'exclama-t-il avec entrain.

- Bon ben, on se voit plus tard Charlie alors.

Le grand brun marmonna quelque chose avant de reprendre sa route alors que je suivis Rick jusqu'à chez lui. Il n'habitait qu'à quelques portes de là, au troisième et dernier étage d'un vieil immeuble à la façade décrépie. Mais à Los Angeles, ce genre de détails n'est pas particulièrement synonyme de mauvais signe tellement il n'est pas rare de voir ça.

Rick poussa une porte qui n'était pas verrouillée pour cause de digicode cassé, le vestibule était sombre et frais, je le suivis tout en haut des escaliers tortueux en bois brut qui craquaient à chacun de nos pas. Il toqua trois fois rapidement su une porte en bois avant de l'ouvrir, comme s'il s'agissait d'un code secret pour prévenir de son arrivée.

L'entrée donnait directement sur un grand salon à l'odeur de cigarette froide plongé dans l'obscurité. Les volets étaient sans doute fermés pour protéger l'endroit de la chaleur extérieure. Le petit blond ferma la porte à clé derrière moi. Mes yeux s'habituèrent à la pénombre et je vis se dessiner quelques meubles : un vieux canapé, un clic-clac ouvert, un meuble télé et au centre une table basse jonchée de cadavres de bouteilles, d'un cendrier plein à craquer et d'emballages de fast-food. Contre le mur se trouvaient deux bibliothèques remplies de babioles, de vinyles, de CD et autres DVD mais sur l'une d'entre elles était posée une platine reliée à deux petites enceintes qui crachaient un vieux morceau de hard rock agressif et les craquements d'époque du 33 tours.

- T'es enfin là ? C'est pas trop tôt, lança la voix de Ben en provenance du canapé.

- J'ai été retardé, regarde qui j'ai trouvé, répondit le bassiste en jetant son bonnet et ses lunettes de soleil au hasard dans la pièce.

La forme noire alors allongée sur le canapé se releva avec difficulté et me fixa longuement.

- C'est Cheyenne, ajouta Rick voyant que son ami avait du mal.

- Hey ! Saluuuut ! Viens, assieds-toi, fais comme chez toi, me lança-t-il en se serrant dans un coin pour que je puisse m'installer à côté de lui.

Rick rejoignit la cuisine ouverte sur le salon et sortit un pack de bières qu'il mit directement au frigo avant de faire chauffer le four pour y mettre la pizza sur laquelle je lorgnais dans la rue, puis il jeta trois paquets de chips sur la table basse et nous tendit une bière déjà fraîche à chacun avant de finalement venir s'affaler sur le clic-clac.

- Dure soirée ? demandai-je au batteur avec un sourire narquois.

- C'est pas ce que tu crois, j'ai travaillé. T'as pris des clopes Rick ?

Ce dernier lui lança un paquet de Marlboro au visage.

- Ben travaille de nuit à l'aéroport, expliqua Rick.

- Tu fais quoi ? demandai-je.

- Garde... C'est chiant mais ça paye plutôt bien. T'en veux une ? dit-il en me tendant le paquet.

- Ouais merci. C'est vrai qu'on se connaît pas tant que ça en fait... fis-je remarquer en tirant une clope.

- Non, c'est con pour un groupe. D'ailleurs vous faites quoi avec Alissa ?

- Là... pour ainsi dire... Rien... On squatte chez Charlie.

- Oh... murmura Rick.

- Quoi ? demandai-je un peu étonnée.

- Est-ce que vous... tous les trois ?

- Mais non ! Pfffff mais ça va pas ?! m'exclamai-je à l'encontre du petit blond.

- On sait jamais avec lui... fit remarquer Ben.

- Oui il est spécial mais non il ne se passe rien, affirmai-je.

- Même quand il t'a raccompagnée après cette fameuse soirée au bar ? sourit Rick.

- Non ! Mentis-je.

- Tant mieux parce que vu ton état ce soir-là... commenta Ben.

- Bon on peut parler d'autre chose ? demandai-je pour couper court à la conversation.

- Oh ! Charlie dit qu'on a un concert au Troubadour ! informa Rick à Ben.

- Ah en voilà une bonne nouvelle ! Je savais qu'aujourd'hui serait une bonne journée !

- Je vais voir si la pizza est prête, dit Rick en se levant.

- Et elle commence avec un bon petit-déjeuner, bien revigorant ! lança joyeusement Ben en se frottant les mains. Au fait, il a pas dit à quelle heure il passerait ? demanda-t-il à l'encontre de son colocataire.

- Il devrait pas tarder si il a pas passé la nuit dehors, répondit ce dernier.

- On attend quelqu'un ? demandai-je au batteur.

- Oh oui ! Un copain, si on peut l'appeler comme ça, il est un peu spécial mais ne t'inquiète pas, tu vas l'adorer c'est certain, m'assura-t-il avec un grand sourire.

- J'espère surtout qu'il va ramener des bières parce qu'avec un pack de six on va être juste, commenta Rick depuis la cuisine.

- Avec tout ce qu'on lui file, il a plutôt intérêt, c'est clair...

Rick revint de la cuisine, Ben débarrassa alors les déchets de la table d'un revers de main pour que le bassiste puisse poser la pizza fumante qui dégageait une délicieuse odeur de sauce tomate mélangée à du fromage.

- Et voilà ! s'exclama le chef fier d'avoir réussi la cuisson de son plat surgelé.

A peine eut-il le temps de la couper en quatre que Ben et moi nous jetâmes sur la spécialité italienne tels des enfants du tiers-monde. C'est alors que plusieurs coups longs et puissants retentirent sur la porte d'entrée, ce qui me fit sursauter.

- C'est lui ! s'exclama Ben surexcité comme s'il s'agissait de la venue du messie.

- Mais c'est qui « lui » bordel ? Demandai-je une fois de plus.

- Le Docteur.

Cheyenne  /!\ PAUSE /!\Où les histoires vivent. Découvrez maintenant