X : Truth be told

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 Alissa pensait profondément que l'on naissait rockstar, qu'on ne le devenait pas mais visiblement Charlie avait un avis différent. Rapidement, il nous en demanda plus, nous commençâmes à répéter deux fois par semaine, puis trois, puis quatre. Ma meilleure amie et moi décrochâmes les cours pour de bon cette fois-ci. J'apprenais les paroles par cœur pendant que les autres étudiants de ma promo apprenaient leurs cours, dans un sens c'était plus agréable mais tout de même fastidieux. J'étais tellement dedans que j'en rêvais la nuit.

Malheureusement, plus je chantais ces mots, plus je me sentais blessée à la fois dans mon ego mais aussi dans mon âme car la plume de Charlie, aussi belle fusse-t-elle, n'était pas la mienne. J'avais passé des journées, des nuits entières à coucher ces paroles sur papier, elles me reflétaient, elles étaient l'incarnation de mes pensées et mes sentiments. Pour enfoncer un peu plus le couteau dans la plaie, il n'avait presque jamais rien à redire des compositions d'Alissa mais s'était fait un plaisir de changer chacune des lignes que j'avais écrit. Ça me fendait le cœur parce que pendant un temps, j'avais pensé être utile au groupe, je croyais apporter quelque chose. Et le pire c'est que je ne savais même pas pourquoi il avait fait ça.

Il avait beau être présent à chacune de nos répétitions, je n'arrivais jamais à lui en toucher un mot. Il se contentait de nous donner ses directives et si on avait la chance de pouvoir prendre une pause, il évitait le sujet ou m'évitait carrément. En fait, on ne s'était pas vraiment reparlé depuis la soirée au Rainbow, non pas que j'avais des choses à lui dire à propos de notre partie de jambes en l'air mais je ne comprenais pas trop son attitude envers moi.

Il faut dire aussi qu'à mon réveil, il n'était plus dans son lit, il s'était probablement levé plusieurs heures avant moi. Pas le temps de recoller les morceaux de ma soirée ni de ramasser les débris de ma dignité éparpillés un peu partout dans la chambre, je m'étais rhabillée en vitesse et avais dévalé les marches quatre à quatre. Charlie était en train de regarder la télé dans le salon, il avait dû me voir traverser le hall telle une tornade avant de claquer la porte. À ma décharge, c'était la première fois que je me réveillais chez quelqu'un après une nuit pareille, je ne savais pas trop comment réagir et donc la fuite m'avait semblé être la meilleure option. De toute façon, au mieux il m'aurait mise dehors lui-même, au pire on aurait partagé un petit déjeuner dans une ambiance très étrange.

Un soir de semaine, je décidai de passer à l'improviste chez Charlie pour tenter d'obtenir une réponse. Par chance, Alissa avait choisi de sortir sur Sunset avec ses insupportables copains pour aller voir un concert de garage rock et sachant très bien qu'elle rentrerait cuite, elle avait laissé ses clefs de voiture sur son bureau préférant toujours le taxi pour rentrer.

Seule dans la pièce, je fixais le trousseau de clefs en me demandant si c'était une bonne idée. Et puis merde, si je ne le faisais pas ce soir-là, quand pourrai-je le faire ? Je me levai, empoignai le trousseau et sortis le cœur battant. Certes, j'avais mon permis mais je n'avais encore jamais conduit à Los Angeles, une angoisse de plus qui s'ajoutait à l'idée de voir Charlie, mais bon, il faut bien une première à tout. Normalement, il ne faut que trente-cinq minutes pour aller jusqu'à Mulholland Drive mais je mis au moins vingt minutes de plus, je pensais qu'il valait mieux ça qu'un accident, quitte à embêter tout le monde sur le freeway.

Au détour d'une route sinueuse, je reconnus la maison de Charlie non pas à ses murs de pierre et son toit en ardoises qui dénotaient quelque peu dans le décor (quel genre d'imbécile avait eu l'idée de construire un chalet à La La Land ?) mais à la Mustang rutilante garée juste devant. Au moins il était là, je n'avais pas fait le trajet pour rien.

Je coupai le moteur, pris une grande inspiration et j'allai me planter devant sa porte. Exactement comme pour un premier rencard amoureux, c'était avec la boule au ventre que je réfléchis un moment à ce que j'allais lui dire. Quand je suis anxieuse mes pensées ont la fâcheuse tendance de se bousculer dans mon esprit, me forçant à faire un plan de la conversation idéale dans ma tête sinon les mots ne sortent pas dans le bon ordre. Jugeant que j'avais assez bien répété mon texte, je me décidai à sonner. Mes jambes se mirent à gigoter nerveusement un peu comme lorsqu'on a une envie pressante.

Cheyenne  /!\ PAUSE /!\Où les histoires vivent. Découvrez maintenant