VIII : L.A after midnight

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 Notre première répétition finit assez tard, Charlie était un perfectionniste et refusait notamment de nous laisser faire des pauses, ce qui énervait Alissa car après trois heures de boulot, chacune des remarques de Charlie sur son jeu commença à lui donner envie de sortir fumer pour se calmer, mais ce dernier le lui refusait.

- La merde putain Charlie ! On répète depuis 15h ! hurla-t-elle excédée en jetant sa gratte par terre. J'ai les doigts en compote bordel ! Je peux plus sortir un accord correct !

- Elle a pas tort... appuya Rick discrètement.

- J'ai mal à la gorge... renchéris-je.

- Comme vous voulez mais si vous commencez comme ça, vous ne tiendrez jamais un concert, dit Charlie calmement.

- Mais quel genre de groupe joue sur scène pendant cinq heures ?! s'énerva Alissa.

- D'accord, on reprendra le week-end prochain si vous voulez, céda le manager.

Alors que nous commencions à ranger le matériel, il ajouta comme pour se faire pardonner ou simplement ne pas se mettre à dos sa nouvelle poule aux œufs d'or :

- Si vous voulez on va au Rainbow, je paye ma tournée.

Nous acquiesçâmes d'un commun accord. C'était la première bonne nouvelle depuis au moins trois heures, on allait pas cracher dessus, même avec la fatigue. Il était presque 20h30 lorsque Charlie referma la porte du local de répétition pour de bon. L'air sentait bon en comparaison de l'odeur de sueur renfermée qui avait vite rempli la pièce exiguë dans laquelle nous avions été enfermés tout l'après-midi. Je frissonnai légèrement au contact de la brume fraîche qui s'était installée.

Je montai dans la citadine amochée d'Alissa, cette dernière chercha fébrilement un paquet de clopes qui n'était pas encore vide sur la banquette arrière encombrée. On aurait dit une junkie en manque. La muscle car de Charlie démarra, suivie de près par le vieux fourgon des garçons.

Quand elle trouva enfin ce qu'elle cherchait, elle alluma le tube blanc avec son Zippo et en aspira une longue bouffée. Je la fixai sans rien dire, elle me tendit le paquet presque vide sans même me regarder. Je pris une cigarette, elle alluma son Zippo et me tendit sa flamme. Elle avait lu dans mes pensées. Ce n'était pas ma première clope et très loin d'être la dernière. Je n'avais fumé qu'en de rares occasions lorsqu'Alissa me le proposait, notamment en soirées, mais je comprenais aisément le sentiment de soulagement que pouvait procurer la fumée des tubes à cancer en descendant dans les poumons à la fin d'une longue et rude journée.

- C'est pas tellement comme je l'avais imaginé... commença-t-elle, rompant ainsi le silence.

- Tu veux laisser tomber ?

- Non... J'ai juste du mal avec Charlie.

- J'avoue qu'il me laisse perplexe aussi...

- Il est... bizarre. Je sais pas... Mais en même temps on dirait qu'il sait ce qu'il fait.

- C'est peut-être un mal pour un bien, pensai-je, après tout, il est dans le milieu depuis très longtemps.

- Tu le défends alors qu'il a changé tes textes. J'ai vu ton regard, ça t'a pas plu, me fit-elle remarquer.

- Je le défends pas, j'essaie juste de comprendre. J'imagine que c'est dans notre intérêt.

Je n'avais pas parlé à mon amie de mon entrevue avec lui la veille des vacances. Lui non plus d'ailleurs. Je ne savais pas trop pourquoi mais je sentais quand même qu'elle n'avait pas à savoir.

Cheyenne  /!\ PAUSE /!\Où les histoires vivent. Découvrez maintenant