CHAPITRE V

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La semaine se déroule comme elle peut, lentement, très lentement, trop lentement... C'est avec une joie intense que j'arrive à la maison, le vendredi soir, mais j'ai toujours cette impression d'être suivie, regardée, chaque centimètre de ma peau observé. Ce sentiment gênant me poursuit où que j'aille, quoi que je fasse. Je m'affale dans le canapé, tellement abîmé, que sa couleur ne dois plus être répertoriée. Pendant la semaine, Edwige a gazouillé avec de plus en plus d'entrain, elle guérit, cela me fait plaisir. Toutefois, j'ai plusieurs fois entendu un gazouillement trop articulé pour en être un... Maman me fais un petit bisou en passant, les mains pleines de divers objets pour nettoyer, récurer, faire briller. Elle me lance :

« - Tu m'aide à tout ranger s'il te plaît ?

- J'ai pas envie.

- Comment ça, tu n'a pas envie? Mais tu n'as pas le choix ! »

Je souffle bruyamment pour exprimer ouvertement mon mécontentement, mais ça n'a pas l'air de lui faire changer d'avis. Pendant que je passe l'aspirateur dans ma chambre, maman me dit :

« - Pourquoi tu es comme ça ?

- Comme ça comment ?

- Pourquoi est-ce que tu n'es jamais contente, tu ne souris plus jamais, j'ai l'impression de te saouler en permanence !

- Je ne sais pas.

- Et bien il serais bien que tu commences à savoir parce que je commence à en avoir ras-le-bol, moi ! »

Sur ce, elle s'en va dans le couloir et me laisse plongée dans mes pensées. Pourquoi suis-je comme ça ? Je n'en sais rien, peut être que... peut être que je suis adolescente... Le reste de la soirée se passe en silence, enfin presque : il y auras toujours Koji qui jacassera comme une pie.

Ma mère rentre dans ma chambre, de beau matin (sans frapper à la porte, comme d'habitude, et je ne manque pas de lui faire la remarque), et ouvre les rideaux pour laisser passer la lumière. Elle me sourit avec exagération pour signifier : C'est parti ! Je donne à manger à Edwige en prenant le plus de temps possible, mais je sais bien qu'il faudra partir un moment ou un autre...

On monte dans la voiture, avec mon frère, avec un manque évident d'entrain de notre part. Nous restons muets comme des carpes durant tout la trajet.

Arrivés à bon port, toujours aucune ombre de sourire sur nos visages. Nous commençons notre longue, longue, traversée de cette mer noire de monde, appelée couramment le « premier jour des soldes ». De magasins en magasins, essayages après essayages, je commence à voir les limites de l'ignorance de ma patience. Je commence à souffler bruyamment, à vouloir sortir le plus vite possible du magasin dans lequel je suis... Trop de couleurs, de vitres, de rayons, de prix, de réductions et de sourires commerciaux. Peu de vêtements achetés me plaisent, mais je ne vais pas m'en plaindre, ils ne sont pas si horribles que je ne le pensais. Soudainement ma mère tourne dans un Apple Store. Après avoir longuement bavardé avec le vendeur, elle se tourne vers moi :

« -Je t'achète un portable !

- Que... Quoi ? Hé mais je ne veux pas de portable !! Maman, s'il te plaît, je n'en veux pas, je n'en ai pas besoin!! »

Je me tourne vers le vendeur, dans l'espoir qu'il m'aide à me sortir de cet embarras, qu'il dise quelque chose. Je scrute son visage et découvre dans ses petits yeux en amandes presque noirs une petite lueur de malice.

« - Tu sais, me dit-il, il y a beaucoup d'adolescents de ton âge qui veulent un portable.

- Peut-être, mais moi, je n'en veux pas ! Je m'écrie, avec les 6 règles d'or de la Barbie en tête.

- Écoute Akina, me dit ma mère en me tirant par le bras pour m'éloigner du vendeur, de toute façon, tu n'as pas le choix. Pense à ce que je t'ai dit hier soir, c'est pour ressembler aux autres ! Et puis... je suis sûre que tu y prendras goût. »

Sans savoir comment, après 15 minutes à entendre des questions dans la bouche du vendeur, qui, en passant, trouvaient leurs réponses dans la bouche de ma mère, je sors du magasin avec un iPhone 5 dans la main. Bien que je n'en veuille toujours, pas, je remarque quand même que c'est un joli portable... Enfin, la pause tant attendue du midi arrive, nous mangeons dans un fast-food, et, contrairement à son nom, j'essaye de mettre le plus de temps possible pour manger, afin de ne pas retourner directement dans les boutiques. Nous continuons donc notre fabuleuse expérience qui me tient au cœur. J'essaye de penser à autre chose, pour faire en sorte que le temps passe plus vite, je suis absorbée dans mes pensées et ne réponds pas toujours quand ma mère ma parle. Tandis que je sors d'une cabine, après avoir essayé une robe, ma foi, pas trop mal, je remarque une personne dans une cabine environnante, j'ai l'impression de la connaître. Elle est plutôt petite, avec des yeux marrons, rieurs, elle à des cheveux châtain foncé, mi-longs et très frisés. Elle lève la tête, et croise mon regard. Elle sourit,et c'est à ce moment que je la reconnais.

« - Hé salut ! Akina, c'est ça ? »

Je hoche la tête, un peu étourdie tandis qu'elle s'approche et me fait la bise, comme si nous étions les meilleures amies du monde. Je me souviens l'avoir déjà vue dans ma classe.

« - Ho ! Tu es Kassandra, c'est ça ?

- Oui, c'est ça ! Tu passes la journée ici ?

- Heu, ouais je fais les soldes avec ma mère et mon frère.

- Ça doit te paraître long non ? dit-elle en grimaçant »

Je me tourne vers ma mère, qui est en train d'admirer mon frère qui porte un tee-shirt vert, qui va parfaitement avec la couleur de ses yeux. Dois-je mentir ? Elle a l'air d'être gentille...

« - Heu ouais, très long, dis-je avec un petit sourire.

- Tu... Tu veux venir avec nous ? »

Le flambeau du silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant