XI : Restless gipsies

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Alors que l'hiver commençait à lentement céder sa place au printemps, enfin à Los Angeles les saisons sont relatives, et après maintes et maintes répétitions interminables qui nous avaient laissé avec les doigts engourdis et les voix cassées, arriva enfin le moment où Charlie décida que nous étions peut-être prêts à fouler les planches d'une vraie scène et à affronter un public. Ce fut un soulagement pour nous parce que nous pensions être débarrassés des répétitions et que les choses semblaient enfin avancer. Comme nous étions naïfs.

Malheureusement les bonnes nouvelles arrivent rarement seules, c'est donc un matin de gueule de bois, qui était certainement le contrecoup d'une tentative pour décompresser après une longue journée de travail ou juste pour fêter la décision de notre patron, qu'on vint taper à la porte du studio qu'Alissa et moi occupions à l'époque. Je crus au début que le bruit faisait partie de mon rêve et ne réagis pas pendant plusieurs minutes mais les coups sourds s'accentuèrent. On tapait de plus en plus fort et sans discontinuer. J'entendis Alissa formuler un faible « Y'a quelqu'un à la porte... » la tête encore enfoncée dans son oreiller.

Je me levai tant bien que mal, les yeux encore collés et la bouche pâteuse presque anesthésiée par les excès de la veille, je m'enroulai dans ma couette et me dirigeai vers la porte. Je me mis sur la pointe des pieds pour regarder par le judas et fus prise de panique.

- Alissa debout ! lançai-je en tentant de tirer mon amie du lit.

- Quoi ?

- On est dans la merde !

- Mais quoiiii ?

- Vous êtes là, je vous entends ! Ouvrez tout de suite ! cria la voix derrière la porte.

Alissa tomba de son lit dans un bruit étouffé par l'épaisse moquette alors que j'ouvrais la porte en panique, la boule au ventre. Un homme chauve, la cinquantaine, se tenait dans l'encadrement. Il portait une chemise blanche à manches courtes rentrée dans son pantalon noir ce qui faisait ressortir sa bedaine, bref l'apanage des gens qui ont excellé dans l'art de rater leur vie. C'était un sous-fifre de l'administration du campus, toujours synonyme de problèmes, moins on les croisait, mieux on se portait. Les huissiers de justice des étudiants en quelque sorte.

Il fit une grimace discrète lorsque l'odeur de renfermé s'enfuit par la porte grande ouverte.

- Bonjour, dis-je en forçant un sourire mal à l'aise.

- Cheyenne Black et Alissa Moore ?

- Oui, répondis-je inquiète.

- James Whitman du service comptabilité du service hébergement du campus Est.

- C'est pour ?

- J'ai le regret de vous annoncer que bien que tous vos loyers aient été payé dans les temps, suite à de très nombreuses absences en cours et en examens, nous nous voyons dans l'obligation de vous retirer vos bourses ainsi que le logement étudiant que vous occupez actuellement, expliqua-t-il d'une traite et sans état d'âme.

- Mais... pas de préavis ? demandai-je sonnée.

- Nous vous avons envoyé trois courriers à chacune au cours du dernier mois. Vous regardez votre boite aux lettres parfois ?

Je détournai le regard, gênée, alors qu'Alissa tentait de se lever maladroitement.

- Et quand est-ce qu'on doit rendre les clefs ? Demandai-je.

- Demain soir au plus tard.

- Wow... murmura Alissa.

- Comme vous dîtes, conclut l'homme mal habillé.

Cheyenne  /!\ PAUSE /!\Où les histoires vivent. Découvrez maintenant