CHAPITRE IX

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Le jour de la soirée arrive. Je fais un tour en ville et m'achète une jolie robe, parce que je ne suis pas sûre d'être hyper féminine avec mes pantalons trop larges et mes tee-shirts. J'appelle Kassandra en me disant qu'elle pourrait peut être me conseiller, étant donné qu'elle est toujours bien habillée, maquillée et coiffée. Elle me propose de venir chez moi si cela ne me dérange pas. J'accepte, et préviens ma mère. Elle commence à la seconde un énorme nettoyage, astiquant, frottant, donnant des instructions à mon frère et moi, passant l'aspirateur, la serpillière... Je me demande comment, physiquement, on a réussi à nettoyer toute la maison avant midi, en étant seulement trois personnes. Nous sourions du travail exécuté et le contemplons avec hardeur. Maman prépare à manger pendant que mon frère et moi nous lavons tour à tour. Nous commençons à manger, et je reçois un SMS de Kass me disant qu'elle partait bientôt. Ma mère met son bonnet et mon frère une casquette à la mode. Je sors tout ce que ma mère et moi possédons comme « outils » de coiffure, de maquillage, et je sors ma nouvelle robe. J'entends la sonnette et je me lève de mon lit où j'attendais. Je me précipite dans l'entrée et vois une belle femme, les cheveux courts, lisses et bruns qui lui encadrent le visage jusqu'aux joues. Son visage est pâle, mais elle a des pommettes hautes et peu être fardées. Elle porte une tunique d'une couleur étrange, qui rehausse son teint et sa silhouette. Derrière elle, je vois la petite Kass qui roule des yeux parce que nos mères piaffent en parlant avec animation. Je l'invite silencieusement à me suivre dans ma chambre, pour ne pas que sa mère lui fasse un discours de type : Fais bien attention, tu as de l'argent dans ton sac si tu veux rentrer, préviens moi quand tu rentrera, et pas trop tard s'il te plaît... etc. Nous rentrons dans ma chambre et elle commence par inspecter toutes mes affaires que j'ai sorties et mises en évidence sur mon lit et sur mon bureau. Elle jette un coup d'œil sur la décoration de ma chambre (un peu douteuse, certes) et pose enfin ses yeux marrons clair sur moi.


« -Bon, alors, on le commence ce relooking express ? Me demande-t-elle avec un sourire.

-OK...

- Bon alors, laisse moi réfléchir deux minutes.

Elle me regarde sous tous les angles tandis que je me laisse faire, immobile comme un lampadaire. (J'ai parfaitement le droit de dire des choses bizarres, OK?) Elle regarde également ma robe, me demande de l'essayer, me demande de l'enlever, pour ne pas risquer de l'abîmer. Elle me regarde encore et lève enfin son pinceau. Je me sens comme une toile blanche, qui attend impatiemment d'être peinte, pour voir ce que ça fait. Je sens le pinceau passer tout doucement, me caressant les pommettes. Elle lève un nouveau pinceau et me demande de fermer les yeux. Je coopère et sens chaque micro-mouvement qu'elle fait avec son pinceau. Elle me demande si ça va, et au moment ou je me penche pour me regarder dans mon miroir, elle me dit : « Attends !! » (En fait, elle n'avait pas fini.) Elle me demande de faire telle ou telle forme avec ma bouche, lever ou baisser les yeux, de faire telle ou telle grimace... Je fais une liste dans ma tête : Mascara, fard à paupières, eye liner, blush, rouge à lèvres. Tout ça à enlever ce soir. La question : Combien de disques de coton vais-je utiliser pour enlever tout ça ? Ha, ça y est, elle a l'air d'avoir fini. Elle me montre d'abord ce qu'elle a utilisé sur moi avant que je regarde mon « autre moi » dans le miroir. Tout d'abord : Un eye liner noir profond, un fard à paupières qui paraît argenté foncé, avec plein de paillettes, mais qui, me dit-elle, donne sur la paupière une couleur très claire, qui donne juste un reflet en fait. Du mascara également noir profond, pour étirer mes cils qui dit-elle, son déjà très longs. Un rouge à lèvres rouge légèrement orangé. Elle me montre le miroir du menton, je m'approche, les yeux baissés. Ça y est, je suis devant. Je n'ose même pas lever les yeux. Je me tourne vers Kass, d'un air de dire : « Tu es sûre ? ». Elle sourit, hoche la tête et montre de sa main le miroir qui est derrière moi. Je me retourne, les yeux fermés, comme un soldat se retourne pour contempler ses amis et compagnons d'arme morts à la bataille remportée.Voilà, c'est ça,je me prépare à voir un drame. J'ouvre les yeux et découvre... pas moi. Ce n'est pas possible, ce n'est pas moi. Cette fille, qui est belle, qui a l'air sûre d'elle, j'ai l'impression qu'elle rayonne. Je regarde plus attentivement, c'est bien moi. J'ai l'impression de rêver, tellement je ne me ressemble pas. Mon autre moi se retourne, troublée. Je regarde Kass, aucune expression sur le visage. Elle écarquille les yeux et me demande d'un air horrifié :

« -C'est pas vrai ? Ça ne te plaît pas ? Pourtant j'y ai mis tout mon cœur, et franchement, ça te va très bien je trouve. Je veux dire que tu es jolie avec. Heu, ça ne veut pas dire que tu es moche habituellement, hein... Mais je pense que c'est la vérité parce que... »

Plus les mots sortent de sa bouche, plus elle parle vite, et plus elle paraît troublée. Je souris et elle s'arrête de parler dans un balbutiement incompréhensible.

« - Bien sûr que ça me plaît, dis-je, c'est juste que c'est... inhabituel quoi... Je ne suis jamais maquillée, du coup ça ne me ressemble pas, tu... comprends ce que je veux dire ?

- Ha ! Oui. Ouf ! J'ai cru... Un moment j'ai cru que ça ne te plaisais pas...

- Pas du tout ! Tu as fait un travail de pro, c'est admirable ! »

Elle me gratifie d'un sourire et me dit de mettre ma robe. Je m'exécute. J'agrémente ma tenue d'un petit sac à main emprunté à ma mère (dans lequel je met ma casquette), puis de ballerines assorties. Je lance un regard à Kass pour lui signifier que je suis prête. Nous retournons dans l'entrée et nous nous retrouvons encore une fois devant la mère de Kass. Elle et ma mère discutent vivement, autour de ce qui ressemble à un café ou à un thé. Sa mère nous jette un petit coup d'œil et se lève.

« -Merci pour ce délicieux thé, Misaki, nous nous reverrons bientôt, j'espère.

- Oui, à bientôt, répond ma mère accompagné d'un sourire. »

Maman me presse l'épaule pour me souhaiter une bonne après-midi, je pense (elle est devenue plus distante devant mes amis, car je lui ai appris à ne plus me traiter comme son petit bébé d'amour devant eux).

Le flambeau du silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant