CHAPITRE XXVII

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Quand je dépasse la grille du collège et que je marche pour rejoindre mes amis à notre coin habituel, je remarque que quelque chose ne va pas. C'est quand j'achève de leur dire bonjour que je le remarque. Tout le monde me regarde ! Mais quand je dis tout le monde, c'est genre... Tout le monde, quoi ! Chaque petite paire d'yeux est braquée sur moi, comme si j'étais un animal en voie de disparition.

« - Fais pas attention à ces blaireaux, Akina. Ça court vite les rumeurs dans ce collège. Me dit Adèle à voix basse.

- Ouais enfin... Je suis pas morte quand même...

- Bah t'as quand même été à deux doigts de te pointer chez les flics pour ce connard de Zed... Reprend Eden. Au fait, ça va ?

- Ouais... Je suis juste un peu triste pour lui, quoi. Je suis sûre qu'il ne voulait pas faire ça.

- Ouais, comme je suis sûr qu'au fond de lui, M. Lachapelle ne voulait pas nous donner ce contrôle surprise. Ce que tu dis n'a aucun sens. »

Je souris en entendant la référence à Jack Sparrow et nous rentrons en cours. La matinée se déroule lentement, comme toujours. Je n'arrive pas à me concentrer sur le cours, comme toujours. 5 minutes avant que le dernier cours du matin ne se termine, on frappe à la porte. Un pion ouvre la porte, et nous l'entendons à peine prononcer l'ordre de convocation dans le bureau du principal pour Kass, à cause du bruit des élèves qui se lèvent avec fracas. Elle paraît étonnée, mais pas inquiète. Je ne le suis pas non plus car je sais que Kass ne fait jamais rien de mal. J'ai pourtant un mauvais pressentiment. Elle récupère ses affaires et me lance un regard qui confirme ma pensée. Elle me fait un petit signe pour me faire comprendre qu'elle nous rejoindra à midi (si sa convocation ne dure pas trop longtemps, je suppose). Nous posons nos sacs aux casiers, sans parler de Kass, car nous savons qu'aucun de nous ne s'inquiète pour elle. On l'attend, sans se poser de questions. Après un certain temps passé à chercher une table à la cantine, nous nous posons enfin, maudissant le peu de temps qu'il nous reste. Nous sortons de la cantine et personne ne fait aucune remarque sur le fait que Kass ne soit pas revenue. Je sens le malaise arriver.

Nous recevons presque tous un message en même temps, dix minutes plus tard.

13h12 Je ne reviens pas en cours. Je vous attendrai à la sortie.

Kass. Nous relevons tous les quatre les yeux de nos portable respectifs, avec la même incompréhension dans nos regards.

« - Putain qu'est-ce qu'il se passe ? J'arrive enfin à articuler, brisant le blanc qui s'était installé. »

Personne ne me répond, et je sais que personne n'a la réponse à ma question. Nous restons tous silencieux jusqu'à notre retour en cours.

La sonnerie a à peine le temps de retentir que Séïra, Adèle, Eden et moi sommes devant la porte. Nous nous ruons dehors et voyons Kassandra, une dizaine de mètres derrière le portail, le visage baigné de larmes. Sans connaître encore la raison de ses pleurs, un grand câlin collectif est organisé. Quand nous nous séparons d'elle, Eden demande d'une voix douce :

« Qu'est-ce qu'il se passe Kass ? On s'est trop inquiétés pour toi, tu sais ? »

Kass a le visage baissé et c'est quand elle le relève que je me rends compte que je n'ai pas forcément envie d'entendre ce qu'elle a à nous dire. Ses yeux sont gonflés, ses joues sont rouges et ses mains tremblent. Elle ouvre la bouche, la referme, une larme coule sur sa joue.

« Je... Putain mon père est mort les gars ! »

Je savais que je ne voulais pas entendre ça. Nous sommes tous bouches bées par cette horrible annonce. Kass s'assoit par terre. Elle est à bout de nerfs. Elle pleure tout ce qu'elle peut, elle a mal. Dieu sait que c'est horrible de perdre un ami, alors un père. Celui qui nous a fait. Haha, mais tu ne sais pas ce que ça fait d'avoir un père, fais pas genre t'es triste ! Cette phrase résonne dans ma tête malgré moi. Je la prend à nouveau dans mes bras, bientôt imitée par tout le monde. Adèle chiale. Séïra a le regard sombre. Eden est... bah c'est-à-dire que physiquement il est avec nous. Mais que physiquement. Son regard est loin.

Kass décide de nous raconter comment ça s'est passé. Son père fumait depuis un bon bout de temps. Depuis le début de sa vie, presque. Mais le cancer a décidé de faire apparition en lui. Il l'a ignoré, se croyant plus fort que la Nature. Mais la Nature l'a mal pris, et elle a organisé un sombre dessein avec sa pote la Mort. Et à cause du pauvre refus de son père, à cause de sa stupidité et de son manque de réalisme, il est mort. Même sa mort est égoïste. Lui se repose dans le paradis, ou je ne sais quel autre endroit, tandis que sa femme et ses gosses le pleurent. Putain je déteste le père de Kass. Je le déteste de le voir infliger ça à sa fille, l'être le plus bon de la Terre. Elle veut bosser dans l'humanitaire, merde !

Le flambeau du silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant